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Debout pour faire campagne : Comment dix jeunes femmes ont changé le cours du processus de paix en RCA

D 30 juillet 2021     H 05:30     A Marina Moulou-Gnatho     C 0 messages


Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemble une campagne réussie de la société civile ? À quoi ressemble un groupe de citoyens qui se réunit pour influencer l’avenir de son pays, et qui gagne réellement ? Eh bien, ne cherchez pas plus loin que la campagne I Londo Awè (ça veut dire en sango : nous sommes debout) ! Ce groupe de dix femmes – issues de différentes organisations de la société civile centrafricaine – s’est réuni en 2019 dans le but avoué d’influencer la composition par genre de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation (CVJRR) en République centrafricaine.

Cette commission a été créée en avril 2020 dans le but de rendre hommage aux expériences personnelles des victimes du conflit en RCA, en leur offrant une plate-forme pour être entendues, avec l’objectif de poursuivre la réconciliation nationale. Mais, initialement, la commission ne prévoyait que quatre membres féminins sur les onze - ce qui signifie que près de 2/3 des membres seraient des hommes. Pour les membres de I Londo Awè, cela a représenté une énorme occasion manquée d’inclure des femmes dans les instances de prise de décision. Selon Rosalie Kobo-Beth, porte-parole d’I Londo Awè : « Lorsqu’une femme est impliquée dans un processus de paix, vous allez vous rendre compte que ce processus de paix ire loin et ça va durer. Mais lorsque les femmes ne sont pas vraiment impliquées dans un processus de paix, ce processus de paix ne va pas faire un long chemin, et ce processus de paix va toujours vouer à l’échec. »

Au début, les membres d’I Londo Awè ne savaient pas trop comment aborder leur tâche. Elles avaient toutes une expérience de travail avec les communautés les plus vulnérables de la RCA – notamment par le biais du journalisme, de l’assistance juridique et du travail avec les jeunes – mais ils ne s’étaient jamais lancés dans l’objectif de changer une loi auparavant. Cependant, avec le soutien d’Oxfam – et, surtout, un fort désir de changer le cours de l’histoire pour les femmes du pays – leur campagne a commencé à prendre forme. Après trois mois de formation en matière de plaidoyer, un rapport de plaidoyer et une stratégie ont été préparés, exposant comment le groupe espérait influencer la composition de la CVJRR. Leurs arguments clés étaient clairs :

L’argument moral : L’expérience unique des femmes – entre autre comme principale victime du conflit – nécessite une représentation équitable au sein de la CVJRR.

L’argument juridique : Les obligations internationales et nationales de la RCA requièrent une représentation équitable des femmes au sein de la CVJRR.

L’argument scientifique : Il a été démontré que les processus de paix auxquels les femmes ne participent pas ont plus de risque d’échouer.

L’argument réputationnel : Une représentation équitable des femmes au sein de la CVJRR est une excellente opportunité de démontrer la volonté de la RCA à participer pleinement aux agendas internationaux des femmes, de la paix et de la sécurité.

Mais il ne suffisait pas d’exposer ses arguments. Le groupe devait s’assurer qu’il était entendu par les bonnes personnes. C’est ainsi qu’a commencé une série de rencontres qui ont duré plus de six mois et les ont conduits de Bangui à de nombreuses villes de la RCA, et même jusqu’à Addis-Abeba.

En décembre 2020, il a finalement été annoncé que la moitié des membres de la CVJRR seraient des femmes. Les membres de I Londo Awè était ravies – elles avaient gagné ! Et, surtout, elles ont obtenu une victoire pour les femmes de toute la République centrafricaine.

Le 2 juillet 2021, les onze membres de la CVJRR ont finalement prêté serment, plus de 6 mois après avoir été nommés par décret officiel. Bien sûr, la mise en place de la CVJRR ne signifie pas la fin de la lutte pour la reconnaissance du rôle égalitaire que les femmes doivent jouer dans la vie politique de la RCA. Comme le dit Marina, une membre d’I Londo Awè : « Le travail n’est pas totalement achevé. C’est vrai qu’actuellement nous sommes fières de gagner ; nous reconnaissons aussi que nous avons notre place au sein de la société civile centrafricaine. Mais ce n’est pas tout. » Néanmoins, elle représente un énorme pas en avant pour les femmes de la RCA, ainsi que pour les organisations de la société civile. Ces dix jeunes femmes sont un exemple de la manière dont les organisations de la société civile d’Afrique centrale peuvent utiliser leur voix pour lutter pour le changement, et réussir. Elles peuvent désormais être sûrs d’avoir une voix sur la scène nationale - et même internationale.

Et maintenant, pour ces femmes debout, le ciel est la limite !

Marina Moulou-Gnatho

Source : https://republiquecentrafricaine.oxfam.org/