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HOMOSEXUELS EN OUGANDA : « NOUS SOMMES DISCRIMINÉS, EXCOMMUNIÉS »

D 6 août 2014     H 05:23     A     C 0 messages


Âgé d’une trentaine d’années, Moses Mulwinda a perdu sa famille, ses amis, son travail… en raison de son homosexualité. Il a été aussi humilié, agressé et torturé. Dans son pays, l’Ouganda, qui a adopté l’une des lois anti-gay les plus répressives d’Afrique, avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe est un crime passible de la prison à perpétuité et faire la « promotion » de l’homosexalité est illégal. Face à cette persécution étatique, qui a failli recourir à la peine de mort, Moses a décidé de réagir. Il est devenu le directeur des programmes de l’ONG Spectrume qui défend les droits des homosexuels de manière détournée.

Voici son récit.

« Spectrume Uganda Initiatives Incorporated est une ONG de lutte contre le Sida en Ouganda. À ses débuts, en 2003, Sepctrume ne rassemblait qu’une poignée de volontaires. Aujourd’hui, nous sommes en lien avec des centaines de gens. Un de nos objectifs est de soutenir les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bi et transxuels) même s’il est impossible de le dire officiellement. En Ouganda, toute association d’homosexuels est interdite. C’est pourquoi on s’affiche d’abord comme une association qui vient en aide aux malades du Sida.

Depuis cinq ans, nous menons des campagnes d’information sur le Sida en ciblant les populations homosexuelles et mettons en place des projets qui oeuvrent pour le respect des droits des homosexuels.

Nous avons été confrontés à de très nombreuses difficultés, surtout à cause de la Constitution ougandaise qui condamne les relations sexuelles entre personnes du même sexe. La situation est devenue encore plus difficile avec la loi anti-gay qui a été ratifiée le 25 février dernier par le président de la République. Aujourd’hui, nous en subissons les répercussions : perte d’emplois, perte de logement, prostitution, diffamation médiatique, chantage, enlèvements, torture… Selon un rapport établi entre décembre 2013 et mai 2014 par la Coordination nationale pour la sécurité LGBT (the National LGBT Security Team), dont le rôle est de répondre aux situations d’urgence, la violence à l’égard des homosexuels ne cesse d’augmenter : + 15% de menaces physiques, +15% d’agressions violentes, +2% d’actes de tortures, +10% d’arrestations, +8% de cas de persécution étatique…

Moi même, comme beaucoup d’autres, j’ai été lynché dans les médias, j’ai subi de la violence physique et des actes de torture, j’ai perdu mes amis et ma famille, j’ai été viré de mon poste de manager dès que mon orientation sexuelle a été connue. Au niveau de l’ONG, toutes nos activités ont été mises sous surveillance et notre autorisation administrative nous a éte retirée. Nous sommes discriminés, excommuniés… Je ne suis plus en sécurité dans mon propre pays. Mais ces épreuves m’ont renforcé dans mon combat.

En Afrique, le problème, c’est la non séparation de l’Église et de l’État. Ces deux institutions travaillent main dans la main et alimentent la haine à l’égard des homosexuels. C’est ce qui se passe en Ouganda mais aussi au Cameroun, au Nigeria, au Kenya, au Liberia, au Zimbabwe… Mais, dès qu’il a été question en 2009 du projet de loi anti-gay, nous nous sommes mobilisés en créant une coalition qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine d’associations de défense des droits humains (Civil Society Coalition On Human Rights and Constitutional Law). Nous avons ainsi obtenu que la peine de mort ne soit pas inscrite dans la loi alors qu’elle l’était dans le texte préparatoire. Nous réclamons une révision de la loi sur certains aspects au nom de la constitution ougandaise et voulons que le gouvernement soit reconnu responsable de la violation des droits des homosexuels.

A l’échelle internationale, nous avons tissé un réseau d’appui pour faire pression sur les autorités. Nous sommes en lien étroit avec l’ambassade de France qui soutient nos programmes VIH et nous aide pour les demandes d’asile et de visas. Nous avons également de très bonnes relations de travail avec un certain nombre de diplomates européens dans la mesure où toutes nos réunions à Kampala restent informelles pour éviter de créer des tensions avec les autorités ougandaises. Nous sommes également soutenus par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Ce qui est loin de plaire au ministre ougandais des Affaires étrangères. Je suis devenu en quelque sorte son adversaire sur la scène internationale. Dans le courant du mois de juin, je vais me rendre au Danemark puis en France où j’ai l’intention de rencontrer des exilés ougandais, ainsi que la communauté LGBT. C’est avec plaisir que je vais participer le 28 juin à la Marche des fiertés à Paris. Il est très important pour nous de faire connaitre le combat que nous menons en Ouganda. »

Propos recueillis par Camille Sarret et Casey Sellarole.

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