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Rwanda – Le rapport Mutsinzi sur l’attentat du 6 avril

D 18 février 2010     H 16:14     A Julie Gomel     C 0 messages


Début janvier, le comité, présidé par Jean Mutsinzi, chargé
d’enquêter sur l’attentat du 6 avril 1994 contre le président
Habyarimana a remis son rapport. A l’audition de 557
témoins et à l’étude balistique réalisée par des « techniciens de
l’Académie militaire de Londres », le comité a ajouté la lecture
attentive des documents du TPIR, de l’auditorat militaire belge, de
la mission d’information parlementaire française, du rapport
d’enquête de l’ONU, et de l’ordonnance du juge Bruguière.
Plusieurs points paraissent désormais acquis.

1. Si le président se savait menacé, dans son entourage
immédiat certains savaient, tout simplement : le Dr Akingeneye,
son médecin personnel, et le général Nsabimana, chef d’étatmajor,
se sont cachés pour ne pas embarquer, avant d’y être
contraints par Habyarimana ; les pilotes eux-mêmes, craignant
l’attentat, souhaitaient repousser le départ au lendemain.

2. L’avion était équipé d’une boîte noire (d’un CVR, un
enregistreur de conversation), ce que Dassault Falcon service,
après l’avoir longtemps nié, a reconnu en juin 2001, qui est
aujourd’hui entre les mains des autorités françaises.

3. Les tirs sont partis du camp militaire des FAR (Forces
armées rwandaises), à Kanombé et non de la colline de Masaka
comme l’affirmait Bruguière au motif qu’on y avait « retrouvé »
deux lance-missiles. Le rapport montre au passage que la
« découverte » était d’un pur montage.

4. L’armée rwandaise avait, intégrés à deux bataillons, des
« spécialistes de l’artillerie anti-aérienne ». Dans le bataillon de
lutte anti-aérienne (LAA), spécialement, un officier et des sousofficiers
avaient été formés à l’utilisation de missiles sol-sol et
sol-air. Or, c’est précisément ce dernier qui assurait la sécurité de
l’aéroport de Kigali.

5. De novembre 90 à février 92, les FAR ont multiplié les
demandes de fourniture d’armes anti-aériennes (à l’URSS, la
Corée, l’Egypte, la Chine et le Brésil). Le rapport ne précise pas
cependant si les commandes acceptées par les fournisseurs
(URSS et Chine notamment) ont été honorées.

D’une façon plus générale, le comité ignore ou passe sous
silence plusieurs questions d’importance. On ne sait pas s’il y
avait ou non, outre la CVR, un enregistreur des paramètres de
vol. Le rapport ne dit rien des coups de feu presque tous dirigés
vers le ciel entendus par tous les témoins sur place. Le comité
n’a pas enquêté sur les Blancs aperçus à Masaka pas plus que
sur le rôle du capitaine Barril pourtant nommé à propos des
manipulations auxquelles a donné lieu la boîte noire. Il ne se
prononce pas, renvoyant au rapport balistique, sur la nature des
tirs (missiles ou roquettes ?) ni surtout sur… l’identité des tueurs.
Les questions qui fâchent ont-elles été mises sous le tapis à
l’heure du rapprochement franco-rwandais ? Le lecteur, pour y
voir le fantôme de la realpolitik, n’en reste pas moins sur sa
faim.

Julie Gomel