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Guinée équatoriale : Une campagne électorale sous haute tension

D 27 mai 2013     H 05:06     A     C 0 messages


En Guinée équatoriale, on est habitué à ces périodes électorales qui font régner dans le pays une atmosphère pesante où la population assiste à un déploiement inhabituel de policiers et de militaires et où les meetings sont parfois l’occasion d’incidents ou de rixes.

Mais, cette fois, la tension est montée d’un cran depuis que les partisans de Daniel Dario Martinez Ayecaba ; le Parti démocratique de la Justice sociale (PDJS) de Clara Nsegue Ayí et de Natalia Angue ; et quelques citoyens parmi lesquels l’avocat Fabian Nsue, ont sollicité auprès du ministre de l’intérieur, Clemente Engonga Nguema Onguene, l’autorisation de manifester, le 15 mai 2013.

Autorisation refusée, enseignants arrêtés, réseaux sociaux censurés ainsi que les sites web de l’opposition, et, le jour J, capitale "en état de siège", totalement bloquée par un déploiement spectaculaire de forces de la Sécurité nationale... Résultat : Non seulement, la marche pacifique de protestation populaire n’a eu lieu, mais les principaux instigateurs de cette manifestation ont été arrêtés et sont encore aujourd’hui en détention.

Une cascade d’arrestations...

Le 8 mai, Enrique Nsolo Nzo Mangue, professeur de l’Université nationale (UNGE), a été arrêté, alors qu’il préparait une banderole pour la manifestation avec un groupe d’étudiants. Six jeunes gens l’ont alors frappé et traîné jusqu’à une voiture de police qui attendait à l’extérieur. Il a été emmené illico presto au Commissariat central de Malabo, surnommé "Guantanamo", où il a subi un interrogatoire devant des caméras de télévision. On lui a demandé pourquoi ils voulaient manifester et s’ils y étaient autorisés.

Enrique Nsolo Nzo Mangue a été libéré le jour même sans avoir été inculpé, puis il a été licencié de son poste d’universitaire. Quelques jours plus tard, son père, Marcelo Nzo Nsue, et son frère aîné, Zenón Nsue Nzo, ont été arrêtés et conduits à Malabo. Ils ont tous deux été placés en détention au ministère de l’Intérieur.

Le 13 mai, la police a procédé à cinq nouvelles arrestations. Ces militants « étaient descendus dans la rue avec un mégaphone pour annoncer la manifestation du 15 mai et distribuaient des prospectus aux gens » , a expliqué Daniel Dario Martinez Ayecaba.

Avec les interpellations effectuées le 15 mai, ce sont au total 9 personnes qui ont été placés en détention dans un premier temps : Luis Nzo Ondo, Clara Nsegue Ayí, Natalia Angue Edjodjomo, Jerónimo Ndong, ainsi que des étudiants de l’UNGE : Marama Boheli, Salvador Obama Ndjimi, Fausto Erimola Mbomio et Miguel Anguel Mabale Nsi.

Selon nos sources, Luis Nzo Ondo a été arrêté alors qu’il invitait la population à prendre part à la manifestation. Cet homme est un ancien opposant qui a milité autrefois dans les Forces démocratiques républicaines (FDR), parti aujourd’hui interdit en Guinée équatoriale.

Clara Nsegue Ayi et Natalia Angue Edjodjomo, fondatrices du Parti démocratique pour la justice sociale (non légalisé) et coordinatrices du Mouvement de protestation populaire, ont été arrêtées lundi 13 mai et ont quitté la capitale, le lendemain, menottées et les yeux bandés. Elles sont actuellement en résidence surveillée à Mongomo.

Jerónimo Ndong, secrétaire général du parti d’opposition Union populaire (1), également impliqué dans l’organisation de cette manifestation, a été arrêté mercredi 15 mai au matin. Il est actuellement détenu au poste de police central de Malabo.

Le principal parti d’opposition, Convergence Pour la Démocratie Sociale (CPDS), qui n’avait pas appelé à manifester, a exprimé son soutien à l’Union populaire

... qui jette une ombre sur les prochaines élections

« Les autorités de Guinée équatoriale mènent actuellement une terrifiante campagne d’arrestations, qui prend pour cible quiconque ose les défier dans le contexte des élections », a déploré Noel Kututwa, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International. « Les nombreuses arrestations et manœuvres de harcèlement visant des défenseurs de la démocratie ayant été recensées ces derniers jours jettent une ombre sur les élections qui s’annoncent. »

Malgré l’échec de la manifestation et la poursuite de la campagne électorale dans une "apparente normalité", les Autorités poursuivent les arrestations et les interrogatoires.

Au cours de la journée du 15 mai, un autre opposant a été arrêté. « Il s’agit de Salvador Ebang Ela, originaire d’Ebibeyin... Il était le réprésentant légitime du parti Convergence Sociale Démocratique et populaire (CSDP) depuis la mort de son dirigeant Secundino Oyono Awong Ada [en 2006]. Toutefois, il n’avait pas accepté l’ultimatum posé par Clemente Engonga Nguema Onguene pour que son parti rejoigne la coalition du PDGE. Dès lors, le ministre avait désigné un certain Ondo Mari pour le remplacer comme président du CSDP », nous apprend Radio Macuto.

L’après-midi, 16 mai 2013, la police a également interpellé Carlos Obiang, Narciso Nsue et Fabián Ngui. Fabián Ngui est ce professeur de l’Institut Carlos Lwanga de Bata qui avait brusquement congédié, mardi dernier, sur l’accusation d’ "être un opposant".

« Les 72 heures [de garde à vue] prévues par la loi sur l’habeas corpus sont maintenant passées et ils n’ont toujours pas été déférés devant la justice. Non seulement les détenus politiques sont à l’isolement dans leurs cellules, mais ils ne reçoivent pas de visites et ne sont pas alimentés. Ils subissent un traitement inhumain dans les locaux de Guantanamo où les conditions de détention sont déplorables : insalubrité, odeurs pestilentielles et absence de lits pour dormir en font une des pires prisons du pays », selon Radio Macuto.

« Nous regrettons la disparition du colonel Mouammar Kadhafi... »

Tandis que le président Obiang reçoit en Guinée un panel de journalistes africains et prononce devant eux un vibrant discours sur le panafricanisme, regrettant même la mort du colonel Mouammar Kadhafi tant « poursuivre son combat panafricain est difficile », et tandis qu’il laisse aux différents partis en lice la possibilité de s’exprimer devant eux, le pays tout entier reste privé de l’accès à Facebook et aux sites web de l’opposition.

Selon le communiqué officiel du gouvernement, il s’agirait d’un virus informatique. Autre hypothèse avancée : « Un des fournisseurs de services internet a été hacké depuis l’extérieur ». Une explication qui ne convainc pas Lucie Morillon, responsable de la recherche chez Reporters sans frontières (RSF) : « C’est un virus visiblement très sélectif qui viserait comme par hasard les sites de l’opposition et les réseaux sociaux, fait mine de s’amuser Lucie Morillon. Non, c’est une excuse qui ne tient absolument pas. Cet acte de censure intervient juste avant les élections. On est tout à fait conscient du rôle de mobilisation, d’information que peuvent jouer les réseaux sociaux et on sait que les autorités de Guinée équatoriale ont très peur des risques de contagion des Printemps arabes », estime-t-elle.

En Espagne, la plate-forme Ceiba appelle à manifester devant l’ambassade de Guinée équatoriale, à Madrid, le 21 mai, de 11h30 à 12h30, et à nouveau, le 26 mai, le jour du scrutin, afin de protester contre l’atteinte « aux libertés civiles, politiques et sociales des citoyens de la Guinée équatoriale ».

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(1) Quand la presse parle de l’UP à propos de Daniel Dario Martinez Ayecaba et de Jerónimo Ndong, il s’agit de la "faction" de l’UP qui avait refusé la réforme constitutionnelle du président Obiang, et non de la "faction" d’Alfredo Mitogo Mitogo reconnue par les Autorités et qui se présente à ces élections dans la coalition présidentielle, avec le PDGE.

(Sources : Radio Macuto ; Amnesty international ; RFI ; AFP/Jeune Afrique)

Source : http://www.france-guineeequatoriale.org