RD Congo : Les forces rwandaises et les rebelles du M23 ont bombardé des zones civiles
L’armée congolaise expose les personnes déplacées autour de Goma à un risque accru
3 octobre 2024 05:30 0 messages
-Depuis le début de l’année 2024, l’armée rwandaise et le groupe armé M23 bombardent sans discernement des camps de déplacés et d’autres zones densément peuplées près de Goma, dans l’est de la RD Congo.
– Les forces armées congolaises et des milices alliées ont exposé les personnes déplacées dans les camps à un risque accru en déployant de l’artillerie à proximité et en pénétrant dans les camps, où elles ont commis des abus à l’encontre des résidents.
– L’ONU, l’Union africaine et les gouvernements préoccupés devraient faire pression sur les deux parties pour qu’elles cessent de violer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, garantissent la protection des civils et soutiennent les sanctions et les poursuites contre les commandants responsables de crimes de guerre.
Depuis le début de l’année 2024, l’armée rwandaise et le groupe armé M23 ont bombardé sans discernement des camps de déplacés et d’autres zones densément peuplées près de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les forces armées de la RD Congo (FARDC) et des milices alliées ont exposé les personnes déplacées dans les camps à un risque accru en déployant de l’artillerie à proximité. Les deux parties ont tué des habitants des camps, perpétré des viols, entravé l’acheminement de l’aide humanitaire et commis d’autres abus. Human Rights Watch a également publié un document de questions-réponsessur l’application du droit de la guerre dans ce contexte.
En janvier, les Forces rwandaises de défense (FDR) et le groupe armé M23 se sont approchés de la ville de Sake, située à 25 kilomètres à l’ouest de Goma, coupant ainsi les routes d’approvisionnement de la capitale provinciale du Nord-Kivu. Le M23, aux côtés des forces rwandaises, a depuis étendu son contrôle sur le Nord-Kivu, une expansion qui constitue l’avancée la plus importante du groupe armé depuis sa résurgence en 2021, d’après les Nations Unies.
« Alors que le conflit entre les forces rwandaises et congolaises et leurs milices alliées se rapproche de Goma, les habitants de la zone et plus d’un demi-million de personnes déplacées font face au risque croissant d’être pris dans les combats et privés d’aide humanitaire », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch. « Le Rwanda et la RD Congo devraient cesser de soutenir des groupes armés responsables d’abus, respecter leurs propres obligations en vertu du droit de la guerre, et permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire. »
Les Nations Unies, l’Union africaine et les gouvernements préoccupés devraient faire pression sur les parties au conflit, y compris les groupes armés non étatiques, afin qu’elles cessent de violer le droit international humanitaire, qu’elles garantissent la protection des civils et qu’elles soutiennent les sanctions et les poursuites contre les commandants responsables de crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch.
Entre mai et juillet 2024, les chercheurs de Human Rights Watch ont visité les camps ou sites de déplacés de Bulengo, Bushagara, Kanyaruchinya, Lushagala, Mugunga (également connu sous le nom de « 8ème CEPAC ») et Shabindu-Kashaka autour de Goma, et y ont mené des entretiens avec 65 victimes d’abus, témoins et responsables de camps. Parmi ces personnes figuraient neuf victimes de violences sexuelles, et cinq personnes disposant d’informations crédibles sur ces violences. Les chercheurs ont également mené des entretiens avec 31 sources humanitaires, diplomatiques, onusiennes et militaires. Human Rights Watch a examiné et analysé des photographies et des vidéos de sites après des attaques qui ont été diffusées en ligne ou transmises directement aux chercheurs, des photographies de fragments d’armes, ainsi que des images satellite pour déterminer la distance entre les positions d’artillerie et cibles touchées et les camps de déplacés.
Le 2 septembre, Human Rights Watch a transmis par courrier électronique ses conclusions préliminaires aux autorités congolaises et rwandaises, mais n’a reçu aucune réponse au moment de la publication du présent rapport.
À mesure que l’armée rwandaise et le M23 gagnaient du terrain en direction de Goma, plus d’un demi-million de personnes ont trouvé refuge dans des camps de déplacés autour de la ville, portant le nombre total de déplacés dans le Nord-Kivu à près de 2,4 millions. Ces forces ont utilisé de l’artillerie lourde dans des attaques qui frappaient sans discernement des zones densément peuplées, une violation manifeste du droit de la guerre.
Human Rights Watch a documenté cinq attaques manifestement illégales menées par les forces rwandaises et le M23 depuis janvier 2024, au cours desquelles des tirs d’artillerie ou de roquettes ont frappé des camps de déplacés ou des zones peuplées près de Goma. Le 3 mai, les forces rwandaises ou du M23 ont lancé au moins trois roquettes sur des camps de déplacés autour de Goma, tuant au moins 17 civils, dont 15 enfants, dans un camp connu sous le nom 8èmeCEPAC. L’armée congolaise a installé des positions d’artillerie et d’autres cibles militaires potentielles à proximité de camps de déplacés, exposant ainsi les civils à des risques inutiles.
« Nous ne savons plus quoi faire », a indiqué un homme déplacé dans le camp de Mugunga après les frappes du 3 mai. « Qu’on reste ou qu’on rentre à la maison, il semble que le résultat sera le même. La mort nous accompagne partout où nous allons. »
Des soldats congolais et une coalition de milices responsables d’exactions connue sous le nom de « Wazalendo » (« patriotes » en swahili) ont ouvert le feu à l’intérieur de camps de déplacés, tuant et blessant des civils. Ils ont également violé des femmes dans les camps, ainsi que d’autres parties chercher de la nourriture et du bois de chauffage à proximité. Dans le camp de Kanyaruchinya, ils ont détenu des personnes dans une fosse creusée dans le sol pour leur extorquer de l’argent. Des combattants du M23 ont quant à eux violé des femmes qui avaient franchi la ligne de front en quête de nourriture.
En août, l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a déclaré que plus d’une jeune femme sur 10 dans les camps à Goma et dans les environs avait signalé avoir été violée entre novembre 2023 et avril 2024, ce chiffre pouvant atteindre 17 % dans certains camps.
Les combats à proximité de Goma et des camps ont fortement affecté l’acheminement de l’aide humanitaire et provoqué des pénuries alimentaires à Goma. Les forces congolaises et milices alliées déployées à proximité des camps de déplacés ont exposé les camps aux tirs de riposte des forces opposées. « Cela affecte l’acheminement de l’aide humanitaire », a expliqué un responsable d’un organisme humanitaire. « Maintenant, dès que les FARDC commencent à tirer à l’artillerie, les [organisations non gouvernementales] et l’ONU se mettent à quitter les camps. »
« Nous avons observé un important afflux de patients depuis février », a raconté un médecin à Goma. « Les bombes en sont la cause, avec les Wazalendo, qui sont hors de contrôle. Les balles tuent les hommes et les jeunes ; les armes explosives tuent les femmes et les enfants. Pendant la journée, les hommes vont travailler et ne sont pas dans les camps.Nous traitons davantage d’enfants de moins de 5 ans. »
Le conflit armé dans l’est de la RD Congo est soumis aux Conventions de Genève de 1949, notamment à l’article 3 commun, ainsi qu’au droit international humanitaire coutumier. Le droit de la guerre interdit les attaques délibérées ou menées sans discernement contre les civils et les biens de caractère civil. Les parties belligérantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour limiter au maximum les préjudices causés aux civils, y compris en évitant de placer des objectifs militaires à proximité de zones densément peuplées. Le droit de la guerre reconnaît également comme crimes de guerre le fait de tuer toute personne en détention, la torture, les violences sexuelles et d’autres mauvais traitements. Toutes les parties belligérantes doivent faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire.
Quiconque commet ou ordonne des violations graves du droit de la guerre avec une intention criminelle est responsable de crimes de guerre. Les commandants peuvent également être tenus pour responsables au titre de la responsabilité de commandement s’ils avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance d’abus commis par des forces sous leur contrôle, mais n’ont pas mis fin aux crimes ni puni leurs auteurs. Un État qui fournit sciemment des armes à des groupes armés commettant des exactions peut être complice de crimes de guerre.
En outre, toutes les parties devraient éviter d’utiliser des armes explosives dans des zones peuplées. L’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact, telles que l’artillerie lourde dans des zones peuplées, conduit fréquemment à des attaques menées sans discernement en violation du droit de la guerre. En plus de leurs effets mortels immédiats, ces armes ont également des effets indirects, ou des répercussions, à long terme.
L’Union européenne et les États-Unis ont imposé des sanctions à des dirigeants de groupes armés responsables d’exactions dans l’est de la RD Congo, y compris le M23, et à plusieurs hauts responsables congolais et rwandais responsables du soutien à ces groupes.
« Toutes les parties au conflit dans le Nord-Kivu font preuve d’un mépris total à l’égard de la vie des civils, dont la protection est pourtant garantie par le droit international », a conclu Clémentine de Montjoye. « La RD Congo et le Rwanda devraient reconnaître que les abus d’une partie belligérante ne justifient jamais la commission d’abus par l’autre partie, mettre fin à leur soutien à des groupes armés responsables d’abus et traduire en justice toute personne responsable de crimes de guerre. »
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