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Cameroun : VOICI POURQUOI LA HAUSSE DU PRIX DES PRODUITS PETROLIERS EST SANS OBJET

D 27 juillet 2012     H 12:05     A Richard-Martin NTONDO     C 0 messages


I – Contexte et justification économique

*** Le non-subventionnement des économies relève de la pensée économique libérale et essentiellement antisociale.

*** Pourtant, partout dans le monde et davantage encore en occident réputé libéral, chaque fois qu’un secteur d’activité sensible est menacé, l’Etat s’empresse de le soutenir en le subventionnant, en déviance absolue des canons de la théorie économique professée.

A titre d’exemple :

  L’automobile et l’acier aux USA, au Japon et en Europe ;
  L’agriculture (notamment le coton) aux USA et en Europe. L’Afrique pâtit particulièrement de ces subventions en contradiction avec les règles de l’OMC ;
  Les banques aux USA et en Europe (cf . La crise des « subprimes » et des fonds d‘investissements etc …) ;
  Les soutiens financiers divers aux économies nationales menacées de banqueroute (Islande, Grèce, Portugal, Espagne, etc. …) sont en réalité des subventions car il s’agit pour la plupart de crédits (énormes) aux taux d’intérêts bien en deçà des conditions normales du marché, adossés sur des conditionnalités moins contraignantes que celles imposées aux pays de l’hémisphère Sud.

*** Pourquoi le Cameroun, comme tous les pays producteurs de pétrole, s’empêcherait-il de redistribuer un tant soit peu cette manne nationale ?
Pourquoi le Cameroun se priverait-il de faire usage de leviers à sa disposition pour sortir son économie des difficultés essentiellement structurelles, quoique ces dernières soient du fait de l’incurie et des pratiques criminelles et prédatrices des élites dirigeantes et de leurs hommes d’affaires ?

II – Les arguments du pouvoir.

L’on peut les résumer en quatre (04) points :

*** Le Cameroun produit un brut lourd alors que la Sonara a été conçue et construite pour raffiner un brut léger qu’elle importe au cours mondial ;

*** La subvention des produits profite aux riches ;

*** La subvention des produits pétroliers pénalise l’investissement de l’Etat dans les projets structurants ;

*** Les injonctions des institutions financières internationales.

III – La Réalité

*** Versus l’argument 1

Tout comme la société Alucam a été conçue dans l’esprit de l’économie coloniale selon lequel vous ne transformez pas ce que vous produisez [la bauxite n’est toujours pas exploitée au Cameroun malgré sa découverte dans les années 1950 ; et Alucam continue de transformer celle provenant de Guinée-Conakry]. La Sonara et Alucam sont les produits d’une même vision : « même pipe, même tabac ».
Il est ainsi évident que cet argument ne résiste pas au bon sens ; il pose plutôt le problème crucial de manque de discernement de la part de nos gouvernants et de la mal gouvernance consubstantielle aux régimes néo-coloniaux.
Créée en 1977, la Sonara continue de prospérer, près de 40ans après, dans son péché originel ; et sa restructuration effective – agrémentée de relents de scandales financiers relayés par les media – demeure toujours attendue.
Enfin le Cameroun, en sa qualité de pays producteur, bénéficie bien des fluctuations à la hausse depuis bientôt une décennie des cours mondiaux. Où sont donc passés les excédents non budgétisés qui en ont découlé depuis lors ?

*** Versus l’argument 2

Il ne faut pas avoir étudié à MIT, Harvard, Oxford ou à la Sorbonne, et même pas à Yaoundé II-Soa pour comprendre que l’énergie est l’un des facteurs déterminants des coûts de production et des produits.
En tant que tel, les produits pétroliers rentrent dans les coûts du transport des personnes, des vivres frais et des marchandises, de quelle que nature fussent-elles, et même des autres biens et services.
La majorité des Camerounais fait quotidiennement usage des moyens de communication (taxis, motos, bus, train, ‘’clandos’’, etc. …) qui subiront forcément les contrecoups de la hausse du prix des carburants.
Enfin, tout le tissu industriel a besoin d’énergie pour faire tourner usines et ateliers ; plus particulièrement encore les PME et PMI, notamment celles de la chimie (savonneries, produits de nettoyage, cosmétiques et parfumeries, etc. …, etc. …).

*** Versus l’argument 3

Pour apprécier le poids réel des subventions dans le budget de l’Etat, il faudra obligatoirement le rapprocher des revenus effectifs (dividendes, royalties, taxes et prélèvements divers) issus du pétrole ; mais aussi aux sommes annuellement détournées par les gestionnaires et autres mandataires des crédits (budgets) publics et semi-publics.
C’est ici que le doute est fortement permis, d’autant que le Cameroun vient une fois de plus de lamentablement échouer au dernier examen de passage sur la transparence des revenus provenant des industries extractives.

*** Versus l’argument 4

Le Cameroun, croyons-nous savoir, n’est plus sous ajustement structurel et a par ailleurs atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE depuis belle lurette. Il n’est plus donc soumis au diktat des institutions financières internationales.
Et quand bien même tel serait le cas, le scandale de’’ l’Albatros’’ (achat de l’avion présidentiel) est là pour nous ramener à l’évidence et prouver que le Cameroun de Paul Biya peut, quand il le veut, faire prévaloir sa souveraineté sur les injonctions économiques internationales, mais hélas malheureusement au profit des intérêts privés et particuliers des élites dirigeantes.
Plus souvent, les prescriptions des organismes internationaux ne sont considérées par des gouvernants sérieux que comme des conseils. A titre d’exemple, il fut prescrit aux états africains producteurs de cacao et de café de fermer leurs caisses de stabilisation (Cocoa and coffee boards). Ceux qui l’entreprirent sans discernement (ex : Cameroun) virent ces filières complètement déstructurées ; mais ceux (ex : Ghana, Côte d’Ivoire, …) qui refusèrent de le faire continuèrent de voir ces filières prospérer et même davantage se développer.
Enfin, aussi bien le Représentant résident du FMI au Cameroun (cf. Le Messager N° 3641 du 24 juillet 2012) que le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les émeutes de la faim de février 2008, viennent de désavouer le gouvernement camerounais. Non seulement ils ne se reconnaissent pas dans les allégations du gouvernement leur attribuant la paternité de la décision de hausse ; mais encore ; ils fustigent sans ambages la kyrielle de taxes et autres prélèvements (22) greffés sur le prix des hydrocarbures, sortie Sonara. D’après certains experts, ces taxes représentent aujourd’hui plus de 900% du prix du carburant sortie usine.

IV – En guise de conclusion

Il s’avère de tout ce qui précède que le problème du problème et des produits pétroliers est moins son prix que sa gestion, et mieux encore l’idée que les gouvernants ont ou peuvent avoir de bien public, du patrimoine national : la gouvernance reste le problème primordial.
Cela engendre bien évidemment quelques interrogations et tentatives de réponse, entre autres :

A quoi sert l’augmentation du prix des produits pétroliers ?
  Pallier aux difficultés récurrentes de trésorerie liées essentiellement aux détournements permanents des recettes fiscales de l’Etat, au financement de la corruption des élites, elle-même liée à la volonté malsaine d’un individu de se maintenir au pouvoir à tout prix ;
  Rembourser la dette extérieure idéologiquement prioritaire à celle intérieure ; voilà un joli prétexte avancé aux partenaires multilatéraux pour susciter leur adhésion à la cause.

A qui profite l’augmentation ?
  De manière privée, à tous les intervenants de la chaîne de cette filière.

Que proposons-nous ?
  La prospective comme moteur de gestion permanent de la filière pétrole, comme de l’économie en général ;
 La transparence dans la gestion du pétrole et son contrôle par l’Assemblée nationale ;
  Eradiquer les détournements et autres pratiques de gestion déviantes ;
  Maintenir les subventions qui participent de l’amélioration des conditions de vie des citoyens ;
  Rigueur dans le contrôle budgétaire de l’Etat ;
  Réduire le train de vie de l’Etat qui ne sert que l’élite dirigeante corrompue.

A ce propos, les media nous renseignent que :
  51000 véhicules sont achetés chaque année et nébuleusement réformés ; sans oublier les surcoûts de maintenance et de carburants au-delà de tout entendement ;
  Le budget de maintenance et de carburant de la Présidence de la République tourne, selon le député Paul Aya Abine, autour d’un milliard de francs CFA par mois
  La consommation du carburant de l’armée est une grande nébuleuse qui rend son budget incontrôlable/
Les citoyens camerounais ordinaires ne doivent pas laisser la maffia du pétrole les sacrifier, car eux seuls en sont les vrais consommateurs.

NON A LA HAUSSE DES PRIX DES PRODUITS PETROLIERS,

Richard-Martin NTONDO