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Cameroun : Débat sur les élections présidentielles

D 10 novembre 2010     H 04:33     A Abanda Kpama     C 0 messages


Abanda Kpama* : Pourquoi faut-il s’inscrire massivement sur les listes électorales

Des années durant, l’Opposition politique kamerunaise a focalisé son combat sur le processus électoral. BIYA et son régime étaient accusés, à raison, de confisquer le processus électoral qui va de l’inscription sur les listes électorales à la proclamation des résultats en passant par la délivrance des cartes d’électeurs, la gestion de l’élection proprement dite et le contentieux électoral ;

sans même parler du découpage électoral qui est certes une prérogative du pouvoir exécutif mais dont l’articulation, en démocratie, devrait être transparente parce que reflétant le principes républicains de gouvernement.

Sous les coups de boutoir de L’opposition, M. BIYA a fait une première concession appelé ONEL, un observatoire des élections, rien de plus. Il a fait une deuxième concession, ONEL2, toujours un observatoire. C’est alors que le jeu complexe des intérêts conjugués des populations kamerunaises, de l’Opposition politique kamerunaise et des partenaires extérieurs du Kamerun a abouti à la mise sur pied d’Elecam, organe qui se veut indépendant du pouvoir exécutif, et qui est censé gérer tout le processus électoral. Elecam a constitué une avancée si on le compare à ONEL2. C’est probablement la raison qui a amené M. BIYA à commettre deux fautes politiques :

1- En violation de la loi, M. BIYA n’a nommé à la tête d’Elecam que des notables du RDPC dont certains sont d’ailleurs soupçonnés de trafics divers.
2- Malgré la coloration exclusivement RDPC du directoire d’Elecam, M. BIYA a modifié la loi sur Elecam avant même que celui-ci n’ait fait ses premiers pas, pour réintroduire le tristement célèbre MINATD dans la gestion du processus électoral.

Ce qui inquiète M. BIYA et son parti, c’est l’autonomie d’Elecam. Une institution autonome pourrait en effet réserver de nombreuses surprises au régime en place.
 Il est donc normal que l’Opposition exige le respect de la loi par M. BIYA. Elecam doit être autonome, c’est un gage de sincérité et de transparence. Le MINATD qui s’est illustré dans le passé, par des fraudes massives orchestrées par les sous-préfets aux ordres de M. BIYA, est disqualifié pour s’ingérer dans le processus électoral. Le MINATD a fait la preuve de sa partialité en faveur de M. BIYA et du RDPC et de son incompétence. En réalité, tous les ministres de l’Administration Territoriale depuis le très tristement célèbre ANDZE TSOUNGUI et jusqu’à M. MARAFAT YAYA devraient être traduits devant les tribunaux du pays pour violation des lois de la République, faux et usage de faux.
 L’Opposition doit aussi exiger l’augmentation substantielle des capacités financières et humaines d’Elecam pour renforcer son autonomie et son efficacité.
 La troisième exigence de l’Opposition pour rendre Elecam crédible est de lui confier la totalité du processus y compris donc la refonte des listes. Le fichier électoral du MINATD est scandaleux. Il comporte 4,5 millions d’électeurs ; mais comme certains noms reviennent une, deux, trois voire quatre fois, c’est effectivement 1,5 million de citoyens qui votent depuis 1992. Etant donné que le potentiel d’électeurs est estimé de 8 à 9 millions d’après le dernier recensement général de la population, on peut conclure que la représentation locale, parlementaire et le président de la République sont illégitimes.
L’Opposition doit concentrer ses revendications sur les trois exigences ci-dessus énoncées. Ce sont des revendications de bon sens qui ne peuvent pas être combattues par les parlementaires si le débat est porté à l’Assemblée Nationale.

En réalité, ce n’est pas ELECAM qui pose problème à l’Opposition. ELECAM, avons-nous dit, est une avancée. Ce qui pose problème, c’est le très mauvais rapport que le régime conservateur de M. BIYA entretient avec la démocratie. Le régime BIYA n’a pas la volonté politique nécessaire pour impulser, de lui-même, la démocratisation du pays. Il faut donc le contraindre à le faire. D’où le 2ème volet de la stratégie que l’Opposition et les démocrates doivent mettre en œuvre.

Appeler les populations à s’inscrire massivement sur les listes électorales
Les dispositions légales permettent aux partis politiques de désigner un représentant dans chaque commission communale d’inscription sur les listes électorales et à un 2ème échelon, un représentant dans chaque commission départementale de contrôle et de supervision des listes confectionnées au niveau communal. La loi dispose par ailleurs qu’on délivre à chaque inscrit un récépissé qui tient lieu de preuve de l’inscription et permettra la délivrance de la carte d’électeur. Le risque de l’inscription multiple du même électeur est annulé grâce au logiciel offert à Elecam par les partenaires en développement.
Dans ces conditions, l’assurance que les élections soient crédibles, justes et transparentes dépend du peuple kamerunais mobilisé. L’Opposition a donc intérêt à appeler les citoyens kamerunais en âge de voter, qu’ils aient déjà ou non une carte d’électeur, à s’inscrire massivement sur les listes électorales ouvertes par Elecam. Les citoyens doivent êtes informés qu’ils doivent exiger un récépissé d’inscription, plus tard une carte d’électeur et le bureau de vote où ils voteront. Ainsi informés, sensibilisés et mobilisés, les citoyens kamerunais sauront exercer la pression nécessaire pour que leur expression soit FIDELEMENT prise en compte. Aucun Etat, aucun dictateur ne peut vaincre un peuple mobilisé qui exige que sa volonté soit faite. L’inscription massive sur les listes électorales est la première étape de cette stratégie de mobilisation qui allie participation au processus électoral, revendication soutenue pour l’indépendance et la viabilité d’Elecam, mobilisation populaire pour défendre l’expression populaire.

Les boycotts des inscriptions sur les listes électorales prôné par certaines forces politiques est démobilisateur et dangereux. S’il s’agit de s’opposer à un scrutin qui s’avérerait faussé à l’avance, il vaut mieux le faire avec un corps électoral mobilisé et des citoyens inscrits sur les listes qui pourront ainsi rendre le scrutin illégitime par un boycott actif plutôt que d’encaisser « la défaite » impassibles et impuissants comme ce fut le cas en 1996, 2002, 2004 et 2007, parce que les Kamerunais auront complètement tourné le dos à tout ce qui a rapport avec les élections, l’Opposition devenant objectivement l’allié du RDPC et de son chef.

Le RDPC et son chef ne cèderont rien, cela est entendu. Mais ils seront contraints de respecter la volonté majoritaire de notre peuple si nous réussissons à le mobiliser et à le mettre en rangs de bataille pour organiser l’assaut décisif sur l’édifice vieilli et affaibli du régime néocolonial. C’est à ce défi là que l’Opposition démocratique et patriotique doit répondre. VITE AU TRAVAIL !

* Président du Manidem