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Comores : L’impérialisme comme angle-mort, un point de vue

D 16 juin 2009     H 22:42     A Robin Guébois     C 0 messages


L’article, de Coralie W. sur la départementalisation de
Mayotte, appelle plusieurs remarques tant il repose sur un
déni de l’histoire comorienne récente et de l’impérialisme
français. Il récuse la notion de peuple comorien incluant les
Mahorais et affirme qu’on « ne peut pas
obliger un peuple tout entier (...) à vivre
avec des gens en qui il ne se reconnaît plus
 », reprenant sans sourciller l’argumentation
qui était déjà celle de Messmer en 1975.
Première interrogation : le principe de
l’autodétermination des peuples énonce-t-il
un droit des peuples opprimés à se libérer ou
un droit à la sécession ? Si elle était
majoritaire, soutiendrions nous par exemple
la revendication d’indépendance de la
Padanie défendue par la Ligue du Nord en
Italie ? Deuxième étonnement : comment
passer sous silence les mécanismes de la
construction de cette « identité mahoraise », la répression
contre ceux qui s’y oppose, son instrumentalisation xénophobe
par le pouvoir néocolonial et ses relais dans la classe politique
mahoraise, les ratonnades auxquelles elle a donné lieu, il n’y a
pourtant pas si longtemps ,avec la complicité des élus UMP ?
L’article de Coralie W. reconnaît que l’attachement d’une
majorité de Mahorais-e-s à la France, plus que par des raisons
culturelles ou historiques, s’explique par la crainte de perdre des
conditions de vies plus favorables. Mais l’argumentation est à
nouveau un raccourci surprenant : « Les Mahorais ne sont pas
prêts à rejoindre le destin des Comores qui ressemble à de
nombreux régimes véreux communs à l’Afrique : misère (niveau
de vie 9 fois inférieur à celui de Mayotte), corruption et instabilité
politique (18 coups d’Etat en 34 ans d’indépendance) » Les « 
régimes véreux » ne sont-ils « communs » qu’à l’Afrique ? Tous
les régimes politiques qui se sont succédé aux
Comores depuis l’indépendance sont-ils
équivalents ? Et surtout comment passer sous
silence la responsabilité directe de l’Etat
français dans la longue liste des coups d’Etat,
puis des déstabilisations sécessionnistes qui se
sont succédé ? Même Silberzahn, l’ancien
responsable de la DGSE, a reconnu que c’est la
France qui exerçait la réalité du pouvoir aux
Comores du temps de Bob Dénard. Faire des
Comores un épouvantail pour les Mahorais-e-s,
c’est précisément la politique menée par les
autorités françaises depuis plus de trois
décennies pour maintenir leur mainmise sur
Mayotte. Imaginons à l’inverse, en réparation des
crimes néocoloniaux, une réelle politique de coopération avec les
Comores, permettant un développement des infrastructures
répondant aux besoins sociaux et sanitaires de la population ;
imaginons une harmonisation progressive du niveau de vie sur les
quatre îles et une évolution institutionnelle permettant le
rattachement progressif aux Comores incluant éventuellement le
respect d’une autonomie administrative à déterminer ; imaginons
enfin un débat public débarrassé du joug néocolonial : le choix
des Mahorais-e-s serait-il le même ?

Robin Guébois