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Centrafrique : Joseph Kony toujours recherché après le coup d’État en RCA

D 13 avril 2013     H 05:08     A IRIN     C 0 messages


KAMPALA - Selon les autorités, la traque des membres du mouvement rebelle ougandais, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), va se poursuivre dans les forêts de la République centrafricaine (RCA), malgré la destitution du président François Bozizé par le Séléka.

Le Séléka a pénétré dans Bangui le 24 mars et chassé M. Bozizé du pouvoir. Les rebelles ont désigné leur dirigeant, Michel Djotodjia, comme nouveau chef d’État.

« Je ne crois pas que le renversement de M. Bozizé par le Séléka ne changera notre mission et notre position dans la traque des rebelles de la LRA. Nous sommes en RCA avec le mandat de l’Union africaine et des Nations Unies », a dit à IRIN le ministre des Affaires étrangères ougandais, Henry Okello Oryem. L’Ouganda s’est engagé à capturer le chef de la LRA, Joseph Kony, a-t-il ajouté.

Environ 2 500 soldats ougandais ont été déployés dans les régions frontalières de la RCA, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Soudan du Sud, où M. Kony est ses combattants passeraient le plus clair de leur temps. À ces troupes ce sont joints 500 soldats congolais, 500 Sud-Soudanais et 350 Centrafricains, sous l’égide de l’Union africaine. Fin 2011, les États-Unis ont déployé 100 soldats des forces spéciales dans la région, en tant que conseillers militaires.

Progression

Selon Thierry Vircoulon, directeur de projet en Afrique centrale pour le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), « la chute de M. Bozizé ne va pas vraiment changer la situation sur le terrain, à moins que les dirigeants du Séléka n’insistent pour que les troupes étrangères quittent le territoire, comme le stipule l’accord de Libreville [accord de paix négocié en janvier et rompu par les derniers affrontements et qui n’a jamais été véritablement appliqué]. »

Éventuels problèmes

Pourtant, selon certains analystes, la décision de l’Union africaine de suspendre la participation de la RCA à l’organisation à la suite du coup d’État pourrait avoir des conséquences négatives sur la traque des rebelles de la LRA.

« La suspension de la participation de la RCA à l’Union africaine est un obstacle majeur qui va ralentir la recherche de M. Kony et de ses hommes. L’Ouganda doit renégocier avec les rebelles du Séléka [...] pour que ses troupes soient mandatées pour opérer sur leur territoire », a dit à IRIN Ronald Ssekandi, analyste de la politique régionale basé à Kampala, la capitale ougandaise.

Selon Angelo Izama, analyste politique de l’organisation américaine Open Society Foundation, la traque de M. Kony et de la LRA dépendra en grande partie du contrôle exercé par le Séléka sur le pays.

« La déstabilisation du gouvernement centrafricain complique fortement la recherche de Joseph Kony. La stratégie de survie déséquilibrée et rudimentaire de la LRA est en effet favorisée par l’anarchie et la violence, surtout dans l’arrière-pays », a-t-il dit à IRIN.

« La nature du terrain et la taille de la RCA représentent déjà des contraintes défavorables aux traqueurs de M. Kony. Si le Séléka ne parvient pas à asseoir son contrôle, cela risque d’étendre les possibilités géographiques et tactiques de la LRA pour reconstituer des caches d’armes », a-t-il ajouté. « Les rebelles du Séléka n’ont pas la capacité [de limiter les activités de la LRA]. D’ailleurs, M. Kony n’est pas leur problème. Ils ont des affaires bien plus urgentes à régler. »

Selon le lieutenant-général Edward Katumba Wamala, commandant des Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF), les hommes de M. Kony sont actuellement environ 400 et ils continuent d’arpenter la RCA, la RDC, le Soudan et le Soudan du Sud. Il affirme que des transfuges de la LRA ont récemment signalé que M. Kony se trouvait au Darfour, dans l’ouest du Soudan et que ses commandants en chef, Dominic Ongwen et Okot Odhiambo, se trouveraient en RCA.

M. Kony, M. Odhiambo et M. Ongwen sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerres et crimes contre l’humanité commis en Ouganda. [ http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/situations%20and%20cases/situations/situation%20icc%200204/Pages/situation%20index.aspx ]

La LRA reste une menace

« La LRA ne constitue plus une grande menace, mais des poches de rébellion de la LRA dirigées par M. Odhiambo et M. Ongwen subsistent en RCA. Elles représentent une nuisance et continuent à enlever, mutiler et tuer des victimes sans défense », a dit M. Katumba à IRIN.

« Il est important de garder à l’esprit que, malgré le nombre relativement peu élevé d’éléments encore actifs, la LRA constitue toujours une sérieuse menace pour les civils et ses actions ont des conséquences humanitaires terribles dans les régions concernées de la RCA, de la RDC et du Soudan du Sud », a dit à IRIN Abou Moussa, directeur du bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA).

En février, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a signalé « une hausse des attaques de la LRA contre les communautés et des prises d’otages » dans le sud-est du pays. [ http://www.hdptcar.net/sites/www.hdptcar.net/files/Bulletin%20humanitaire%2001%20eng-1.pdf ]

Selon le LRA Crisis Tracker, le mouvement serait responsable de 13 assassinats de civils et 17 enlèvements en RCA en février 2013. L’UNOCA estime à 443 000 le nombre de personnes déplacées dans les régions touchées par la LRA. La plupart d’entre elles dépendent de l’aide internationale pour la nourriture, l’hébergement, les soins de santé, l’eau et l’assainissement. Sur ce chiffre, environ 347 000 se trouveraient dans les districts du Haut-Uélé et du Bas-Uélé de la Province Orientale de la RDC. [ http://www.lracrisistracker.com/ ]

Fatou Bensouda, procureure de la CPI, a récemment envoyé un message aux membres de la LRA leur assurant que s’ils se faisaient arrêter, ils ne seraient ni « torturés ni tués » et qu’ils bénéficieraient d’un procès équitable. [ http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Pages/statement-OTP-18-03-2013.aspx ]

Plus de volonté

Selon les analystes, pour que la menace de la LRA fasse pour de bon partie du passé, les pays de la région doivent montrer plus de volonté à trouver M. Kony.

« L’arrestation de M. Kony nécessite l’engagement des gouvernements. L’optimisme de la CPI en dépend. La RCA n’a pas de gouvernement, les États du Soudan du Sud et du Tchad sont faibles et le Soudan soutient la LRA. Cette situation pourrait favoriser la LRA plutôt que la CPI », a dit M. Izama de l’Open Society Foundation.

« La persistance de M. Kony et de son mouvement fait partie d’un problème de plus grande ampleur qui touche toute la région des Grands Lacs : l’incapacité des gouvernements à résoudre leurs problèmes politiques internes et à collaborer pour mettre fin aux insurrections transfrontalières dans la région », a dit Frederick Golooba-Mutebi, politologue et agrégé supérieur de recherches à l’Institut de recherche en sciences sociales de l’université de Makerere. « Leur prolifération révèle l’existence de problèmes ou de griefs qui doivent être résolus concernant la citoyenneté et la nationalité, la propriété, l’accès aux services et les perspectives d’avenir. »

Source : http://www.irinnews.org