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Burundi : Refus des autorités nationales de rencontrer la délégation de l’Observatoire

D 4 janvier 2011     H 04:25     A     C 0 messages


L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a mandaté une mission internationale d’enquête au Burundi du 14 au 21 novembre 2010, composée de Olivier Foks, avocat au barreau de Paris, et Damien Chervaz, avocat au barreau de Genève, afin d’évaluer la situation des défenseurs des droits de l’homme au Burundi en cette période post-électorale.
La délégation a pu rencontrer les acteurs principaux de la société civile burundaise, des représentants de divers médias, plusieurs avocats travaillant sur des dossiers jugés sensibles, des membres de l’appareil judiciaire burundais, ainsi que des membres des représentations diplomatiques. A l’occasion d’un déplacement à Gitega, les chargés de mission ont également pu rencontrer des représentants de la société civile, le gouverneur de la province ainsi que des autorités de police de cette ville.

En revanche et malgré les demandes officielles d’entretiens transmises avant le début de la mission, aucune autorité gouvernementale n’a donné de réponse favorable aux demandes de rendez-vous formulées par la délégation. Par ailleurs, les chargés de mission regrettent de ne pas avoir eu accès à la prison centrale de Mpimba (Bujumbura). En effet, malgré l’obtention d’une autorisation écrite du Directeur général des Affaires Pénitentiaires, le Directeur dudit établissement pénitentiaire a refusé à deux reprises l’entrée de la prison, le 19 novembre 2010 « pour cause de sport » et le lendemain matin, le 20 novembre 2010, au prétexte qu’il ne travaillait pas ce jour là.

La mission a pu recueillir des informations précises sur la détention actuelle ou passée de plusieurs journalistes et sur les raisons de ces incarcérations pour conclure à leur caractère arbitraire au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A cet égard, l’Observatoire est particulièrement préoccupé par la détention préventive de Jean-Claude Kavumbagu, Directeur du journal en ligne Netpress. Ce dernier est en effet détenu depuis plus de quatre mois pour la rédaction d’un article de presse remettant en question la capacité de l’armée et des forces de police burundaises de prévenir une éventuelle attaque du groupe islamiste somalien Al Shabab qui revendique l’attentat terroriste perpétré en Ouganda.

La délégation a également réuni de nombreux témoignages circonstanciés sur l’existence de menaces récentes proférées à l’encontre de représentants de différentes organisations de défense des droits de l’Homme ayant dénoncé des faits impliquant des personnalités proches du pouvoir.

À cet égard, l’Observatoire exprime sa vive inquiétude relativement aux diverses pressions et menaces de mort exercées à l’encontre de M. Gabriel Rufyiri, Président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME) et de son épouse, ainsi que de M. Pierre-Claver Mbonimpa, Président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH). Ces derniers demandent notamment la poursuite et le jugement des auteurs présumés de l’assassinat, en avril 2009, d’Ernest Manirumva, ancien Vice-président de l’OLUCOME. L’Observatoire rappelle que le procès portant sur l’assassinat d’Ernest Manirumva, qui aurait dû s’ouvrir il y a plusieurs mois devant la Cour d’appel de Bujumbura siégeant en juridiction de premier degré, a été reporté sous prétexte du retard pris dans la délivrance des citations aux prévenus non détenus.

Il ressort par ailleurs de la mission d’enquête que les autorités burundaises tentent d’entraver le bon fonctionnement de certaines associations de défense des droits de l’Homme, et en particulier l’APRODH ainsi que le Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), en remettant en cause leur constitution légale et en menaçant de suspendre leurs dirigeants élus. Enfin, les chargés de mission ont été informés de l’existence de propositions de loi visant à réformer la réglementation portant sur les associations à but non lucratif et à créer une commission nationale des droits de l’Homme. L’Observatoire portera une attention particulière au suivi de l’ensemble de ces dossiers.

L’Observatoire, qui publiera un rapport de mission début 2011, rappelle que ces faits s’inscrivent dans une situation post-électorale extrêmement tendue où le parti au pouvoir cherche à réduire au silence toute critique sur les modes de gouvernance et les conditions d’organisation des élections. Cela se traduit par la multiplication des arrestations et détentions arbitraires, l’exil des principaux dirigeants politiques d’opposition et l’assassinat de militants politiques du parti au pouvoir et de l’opposition. Dans ce contexte, l’assimilation par le pouvoir des défenseurs aux militants politiques est particulièrement inquiétante pour la poursuite de leurs activités et leur sécurité.