Gabon – De quel bois se chauffe le patronat français
18 février 2010 16:29 0 messages
Ali Bongo s’est lancé dans la réforme de la filière du bois,
certainement pour donner le change d’une campagne menée à
travers le pays sur le « Gabon émergent » et surtout pour faire
avaler la pilule, particulièrement amère, d’une arrivée au pouvoir
sur la base d’élections truquées.
Secteur économique
particulièrement
important, puisqu’il est le
premier employeur privé
du pays (28% de la
population active dépend
directement ou
indirectement de cette
filière), l’idée de cette
réforme, lancée le 6
novembre après un
conseil des Ministres, est
simple : interdire
l’exportation des grumes
(1) du Gabon en
modifiant, notamment, l’Article 227 du Code forestier afin de
donner la priorité aux unités locales pour procéder à la
transformation de cette matière première en produit semi-fini ou
fini source de création de valeur ajoutée qui favoriserait la
création d’un nombre important d’emplois dans un pays qui
compte officiellement plus de 20% de chômeurs. En effet, c’est
ce type de mesure économique qui permettrait aux pays africains
de développer un tissu industriel et de cesser d’être un simple
réservoir de matière première.
Mais la fin de l’exportation des grumes touche de plein fouet
les intérêts capitalistes, notamment des entreprises françaises,
telles Rougier ou Thanry. Aussi, à travers des organisations
patronales, une véritable campagne de dénigrement et de
sabotage a été menée : L’UFIGA (l’Union des Forestiers
Industriels du Gabon et Aménagistes), pour sa part, a avancé que
cette mesure est beaucoup trop précipitée et a brandi la menace
de licenciements. Pourtant la charte d’éthique de cette
organisation, signée en 2007 par le PDG de Rougier Gabon,
s’engage à : « rechercher à optimiser le taux de transformation
du bois et contribuer à la génération de valeur ajoutée au
Gabon » ; résultat, seules 7 % des grumes sont transformées au
Gabon (2). Le CIAN (Conseil des Investisseur français en Afrique)
(3), de son côté, est intervenu directement auprès de la cellule
diplomatique de l’Elysée.
Cette campagne a mené ses fruits car, lors de la visite le 20
novembre dernier d’Ali Bongo à Paris, cette question a été à
l’ordre du jour, Sarkozy lui ayant demandé de s’abstenir de toutes
mesures unilatérales. Bongo a très bien compris le message, lui
qui sait plus que quiconque (excepté Robert Bourgi) à qui il doit
son pouvoir, a aussitôt déclaré que « des mesures
d’accompagnement et d’indemnisation seraient prises pour pallier
les retombées négatives sur les opérateurs du secteur » et que la
réforme fera l’objet d’une large consultation de l’ensemble des
agents économiques. Ainsi cette réforme risque de coûter plus
cher qu’elle ne rapporterait et ce, au plus grand bénéfice des
entreprises françaises qui vont toucher des subventions après
avoir construit leurs immenses profits sur le pillage des
ressources naturelles. A titre d’exemple, l’entreprise Rougier a
réalisé en 2008 un chiffre d’affaire de plus de 158 millions
d’euros, dont 70 % sont issus de l’Afrique. Ces indemnisations
risquent de compromettre les investissements nécessaires à la
réalisation de cette réforme.
Evidemment on est loin de la déclaration de principe du CIAN
qui « encourage ses adhérents, au-delà de leurs intérêts
économiques et commerciaux, à oeuvrer pour une Afrique qui
s’engage durablement sur la voie du développement », mais en
plein dans une politique néocolonialiste qui empêche toutes
mesures, même les plus timides, qui favoriseraient une politique
industrielle autonome dans les pays africains.
Paul Martial
(1) Arbre coupé dont les branches ont été coupées
(2) Chiffre de la présidence Gabonaise
(3) Le N du « noire » a été enlevé peut être du fait de sa connotation un
peu trop coloniale !
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