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Le pillage organisé du Congo : une enquête de Charles Onana

D 28 avril 2023     H 19:41     A Moulay     C 0 messages


Plus de 10 millions de morts, au moins 500 000 femmes violées, des enfants martyrisés et torturés au nom de la transition énergétique, l’un des pires crimes contre l’humanité depuis 1945 se déroule en ce moment et depuis presque 30 ans en RD Congo.
Pourquoi une telle impunité et ce silence médiatique ?

Entre avril et juillet 1994, l’est du Congo-Zaïre est pris d’assaut par un afflux de réfugiés rwandais. Les dirigeants zaïrois et plusieurs organisations humanitaires internationales croient alors qu’il s’agit-là d’une conséquence directe du génocide rwandais.

La réalité est tout autre.

Le politologue Charles Onana démontre ici que l’on assiste déjà, sans le savoir, à l’exécution du plan d’invasion du Congo-Zaïre dans le but de prendre le contrôle total des énormes ressources minières de l’est du Congo-Zaïre en y exterminant le maximum de populations.

L’auteur s’appuie sur des archives de la Maison Blanche et sur les documents du Pentagone mais aussi sur plusieurs rapports de l’ONU et de l’Union Européenne.

Qui sont les auteurs de ces actes criminels et les bénéficiaires de ce pillage en bande organisée ? Que fait la communauté internationale devant cette situation insoutenable qui dure maintenant depuis 28 ans ?

Ce livre brise enfin le mur du silence et apporte des preuves sur le calvaire d’une population livrée à des criminels contre l’Humanité..

Charles ONANA est docteur en science politique. Spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs et des conflits armés, il est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence.

Charles MILLON était ministre de la Défense de Jacques Chirac entre 1995 et 1997. Il a vécu le début de la descente aux enfers de la RDC.

VOICI LES BOONES FEUILLES DE CE LIVRE

 » La médiatisation excessive des massacres et du génocide au Rwanda reste nécessaire pour l’actuel régime de Kigali, qui ne souhaite pas voir évoqué ou questionné son rôle dans la guerre qu’il poursuit indéfiniment contre des millions de Congolais sur leur territoire depuis vingt-huit ans.

Ainsi, le fait de traiter régulièrement du génocide au Rwanda maintient de facto le travail de nombre de

chercheurs et de responsables politiques ou associatifs à l’écart des crimes de masse que les troupes et les milices tutsis du régime de Paul Kagame commettent en RDC. Nul n’est manifestement autorisé à parler librement de ces horreurs puisque le Rwanda de Kagame fut victime d’un génocide en 1994. Pourquoi tenter de réfléchir sur les raisons ou les causes de ce génocide si le gouvernement rwandais et ses lobbys pensent déjà à la place des chercheurs, des politologues ou des historiens et très souvent d’ailleurs à la place de tous les Rwandais ? Pourquoi continuer à faire des recherches, à ouvrir de nouvelles archives et à diffuser de nouveaux témoignages si le gouvernement rwandais et ses soutiens ont trouvé toutes les réponses et les ont déjà gravées dans le marbre ? A-t-on encore au moins le droit de questionner les faits ? Apparemment non.

Dans un tel contexte, le questionnement devient suspect pour ne pas dire dangereux. Par conséquent, tous ceux qui osent mener des recherches ou qui s’aventureraient à vouloir éclairer le public sur les massacres dans cette région, en dehors des lignes et du périmètre tracés par Paul Kagame, prennent non seulement des risques considérables mais s’exposent à la furie de Kigali et de ses réseaux clandestins en Europe. En recourant constamment à l’intimidation, au dénigrement, voire aux poursuites judiciaires et à la censure médiatique, Paul Kagame et ses lobbys tentent de contraindre tous ceux qui ont l’audace d’enquêter sur la tragédie rwandaise et sur le drame de la RDC de se ranger du « bon côté », pour éviter des ennuis…

Comment une région où les morts et les viols se comptent par millions peut-elle se transformer en un vaste espace de silence, d’intimidation et de censure ?

Cette situation, plutôt fréquente là où sévit la mafia, a pris racine dans la région des Grands Lacs africains depuis 1994. L’exemple de la RDC est de ce point de vue très intéressant car le peuple congolais est soumis sans cesse à la violence et à l’intimidation au point qu’une partie importante de la classe politique a renoncé à parler de ceux qui massacrent les Congolais.

De quoi s’agit-il exactement ?
Depuis 1994, ce pays de 2 345 millions de kilomètres carrés, près de quatre fois la France, souffre d’une guerre chronique, de massacres de masse et d’atrocités continues. Au coeur de ces atrocités et de cette souffrance indescriptible, on trouve constamment des troupes venant des pays voisins, principalement du Rwanda et de l’Ouganda. Que cherchent donc ces troupes en RDC et pourquoi s’autorisent-elles à infliger un tel calvaire aux populations de ce pays ?

(….)

L’afflux de millions de réfugiés rwandais en territoire zaïrois n’est en aucun cas le fait d’un accident malencontreux ni un « dégât collatéral » du génocide rwandais. Il procède au contraire d’une action militaire minutieusement préparée en vue d’envahir et d’occuper l’est du Zaïre pour exploiter ses minerais.

Il s’agit d’inciter les populations autochtones de l’est du Zaïre à abandonner leurs terres aux populations étrangères aux fins de mieux organiser l’exploitation minière.

Un écran de fumée
La tragédie rwandaise a donc longtemps servi d’écran de fumée aux organisateurs du plan d’invasion du Congo-Zaïre et cette lecture doit être complètement remise en cause aujourd’hui.

D’ailleurs, cette vision ne saurait davantage prospérer au motif qu’elle relève stricto sensu de la propagandedu régime de Paul Kagame qui prétend que ce qui se passe au Congo concerne exclusivement les Congolais.

Le discours sur les « dégâts collatéraux » du génocide rwandais fut suffisamment puissant et répétitif au point que même les autorités zaïroises ont fini par le croire, en voyant les réfugiés rwandais entrer massivement sur leur territoire. Ils pensaient que leur pays subissait les conséquences de la guerre du Rwanda même s’ils n’étaient pas dupes dans l’ensemble. Ils étaient surtout loin d’imaginer que leur pays était devenu la cible principale de ce qui se jouait au Rwanda. Ils ne voyaient pas explicitement que leur pays était, dès 1994, non seulement dans la ligne de mire du régime de Paul Kagame qui venait de prendre le pouvoir à Kigali, mais qu’il était aussi dans le viseur des milieux d’affaires anglo-saxons qui voulaient dépecer le Congo et le vider de ses ressources naturelles et de ses populations.

Les réfugiés rwandais seront donc utilisés pour masquer ce projet.L’examen minutieux de la stratégie militaire employée par Paul Kagame et ses hommes permet aujourd’hui d’expliquer aisément cette réalité, peu saisissable en 1994. La volonté de Paul Kagame de s’emparer de tout le pouvoir au Rwanda le plaçait naturellement en position idéale pour envahir le Zaïre. Il est important de souligner dès à présent que les Zaïrois d’hier ou Congolais d’aujourd’hui n’ont strictement rien à voir avec les massacres ou le génocide au Rwanda. C’est un point essentiel qu’il fautgarder à l’esprit car il s’agit avant tout d’une affaire entre Tutsis et Hutus du Rwanda chez eux. Lorsque les réfugiés hutus et même tutsis commencent à se déverser au Congo-Zaïre en avril, mai et juin 1994, fuyant la violence du nouveau régime tutsi rwandais, rien n’indique précisément qu’il s’agit là d’une action d’invasion.

Cependant, le comportement des soldats de Paul Kagame et leur action sur le terrain livrent des informations pertinentes sur les différentes phases de leurs objectifs concernant le Congo-Zaïre.

La première phase de l’invasion du Congo-Zaïre se déroule donc au Rwanda même. Lorsque les soldats de Kagame s’attaquent essentiellement aux populations rwandaises à partir du nord et de l’est du pays, on constate qu’ils les poussent vers le centre du pays et principalement vers la capitale Kigali4. Par ce procédé, les rebelles tutsis décident de fermer la frontière entre le Rwanda et la Tanzanie à l’est, où le nombre des réfugiés est déjà évalué à 470 000 selon le chercheur belge Dirk De Schrijver5, pour que les populations se dirigent plutôt à l’intérieur du Rwanda et progressivement vers l’ouest, à la frontière zaïroise

Un rapport de l’association américaine Refugees International, financée par George Soros, adressé auHaut-Commissariat aux Nations unies décrit le harcèlement et la violence que les rebelles de Paul Kagame font subir aux réfugiés rwandais. Ces données ne diffèrent pas de celles que découvrira l’envoyé spécial du quotidien français Libération à la frontière tanzanienne avec le Rwanda : « les réticences du FPR à conduire les journalistes et les organisations humanitaires dans certaines zones qu’il tient accréditent l’idée que la guérilla a quelque chose à cacher et qu’elle a fermé les frontières pour mieux régler ses comptes. Mardi, le HCR est d’ailleurs venu confirmer les accusations par la voix d’un de ses responsables qui rentrait d’une mission d’exploration le long de la frontière. Devant ses yeux, des réfugiés qui tentaient de franchir la rivière Akagera ont été fusillés par les rebelles.

Se basant sur les témoignages de réfugiés, le HCR, sortant de la réserve affichée jusqu’ici, fait état de “tirs délibérés” sur les réfugiés, de villageois rassemblés dans des écoles et mis en pièces à la machette, et de gens jetés vivants, pieds et poings liés, dans l’Akagera6 ».

L’occupation de l’ex Zaïre à terme
(…) Au vu des chiffres présentés ici, il est clair que la question de l’exode massif des populations vers le Zaïre est inséparable de la conquête du pouvoir au Rwanda et d’une stratégie militaire visant l’occupation du Congo-Zaïre. L’argument qui consiste à dire que ce sont les membres du gouvernement rwandais en fuite qui incitèrent la population à se réfugier au Zaïre est inconsistant car il ignore complètement la pression militaire des troupes du FPR (Front patriotique rwandais) sur cette même population.

Il est incontestable que la méthode et les moyens utilisés par Paul Kagame et ses hommes visent d’une part le massacre de la majorité des populations civiles rwandaises qui tombaient entre leurs mains et d’autre part l’expulsion de la population hutu, majoritaire au Rwanda, en la forçant à prendre le chemin de l’exil au Congo-Zaïre. On est donc bien en face d’une invasion masquée où Kagame se sert des réfugiés hutus pour prendre pied au Zaïre. C’est une atteinte flagrante à la souveraineté du Zaïre sans y déployer des troupes au départ. Cette méthode consiste à agir sur le territoire zaïrois sans attirer l’attention des dirigeants zaïrois ni même celle des pays africains ou des observateurs étrangers. Autrement dit, l’arrivée massive des réfugiés rwandais au Zaïre ne peut pas à elle seule permettre de soupçonner Paul Kagame ni ses troupes de vouloir conduire une action militaire au Zaïre. Pourtant, ce sera bien le cas. Pour saisir cette réalité, ce n’est pas au Zaïre ou à partir du Zaïre qu’il faut observer les choses mais à partir du Rwanda. La pression militaire exercée à la fois contre l’armée gouvernementale (hutu) en débâcle mais aussi et surtout contre les civils indique avec précision que l’objectif des rebelles tutsis est de continuer à massacrer les populations en fuite.

C’est exactement ce que deux chercheurs américains, les Prs Allan Stam et Christian Davenport, ont découvert en réalisant, à partir de données spatio-temporelles, des cartes de simulation mettant en relation la pression militaire du FPR/APR et les déplacements de la population civile10. Il y a néanmoins un volet très important qui a échappé à ces chercheurs mais qui relève essentiellement de la géopolitique, c’est l’invasion du Zaïre par le canal des réfugiés à partir de cette même pression militaire.

L’analyse du mouvement des troupes du FPR/APR révèle qu’en plus de l’augmentation des massacres en 1994, l’invasion du Zaïre fait aussi partie de ses objectifs politiques.


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