Vous êtes ici : Accueil » Afrique centrale » Burundi » Burundi : Tentative de blocage d’un rapport portant sur les assassinats (...)

Burundi : Tentative de blocage d’un rapport portant sur les assassinats politiques

Le ministre de l’Intérieur ordonne l’annulation de la conférence de presse de Human Rights Watch

D 16 mai 2012     H 05:47     A Human Rights Watch     C 0 messages


Le ministre de l’Intérieur du Burundi a donné l’ordre à Human Rights Watch d’annuler une conférence de presse qui devait se tenir à Bujumbura, la capitale, le 2 mai 2012, à l’occasion de la publication d’un rapport sur la violence politique au Burundi, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La police a également ordonné à Human Rights Watch de cesser la distribution de ce rapport au Burundi.

Le rapport de Human Rights Watch, intitulé « ‘Tu n’auras pas la paix tant que tu vivras’ : L’escalade de la violence politique au Burundi », [4] documente l’augmentation du nombre d’assassinats politiques au Burundi de la fin de 2010 à la fin de 2011. Il décrit les meurtres de membres et anciens membres de groupes d’opposition par des agents de l’État et par des membres du parti au pouvoir, ainsi que des meurtres de membres du parti au pouvoir par des groupes de l’opposition armés.

« Obliger Human Rights Watch à annuler une conférence de presse ne peut occulter la gravité de la violence politique au Burundi », a déclaré Daniel Bekele [5], directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Au lieu de tenter de réduire le messager au silence, le gouvernement devrait prendre à cœur le contenu et les recommandations du rapport, et adopter des mesures concrètes pour empêcher les assassinats politiques. »

Dans une lettre datée du 30 avril, le ministre de l’Intérieur, Édouard Nduwimana, a informé Human Rights Watch, sans donner de raison, qu’il ne permettrait pas que la conférence de presse se tienne le 2 mai. Dans une lettre adressée au maire de Bujumbura un peu plus tôt le même jour − que Human Rights Watch a pu consulter – le ministre ordonnait au maire d’interdire la conférence de presse en raison du titre du rapport et parce que Human Rights Watch n’avait pas demandé d’autorisation.

Human Rights Watch avait écrit au ministre burundais des Relations extérieures et de la coopération internationale le 19 avril, mettant en copie le ministre de l’Intérieur et d’autres autorités, l’informant que l’organisation publierait prochainement un rapport sur la violence politique au Burundi et sollicitant des entretiens afin de faire part à ces représentants du gouvernement des conclusions et recommandations de ce rapport avant sa publication. Human Rights Watch a également indiqué à plusieurs hautes autorités – dont le ministre de l’Intérieur, lors d’un entretien le 30 avril – que l’organisation souhaitait qu’un représentant du gouvernement intervienne lors de la conférence de presse afin de présenter le point de vue du gouvernement. Human Rights Watch avait espéré pouvoir nouer un dialogue en tête-à-tête avec les autorités avant l’annonce officielle de la conférence de presse.

Lors de l’entretien du 30 avril, toutefois, le ministre de l’Intérieur avait qualifié Human Rights Watch de « subversif » et « animé d’une mauvaise foi notoire ». Mais plusieurs autres autorités qui ont rencontré des représentants de Human Rights Watch le 30 avril – notamment le ministre des Relations extérieures, le ministre de la Sécurité publique et un représentant de la présidence – ont accueilli favorablement Human Rights Watch et n’ont soulevé aucune objection au sujet du rapport ou de la conférence de presse. Human Rights Watch a remis à l’avance à chacun de ces trois ministres un exemplaire du rapport.

Même si les motifs de l’interdiction de la conférence de presse par le ministre de l’Intérieur n’ont pas été précisés, Human Rights Watch a obtempéré et annulé l’événement. Le 2 mai – date de la publication du rapport − Human Rights Watch a commencé à distribuer des exemplaires à des représentants du gouvernement, à des journalistes et à d’autres personnes. Au bout de trois heures, un membre de la police nationale a appelé les représentants de Human Rights Watch à Bujumbura et leur a ordonné d’arrêter la distribution immédiatement. Il a affirmé que Human Rights Watch n’était pas autorisé à distribuer le rapport et a menacé de prendre « les mesures qui s’imposent » si l’organisation poursuivait la distribution.

Les actions du ministre sont très inhabituelles auBurundi, où des organisations burundaises et internationales tiennent fréquemment des conférences de presse sans difficulté et sans demander d’autorisation préalable. De même, ces organisations publient et diffusent régulièrement des rapports et des communiqués. Toutefois, dans leurs activités courantes, les groupes de la société civile et journalistes burundais sont en butte régulièrement au harcèlement et à l’intimidation quand ils rendent compte de violations des droits humains, et le gouvernement les accusent dans ces cas d’être des porte-paroles de l’opposition.

Human Rights Watch estime que la décision du ministre de l’Intérieur d’interdire la conférence de presse ainsi que sa tentative de bloquer la distribution du rapport illustrent la réticence de certaines autorités gouvernementales à écouter les critiques relatives à la situation du Burundi en matière de droits humains.

« Nous espérons vivement que ces événements peu courants ne nuiront pas à une relation par ailleurs constructive avec le gouvernement burundais », a conclu Daniel Bekele. « Human Rights Watch fera tout son possible pour engager un dialogue positif avec le gouvernement sur le contenu de son rapport et plus généralement sur la situation des droits humains au Burundi. »