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Gabon : La défaite de jean Ping

D 14 août 2012     H 05:59     A Charlie M     C 0 messages


Le dimanche, Jean Ping a perdu sa tentative d’accéder à un second mandat en qualité de président de la Commission de l’Union Africaine. Pour ceux qui se sont penchés sur la trajectoire à long terme de la diplomatie gabonaise, le résultat n’a pas été une surprise puisque la diplomatie du Gabon fonctionne exclusivement sur les relations personnelles et accorde peu d’importance aux objectifs et aux réalisations. À cet égard, le contraste avec l’Afrique du Sud ne pouvait pas être plus grand.

L’état gabonais dans sa totalité, est organisé autour de relations personnelles. Depuis 1967, quand Omar Bongo devint président, les affinités personnelles ont toujours été plus importantes que toute autre considération, pour l’accès à des postes de responsabilités au Gabon. Dans l’ère post Omar Bongo, le système de relations personnelles est intact et peut être encore plus prononcé, car le fils nomme ses amis et parents à toutes les fonctions stratégiques. Ceci inclut les principales fonctions diplomatiques. Par conséquent, la dynamique interne du régime Bongo, de l’Etat gabonais et de l’économie gabonaise n’est que le reflet de ces relations personnelles. Le succès et la survie politique, professionnelle ou économique, dépendent donc de vos relations et de ceux qui pourraient tirer quelques ficelles pour vous. La résultante d’un tel système est que tout le monde passe son temps à trouver comment survivre politiquement et professionnellement, au lieu d’essayer de bâtir des institutions qui fonctionnent indépendamment et donc seraient plus durables qu’un régime particulier ou chef d’état particulier. En effet, le Gabon est devenu un pays dirigé sur la base de relations personnelles ; les Bongos ayant toujours dressé les uns contre les autres afin qu’ils se tiennent mutuellement en échec.

Omar Bongo est celui qui a bâti ces relations. A l’intérieur du pays, il a placé ses parents en charge de l’appareil de sécurité et des sources de revenus financiers (secteur pétrolier et minier). Puis il a mis ses collaborateurs les plus fidèles dans des endroits comme le ministère des Finances. A l’extérieur, il avait tendance à placer de proches parents ou collaborateurs dans les missions diplomatiques stratégiques de Paris et de Washington. Ce système a fonctionné pendant un certain temps parce qu’Omar Bongo avait un trésor de guerre important qui lui permettait de soudoyer les gens afin d’obtenir le résultat qu’il voulait atteindre. Le Gabon avait d’énormes recettes pétrolières et il pouvait imposer un citoyen gabonais à la tête de la BEAC, la banque centrale régionale. Avec l’aide de la France, il pouvait réussir le placement d’un gabonais, qui se trouve aussi avoir été un beau-fils (Ping a 2 enfants avec Pascaline Bongo), au poste de Président de la Commission de l’Union africaine. Aucune de ces manœuvres n’a été le résultat d’une démarche institutionnelle. Non, avec Omar Bongo on n’avait droit qu’à des réseaux parallèles. Après sa mort, son fils a gardé le même système. Mais nous constatons que ce système est devenu obsolète et il coule dans tous les coins. Premièrement, le Gabon a perdu le poste de gouverneur de la BEAC au profit de la Guinée équatoriale. L’argument que le Gabon soit le pays le plus riche en Afrique centrale n’est plus valide. La Guinée équatoriale a demandé et obtenu que le Gabon dégage de là. Puis, Jean Ping, a eu un bilan catastrophique en tant que Président de la Commission de l’Union Africaine et Thabo Mbeki, qui avait fait la médiation dans les conflits en Côte d’Ivoire et en Libye, se rendit compte que l’Union Africaine était molle car se faisant tout dicter par la France essentiellement. L’Afrique du Sud a alors décidé qu’il fallait prendre le contrôle de cette organisation.

Contrairement au Gabon qui s’appuyait sur des relations personnelles pour sa diplomatie, l’Afrique du Sud a pu compter sur des institutions ; à la fois internes et régionales. La candidature de Dlamini Zuma a été soutenue par la SADC toute entière (Southern African Development Community), un bloc économique de pays d’Afrique Australe. Voilà qui contraste avec Ping, dont la candidature n’a même pas été soutenue par tous les pays de la CEMAC, l’organisme régional de l’Afrique Centrale. Il est de notoriété publique que le Tchad, un pays membre de la CEMAC, avait déclaré depuis des semaines qu’il ne voterait pas pour Ping. Les soutiens de Ping n’étaient pas fermes, car ils n’étaient fondés sur rien de tangible, mais sur des relations personnelles. Les pays n’ont pas à prendre d’engagements sur la base de relations personnelles, ils le font sur la base des intérêts. Il était dans leur intérêt, que les pays africains ayant voté pour Dlamini Zuma et non Ping, le fassent. Ils pensaient qu’elle serait mieux pour eux en fin de compte, que Ping ne l’aurait été. Pure et simple.

L’Afrique du Sud s’appuie sur les institutions parce qu’elle est une démocratie forte et la démocratie est fondée sur les institutions et non sur des individus et leurs relations. Le Gabon par contre, est une dictature ; ce qui signifie que le pays est dirigé par quelqu’un qui est le pouvoir personnifié. Tout ce qu’il fait est censé être "loué" et "amplifié". Il ne se trompe jamais, alors personne autour de lui n’ose lui dire qu’il est un « idiot ». La raison pour laquelle un tel régime dictatorial ne serait jamais en mesure de bâtir des institutions crédibles, est que des institutions fortes peuvent se débarrasser d’un chef d’état qui devient un fardeau. C’est un trop grand risque à prendre pour les Bongos. Ils ont donc choisi une approche personnaliste au pouvoir. Une qui repose principalement sur les relations personnelles et partisanes. Alors que les gens souffrent, Ali Bongo et ses amis se goinfrent à satiété et profitent de tous les luxes possibles ; tout cela payé avec la trésorerie nationale.

La victoire de la diplomatie sud-africaine sur la méthode gabonaise, souligne l’efficacité à long terme des institutions, de la discipline, de la planification systématique et d’une exécution sans faille. Lorsque les pays sérieux se mettent en tête de faire quelque chose, ils rassemblent tous les éléments pour y arriver. Les pays et régimes médiocres cependant, croient que « leurs amis » et leurs « protecteurs » vont apparaître soudainement dans une armure chevaleresque et les sauver. L’Afrique du Sud comprend que dans les relations internationales, les partenariats stratégiques sont plus importants que toute camaraderie personnelle et joviale. Le résultat est que Ping est dehors et Dlamini Zuma est aux commandes. La partie est terminée !

Posted by Charlie M

Source : http://gabonenervant.blogspot.fr