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Cameroun : Des soldats ont perpétré des actes de violence dans la région du Nord-Ouest

Les autorités devraient garantir des enquêtes indépendantes et sanctionner les responsables

D 17 février 2022     H 06:30     A Human Rights Watch     C 0 messages


Des soldats camerounais ont tué au moins huit personnes et incendié des dizaines de maisons et de magasins au cours de trois opérations militaires distinctes dans la région anglophone du Nord-Ouest en décembre 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les morts figurent trois enfants, deux femmes et un homme âgé.

« Les forces de sécurité camerounaises ont à nouveau fait preuve de mépris pour la vie humaine lors de leurs récentes opérations dans la région du Nord-Ouest », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch. « Les meurtres de civils, notamment d’enfants, sont des crimes graves qui devraient faire l’objet d’enquêtes crédibles et indépendantes, et dont les responsables devraient rendre des comptes. »

Le 8 décembre 2021, en réponse à une attaque d’un convoi militaire par des combattants séparatistes armés, des soldats ont tué deux adolescents âgés de 16 et 17 ans ainsi qu’un homme de 70 ans, et ont brûlé au moins 35 maisons et magasins appartenant à des personnes privées le long de Mbengwi Road (route Mbengwi) à Bamenda, la capitale de la région du Nord-Ouest.

Le 10 décembre, des soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite des forces armées camerounaises, ont fouillé de nombreuses maisons dans le village de Chomba, à environ 10 kilomètres de Bamenda, dans une zone tenue par les séparatistes. Les soldats ont rassemblé environ 80 habitants sur la place du village, les ont accusés d’abriter des combattants séparatistes et les ont menacés de mort. Les soldats ont fait disparaître de force quatre villageois, dont deux femmes, au cours de ce raid. Ces quatre personnes ont été retrouvés mortes le 29 décembre, apparemment touchées par balle à la tête.

Le 22 décembre, suite à une attaque présumée menée plus tôt dans la journée par des combattants séparatistes armés, des soldats ont tué par balle une fillette de trois ans et blessé une jeune fille de 17 ans dans le quartier de Ngomgham à Bamenda.

Entre le 19 décembre et le 12 janvier 2022, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 19 personnes, dont 7 témoins de l’incendie criminel le long de Mbengwi Road, qui ont également perdu leurs biens ; 4 témoins de l’opération militaire à Chomba, et 2 membres du personnel médical de l’hôpital régional de Bamenda où les corps des deux adolescents ont été déposés et où l’homme de 70 ans a reçu un traitement avant de décéder. Human Rights Watch a également interrogé deux parents de la fillette tuée et de la jeune fille de 17 ans blessée dans le quartier de Ngomgham ; un journaliste local qui a enquêté sur cette attaque, et trois habitants de la région du Nord-Ouest ayant connaissance des trois incidents.

Human Rights Watch a également examiné des images satellite montrant plus de 35 bâtiments touchés par le feu le long de la route de Mbengwi, ainsi que 19 vidéos directement partagées avec les chercheurs de Human Rights Watch et publiées sur les réseaux sociaux, indiquant l’ampleur des destructions de biens à cet endroit. Human Rights Watch a examiné des factures d’hôpital et deux photographies de la jeune fille de 17 ans, ainsi qu’une vidéo montrant les corps des quatre personnes retrouvées à Chomba, et trois photographies de leur enterrement.

Le 21 janvier, Human Rights Watch a partagé ses conclusions avec le porte-parole de l’armée, le colonel Cyrille Serge Atonfack Guemo et demandé des réponses à des questions spécifiques. Human Right Watch n’a toutefois pas reçu de réponse à ce jour.

Dans un communiqué de presse du 10 décembre, le ministère camerounais de la Défense a affirmé que des combattants séparatistes avaient tendu une embuscade à une unité du BIR avec un engin explosif improvisé le 8 décembre dans le quartier de Nitop à Bamenda, et qu’une confrontation entre les soldats et les séparatistes s’en était suivie. Le porte-parole du ministre a nié que les forces de sécurité aient incendié des maisons ou des magasins, affirmant plutôt qu’un entrepôt séparatiste où étaient stockés des « composants utilisés dans la fabrication d’engins explosifs improvisés » avait explosé « pendant la fusillade », provoquant « une onde de choc sur quelques maisons voisines ». Il a ajouté qu’une enquête avait été ouverte sur « ce regrettable incident ».

L’analyse par Human Rights Watch des images satellite enregistrées avant et après l’incendie criminel signalé indique qu’au moins 35 structures ont été endommagées par le feu, dont certaines semblent avoir été complètement réduites en cendres, tandis que d’autres présentent des traces de brûlures sur le toit. Les structures incendiées se situent des deux côtés de Mbengwi Road et présentent des zones de dommage distinctes. Ce schéma suggère que des structures individuelles ont été incendiées de manière distincte et que les dégâts ne sont pas le résultat de l’expansion d’un incendie plus important ou d’une explosion, comme le prétend le ministère de la Défense. Human Rights Watch pense également que son analyse des dommages est très probablement sous-estimée, car les images satellite ne montrent pas les dommages internes de ces bâtiments.

« J’ai perdu toute ma maison, et je suis maintenant sans abri », a déclaré à Human Rights Watch un commerçant de 55 ans qui vivait sur Mbengwi Road. « J’ai vu jusqu’à 30 soldats, notamment ceux du BIR. Ils tiraient et brûlaient. Dans ma maison, tout a été brûlé : les ustensiles de cuisine, les livres, les matelas, les chaises, les tables, les vêtements, les draps de lit, les couvertures. Ils ont tout brûlé, pièce par pièce ».

Plusieurs médias nationaux et internationaux ainsi que des organisations camerounaises et internationales de défense des droits humains ont mentionné l’incendie criminel sur Mbengwi Road. Dans un rapport conjoint publié le 10 décembre, le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique, une organisation camerounaise de défense des droits, et la Base de données sur les atrocités, un projet de recherche mené par des volontaires et des chercheurs de plusieurs universités internationales, ont documenté l’incendie généralisé de bâtiments le long de Mbengwi Road le 8 décembre par les forces gouvernementales. Ce rapport fait référence à plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrant des bâtiments en feu, dont les emplacements ont été identifiés et partagés en ligne par le chercheur Israel Ayongwa. Le rapport indique aussi qu’un témoin « a vu les cadavres de deux jeunes garçons dans un atelier de métallurgie incendié ».

Les incidents de décembre font suite à de précédentes vagues de violences et de violations des droits humains, la plupart toujours impunies, commises par les forces gouvernementales dans le cadre de la crise dans les régions anglophones. Human Rights Watch a documenté des incendies à grande échelle dans des villages, perpétrés par des membres des forces de sécurité entre 2017 et 2021 dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que des meurtres et des mauvais traitements de civils. Plusieurs groupes séparatistes armés ont également commis des exactions, notamment des meurtres, des enlèvements et des attaques généralisées contre l’éducation.

Le 5 décembre, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a publié une résolution faisant part de sa préoccupation face à « la détérioration de la situation des droits de l’homme » au Cameroun et appelant le gouvernement à « autoriser une Mission d’établissement des faits dans le pays, pour permettre à la Commission de vérifier les allégations de violations ».

« L’incapacité du gouvernement camerounais à faire en sorte que ses forces de sécurité répondent des abus qu’elles ont commis par le passé n’a fait qu’encourager les soldats à commettre de nouveaux crimes tout aussi odieux », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Pour mettre fin à cette impunité et contribuer à poser les jalons nécessaires pour que justice soit faite, le gouvernement devrait garantir aux experts indépendants de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples un accès et une coopération sans réserve qui leur permette d’enquêter sur ces crimes présumés ».

Pour plus de détails sur les abus récents et les récits des victimes et des témoins, veuillez lire la suite ci-dessous.

Attaque menée par des soldats le long de la route « Mbengwi Road » à Bamenda (8 décembre 2021)

Meurtres

Lors de l’attaque, les soldats ont tué trois personnes, dont deux adolescents âgés de 16 et 17 ans qui travaillaient comme apprentis dans un atelier de soudure, et un homme âgé de 70 ans qui vivait sur Mbengwi Road. Human Rights Watch n’a pas interrogé de témoins de ces meurtres, mais a parlé avec cinq personnes qui ont vu leurs corps et avec deux sources médicales de l’hôpital régional de Bamenda qui ont confirmé que les corps des garçons avaient été transportés à la morgue de l’hôpital et qu’un homme de 70 ans y avait été soigné avant d’y décéder le 10 décembre.

Un chauffeur de camion de 45 ans qui a porté secours à l’homme âgé et l’a emmené à l’hôpital a déclaré :

Les soldats ont brûlé ma maison et ont tiré sur mon locataire, un homme de 70 ans. Il n’est pas mort sur le coup. Je l’ai trouvé en sang devant ma maison. Il avait été touché à la jambe droite. Je l’ai emmené à l’hôpital régional ; il est mort deux jours plus tard. Il n’a pas pu s’échapper à cause de son âge. Il était trop vieux et trop faible pour cela.

Human Rights Watch a examiné deux vidéos envoyées directement à ses chercheurs et publiées sur les réseaux sociaux, dont l’authenticité a été confirmée par le chauffeur du camion et un autre habitant dont le domicile est situé sur Mbengwi Road, montrant l’homme de 70 ans gisant à terre après avoir été abattu. Dans la vidéo, la jambe droite du pantalon de l’homme est ouverte et sa jambe blessée est exposée, ce qui correspond aux blessures décrites par les témoins.

Un homme de 44 ans dont la maison a été brûlée pendant l’attaque a déclaré avoir vu sur place les corps des deux enfants. « Ils étaient apprentis dans l’atelier de soudure en face de ma maison », a-t-il expliqué. « Leurs corps étaient partiellement brûlés. Il était donc difficile de déterminer comment ils avaient été abattus. Les corps ont été transportés à la morgue de l’hôpital régional de Bamenda ».

Incendie de biens

Une femme de 34 ans, dont la maison et le magasin d’alimentation ont été incendié par des soldats, a déclaré :

J’étais dans mon magasin quand vers 16 heures les soldats ont commencé à arriver. J’ai entendu des coups de feu. J’ai vu plus de 20 soldats qui avançaient à pied. Ils tiraient au hasard et brûlaient tout sur leur passage. J’ai décidé de m’échapper. J’ai couru aussi vite que je le pouvais et je me suis cachée dans une maison voisine. J’étais inquiète pour mes deux enfants, âgés de 7 et 5 ans, qui étaient restés à la maison. Ensuite, j’ai cherché refuge chez ma tante.

Le lendemain, lorsque je suis retournée sur la route de Mbengwi, j’ai constaté que mon magasin avait été complètement brûlé et ma maison partiellement incendiée. J’ai réussi à retrouver mes enfants, et ils m’ont dit que les militaires avaient mis le feu à la pièce alors qu’ils étaient encore à l’intérieur. Des voisins les ont secourus. Mes enfants auraient pu être brûlés vifs, j’ai du mal à y croire.

L’analyse faite par Human Rights Watch d’images satellite basse résolution concorde avec les récits des témoins concernant la date et l’heure des incendies. Une image satellite enregistrée le 8 décembre 2021 à 10h39 (heure locale) ne montre aucun signe de dommage. 24 heures plus tard, plusieurs bâtiments avaient été touchés par le feu.

Une femme dont la boutique de manucure a été incendiée au cours de l’attaque a déclaré :

Les militaires sont arrivés et ont brûlé mon magasin. C’était ma seule source de revenus. J’étais dans la boutique avec mon enfant de 5 ans quand les soldats sont arrivés et y ont mis le feu. L’un d’eux a dit : « Tirez leur dessus » ! Mais un autre a dit : « Laissez-les partir ». Alors on est partis en courant et ils ont brûlé le magasin. Mon enfant est traumatisé depuis. J’ai perdu tout ce que j’avais, environ 1 million de francs CFA [1 725 dollars des États-Unis].

Un homme de 45 ans dont la maison et le magasin ont été incendiés a déclaré :

Ma maison de quatre pièces, avec tout ce qu’elle contenait, et mon magasin, où je vendais de la nourriture et des boissons, ont disparu. Les soldats les ont brûlés. J’étais devant ma maison quand ils [les soldats] sont arrivés. Ma femme et mes huit enfants étaient à l’intérieur. Les soldats sont arrivés à pied et ont tiré au hasard en incendiant des bâtiments le long de la route. J’ai dû m’enfuir avec ma famille. J’ai perdu tout ce que j’avais. J’estime mes pertes à 15 millions de francs CFA [25 880 dollars des États-Unis]. Nous vivons maintenant chez un parent.

Passages à tabac

Les soldats ont également frappé le conducteur du camion, comme il l’a expliqué lui-même :

Lorsqu’un ami m’a appelé pour m’informer que ma maison était en feu, je m’y suis précipité, mais des soldats m’ont arrêté en chemin. Je pouvais voir de la fumée et des flammes s’échapper de ma maison. Les soldats m’ont traîné au bord de la route, m’ont ordonné de m’allonger sur le sol, puis ils m’ont battu et donné des coups de pied. Ils voulaient savoir qui avait posé la bombe [utilisée dans l’embuscade contre les soldats]. Ils ont dit que je devais leur dire où se cachaient les amba [combattants séparatistes].

Opération militaire dans le village de Chomba (10 décembre 2021)

Selon quatre témoins, au moins 50 soldats du BIR ont bouclé le village de Chomba dès 7 heures du matin le 10 décembre. Ils sont allés d’une maison à l’autres, volant des objets et de l’argent aux villageois et forçant certains d’entre eux à quitter leur maison. Ils ont rassemblé au moins 80 villageois, dont plusieurs femmes et enfants, sur la place du village, où ils les ont gardés jusqu’à 16 heures au moins. Ils ont proféré des menaces de mort, battu plusieurs personnes et brûlé une maison.

Un pasteur qui se trouvait parmi les personnes rassemblées sur la place du village a déclaré :

Cinq soldats du BIR ont fait irruption dans ma maison. Ils ont fouillé toutes les pièces, y compris les toilettes et la cuisine. Ils ont dit qu’ils cherchaient des « amba boys » [combattants séparatistes]. On m’a ordonné de rejoindre d’autres villageois qu’ils avaient fait sortir de leurs maisons et qui étaient rassemblés sur la place du village. Nous étions sous la garde de plusieurs soldats pendant que d’autres entraient dans les maisons, brisaient les portes, emportaient des objets de valeur et de l’argent. Ils ont mis le feu à l’une des maisons où ils prétendaient avoir trouvé une arme. Sur la place du village, ils ont menacé de tous nous tuer. Un soldat m’a dit de m’allonger par terre parce que j’observais attentivement ses mouvements.

Un homme d’affaires de 57 ans a déclaré :

Je conduisais avec ma femme, mes deux enfants et un autre passager lorsque des soldats du BIR ont arrêté ma voiture, nous ont ordonné de sortir, m’ont dit de retourner à Chomba en voiture et ont forcé ma famille à rentrer à pied. Ils nous ont emmenés sur la place du village, où ils avaient rassemblé environ 80 personnes, dont plusieurs femmes et enfants. Nous nous sommes assis là, sous le soleil, jusqu’à ce que les soldats repartent. Ils ont menacé de nous tuer ; ils nous ont accusés d’être des amba [combattants séparatistes]. Ils ont frappé certaines personnes qui se trouvaient devant moi à la tête. À un moment donné, ils nous ont donné l’ordre de faire face au mur d’une maison. Tout le monde s’est tourné vers le mur en pleurant. Les gens pensaient qu’ils allaient être exécutés.

Des témoins ont déclaré que des séparatistes armés opèrent à Chomba et dans les zones environnantes. Capo Daniel, le chef d’état-major adjoint des Ambazonia Defense Forces (ADF), un important groupe séparatiste, a décrit Chomba à Human Rights Watch comme « un bastion des ADF ». Tous les témoins ont cependant confirmé qu’il n’y a pas eu de confrontation entre les forces de sécurité et les séparatistes le 10 décembre, et que les séparatistes ont fui à l’arrivée des forces de sécurité : « Il n’y a pas eu d’affrontement entre les soldats et les amba [combattants séparatistes] », a déclaré l’homme d’affaires de 57 ans. « Les amba passent par Chomba, mais cela ne fait pas de nous, les villageois, des amba. Mais c’est ce que disent les soldats. Ils nous ont punis ».

Disparitions forcées et assassinats

Des témoins ont déclaré qu’à la fin de l’opération militaire, dans la soirée du 10 décembre, ils avaient remarqué que quatre villageois – un homme et sa femme, une autre femme et un autre homme – étaient portés disparus. Ils ont déclaré que toute la communauté s’était mise à la recherche de ces quatre personnes, notamment dans les postes de police et de gendarmerie de la ville voisine de Bamenda, sans toutefois pouvoir les trouver.

Un avocat a déclaré qu’il s’était rendu à un poste de gendarmerie de Bamenda en décembre pour s’enquérir de leur sort : « L’officier de gendarmerie m’a dit qu’ils n’étaient pas dans leurs cellules ». Le même avocat a déclaré qu’un de ses collègues, également avocat, a déposé une plainte auprès du procureur général de la région du Nord-Ouest, demandant des informations sur deux des personnes disparues, et que la plainte a été transférée à la gendarmerie pour enquête. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de voir une copie de la plainte.

Si une personne est privée de sa liberté par des agents de l’État et que sa détention n’est pas reconnue ou que des détails sur sa localisation ou son sort sont dissimulés, cela constitue une disparition forcée, strictement interdite par le droit international. Les gouvernements sont tenus d’enquêter sur toute allégation de disparition forcée et de punir les responsables de manière appropriée.

Un homme de 61 ans parent de trois des personnes disparues a déclaré que, pendant l’opération militaire à Chomba, il avait vu des soldats entrer dans la maison d’où les personnes disparues de force auraient été emmenées, et qu’il a ensuite entendu des coups de feu : « J’ai vu le BIR s’approcher de la maison. Ils m’ont demandé : "Que faites-vous ici ?". J’ai répondu que j’étais le voisin. Ils ont dit que je devais immédiatement rentrer chez moi et fermer ma porte à clé, ce que j’ai fait. Ensuite, j’ai entendu des coups de feu ».

Un chauffeur de 46 ans parent de trois des victimes a déclaré que l’enfant de 7 ans de l’un des couples était venu chez lui dans la soirée du 10 décembre et lui avait dit que des soldats avaient emmené ses parents.

Selon des témoins, un habitant de Chomba a trouvé les corps le 29 décembre dans une maison abandonnée de Chomba, en état de décomposition avancée et portant des traces de blessures par balle à la tête. Il a alerté la communauté. Human Rights Watch a examiné une vidéo envoyée directement à ses chercheurs et mise en ligne, dont l’authenticité a été confirmée par les quatre témoins, montrant les corps au moment de leur découverte, ainsi que trois photographies prises lors de leur enterrement.

« J’y suis allé et j’ai apporté des sacs en plastique pour envelopper les corps », a déclaré le chauffeur de 46 ans. « J’ai identifié les personnes tuées et j’ai remarqué qu’elles avaient également reçu des balles dans la tête. Avec l’aide d’autres personnes, je les ai enterrés à Chomba ».

Attaque dans le quartier de Ngomgham à Bamenda (22 décembre 2021)

Le 22 décembre, entre 10h30 et 11h, des soldats en patrouille au carrefour Cowboy, dans le quartier Ngomgham de Bamenda, ont tiré sur deux enfants, tuant une fillette de 3 ans et blessant une autre de 17 ans.

Un parent des victimes, qui a parlé avec la survivante blessée, a déclaré que les filles étaient passagères d’une moto lorsque les militaires leur ont tiré dessus : « Ils ont tiré dans les côtes de la fillette de 3 ans qui est morte sur le coup ; l’aînée a été touchée au bras gauche. Le conducteur de la moto s’est enfui ».

Deux proches ont déclaré que la jeune fille de 17 ans avait été emmenée à l’hôpital St. Mary de Bamenda après la fusillade, où elle a subi une intervention chirurgicale pour retirer la balle de son bras gauche. Human Rights Watch a examiné deux photographies la montrant sur un lit d’hôpital avec le bras enveloppé de bandages, ainsi que les factures envoyées par l’hôpital à la famille de la jeune fille. La jeune fille est sortie de l’hôpital le 31 décembre, selon un proche.

La fillette de 3 ans a été enterrée le 24 décembre dans le village de Menka, dans la région du Nord-Ouest.

Les médias locaux ainsi que le haut-commissaire britannique au Cameroun ont signalé qu’une deuxième fille avait été tuée le 22 décembre, également dans le quartier de Ngomgham, mais Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier ces informations.

Dans une déclaration vidéo du 22 décembre, Capo Daniel, chef d’état-major adjoint de l’ADF, a déclaré que le meurtre de la fillette et la blessure infligée à la jeune fille de 17 ans à Ngomgham faisaient suite à une attaque, plus tôt le même jour, par des combattants de l’ADF contre des soldats camerounais dans la région, et que les soldats avaient riposté en tuant des civils. Human Rights Watch n’a cependant pas été en mesure de confirmer cette information.