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Rwanda : Présentation - La Nuit rwandaise n°7

D 28 avril 2013     H 05:38     A     C 0 messages


Comme chaque année depuis 2006, la revue La Nuit rwandaise fait, ce 7 avril 2013, un point sur l’implication française dans le génocide des Tutsi : cette année, la revue est organisée autour de trois dossiers principaux : Injustices en cours, justice à faire, Opération Turquoise : complément d’enquête et Kivu : la remobilisation meurtrière du racisme. S’y ajoutent des Notes de lecture du livre « Silence Turquoise », une mise au point sur la stratégie génocidaire de l’Etat Français et un retour sur le génocide à Bisesero.

Présentation

Editorial - Michel Sitbon

Cette année nous amènera au 20ème anniversaire du génocide des Tutsi rwandais, le 7 avril 1994. Où en est-on, et quelle campagne envisager ? Les priorités nous paraissent encore et toujours, et dans cet ordre : vérité, justice, réparations.

La réouverture des travaux de la commission d’enquête citoyenne pourrait se fixer comme objectif de cerner les responsabilités pour aboutir à des procédures judiciaires de tous types, et faire avancer les enquêtes en cours.

Elle pourrait contribuer à peser pour obtenir l’ouverture totale des archives, non seulement celles qui sont protégées par un délai absurde, mais aussi celles qui sont couvertes par un secret défense tout aussi arbitraire. Cette demande d’ouverture totale des archives concernant la politique de la France jusqu’en 1994 doit s’appuyer sur le fait qu’il y a eu génocide, et qu’il est indispensable, vingt ans plus tard que tous les documents soient produits pour que la vérité soit faite.

Ces derniers temps, en cours d’appel du TPIR, des relaxes sont prononcées en appel contre des génocidaires qui avaient été lourdement condamnés en première instance. Ainsi, à ce Nuremberg de notre temps, on relâche Hitler, Goering et Goebbels... On ridiculise l’idée même d’une justice internationale. On voudrait affûter les machettes de l’avenir, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Du coup la thématique judiciaire prend un relief particulier. Or la loi de compétence internationale commence à pouvoir être utilisée pour épingler les génocidaires en liberté, dont les crimes sont imprescriptibles.

En outre il y a des dizaines de personnes qui seraient susceptibles de porter plainte à titre individuel, si elles avaient les moyens de le faire. L’expérience montre que c’est la seule chose qui panique les officiers français, et il y a sûrement une bonne raison pour cela. Il s’agit donc de réunir les fonds, l’énergie et les contacts pour faire converger ces plaintes rwandaises vers la France.

Enfin, une campagne pour les réparations pourrait s’appuyer sur des procédures judiciaires. Un exemple pertinent est la procédure intentée avec succès à Fort de France pour demander des réparations de la traite des esclaves : sont recevables les plaintes de toutes personnes pouvant présenter l’acte d’affranchissement d’un ancêtre. On peut supposer qu’à ce titre des plaintes de rescapé-e-s Tutsi devraient tout autant être examinées. L’exemple belge montre même que de telles demandes de réparations par les rescapé-e-s peuvent aboutir plus rapidement que les plaintes pénales. Et une campagne publique sur le thème des réparations serait de toute façon salutaire.

Commission d’enquête, ouverture des archives et levée du secret défense, poursuite des génocidaires en liberté, plaintes individuelles de rescapé-e-s contre les responsables français et/ou pour obtenir des réparations. Ce sont des objectifs forts pour ce vingtième anniversaire...

Le combat continue !

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Sommaire

Editorial Michel Sitbon - Chronologie annuelle La Rédaction

Injustices en cours, justice à faire

Le procès en diffamation des neuf officiers français contre La Nuit Rwandaise • Résumé des condamnations et des procès en cours prononcées par des juridictions nationales (hors Rwanda) • Sentences du TPIR Jacques Morel • Quand la France traîne les pieds face aux décisions de Justice : Le cas Agathe Habyarimana Gaëtan Sebudandi • Le calvaire surréaliste à Den Haag H.E. • Solidarité avec les femmes tutsi qui ont porté plainte pour viols contre des membres de l’armée française Collectif • Entretien avec Maître Gillet, avocat Yannick Miara • Du père Theunis : un damné non condamné Antoine Mugesera

Note sur la stratégie génocidaire de l’Etat Français Jean-Franklin Narodetzki • Génocide à Bisesero Bruno Boudiguet

Opération Turquoise : complément d’enquête

« Silence Turquoise » déchire le voile d’une opération pseudo-humanitaire Gaëtan sebudandi • Le roman de Thierry Prungnaud Michel Sitbon • L’opération Turquoise à Bisesero : un débusquage français ? Serge Farnel • Deux femmes témoignent Bruno Boudiguet • L’opération Turquoise et ses débusquages sous couvert d’humanitaire Bruno Boudiguet

Kivu : la remobilisation meurtrière du racisme

Chronologie du Congo et des conflits au Kivu Jean-Luc Galabert • Vers une deuxième tragédie ? Michel Sitbon • Contexte géopolitique de la région des grands lacs et spécificité des provinces de l’est de RDC Privat Rutazibwa • Les groupes armés à l’est de la RDC en 2012 • Ampleur, enjeux et significations Kä Mana • Les racines du con$it actuel au Nord-Kivu Justin Gahigi • M23, presque Servilien Sebasoni • Lettre ouverte à Monsieur Ban Ki Moon, Secrétaire général de l’ONU Collectif • Une pétition de notables françafricains dénonce l’inaction de l’ONU au Kivu Michel Sitbon • “Ils n’écoutent pas, ils sont si arrogants, ils n’écoutent pas” Kivu : silence criminel, mots assassins NanoJV • Le Rwanda sanctionné pour appui supposé au M23 : cherchez l’erreur Antoine Mugesera • Les graves fautes du Rapport Mapping de l’ONU sur les violations commises en RDCongo de 1993 à 2003 Jean Damascène Bizimana


Berceuse – igihozo Yves Cossic • Ils allaient Lysiane Rolland

Les Dossiers

La Justice - La Rédaction

La Justice est en cours, mais elle avance lentement.

Du côté français, une avancée non négligeable, la clôture de l’instruction et la confirmation des charges à l’encontre de Pascal Simbikangwa montre que tout n’est pas perdu. Reste à voir si le tribunal de grande instance de Paris renverra l’affaire en cours d’assise, ce qui pourrait donner lieu à un éventuel premier procès. Espérons, même si ce procès suivait un autre agenda, celui de la 20ème commémoration par exemple, qu’il ait lieu, ce serait un minimum, sachant que 25 plaintes sont toujours pendantes devant les juridictions françaises. Avec une première instruction bouclée, on pourrait penser que maintenant le pôle génocide et crimes contre l’humanité est « rodé » et enchaînerait les enquêtes avec suffisamment de moyens.

Alors que les juridictions nationales usent de plus en plus leur compétence universelle pour juger le génocide au Rwanda, la Belgique traîne des pieds à organiser son cinquième procès et fait l’impasse sur les délais raisonnables. A tel point que sur les six prévenus, trois ont été libérés sous caution, et il arrive que des rescapés ayant porté plainte, se retrouvent nez-à-nez devant eux dans l’espace public. Cet état de fait choquant frise la torture psychologique et menace les victimes.

Partout ailleurs, les Etats-Nations prennent peu à peu leur responsabilités ; les condamnations et les procès s’accumulent en Norvège, Finlande, Suède, Pays-bas, Canada, Suisse, et Allemagne. La France manque à l’appel...

De son côté, le TPIR accumule les jugements et acquittements scandaleux qui annihilent les maigres acquis de cette juridiction. Jusqu’au point où les rescapés, choqués, défilent dans les rues pour exprimer leur désarroi. Le point d’orgue fut l’acquittement de deux ex-ministres du gouvernement génocidaire, Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza, par le Juge Theodor Meron, annulant une condamnation en première instance à 30 ans. En plus du fait que la remise en liberté de ces deux personnes puissent constituer un danger public, cet acquittement envoie un signal d’impunité pour les présumés génocidaires encore en fuite, et surtout un réel problème de jurisprudence inique pour les procès à venir. Enfin, ces jugements faussés, parfois pour vices de procédure, donne de trop belles occasions au négationnistes. Ainsi un Justin Mugenzi, après l’énoncé du verdict l’acquittant peut-il s’écrier : « Personne ne dira plus que le gouvernement a planifié le génocide »

Pendant ce temps, des criminels courent toujours, et pire encore, parfois se baladent.

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Kivu - Michel Sitbon

L’horreur n’est pas derrière nous. Depuis plus de dix-huit ans que nous dénonçons les responsabilités décisives de la France dans le génocide des Tutsi qui s’est produit au Rwanda au printemps 1994, nous n’avions pas compris. Nous pensions travailler à ce que la vérité puisse voir le jour, et que la justice se fasse, pour les morts, pour les rescapés, et nous savions être sur ce front parce qu’il y va de notre conscience, pour qu’elle tienne debout. C’était pour l’histoire. Ce que nous n’avions pas bien compris, c’est que pendant ce temps, l’histoire a continué.

Nous ouvrons dans ce numéro le dossier du Kivu pour tenter, un peu tard, de réparer cette erreur. Car, bien sûr, les phénomènes historiques sont dynamiques. Les pages se tournent, mais l’histoire continue. Ainsi, en 1994, nous avons vu les soldats de Turquoise aménager la sortie du régime génocidaire rwandais pour l’installer de l’autre côté de la frontière, dans ce pays qui s’appelait Zaïre, l’aidant à accomplir son dernier crime, ce qu’Alain Juppé appelait, le 15 juin, en conseil des ministres restreint, devant François Mitterrand et Édouard Balladur, « aller plus loin », « exfiltrer les populations ».

Ainsi se sera ouvert la deuxième page de ce qu’on a appelé « la tragédie rwandaise ». Nous nous insurgions : il y a eu un génocide, et il faut appeler les choses par leur nom. Et nous combattons depuis pour que la vérité soit faite sur ce génocide avant toute chose. Nous avions bien sûr raison, et nous poursuivrons ce combat pour la vérité historique d’autant plus que nous comprenons maintenant qu’il y a urgence, car pendant que nous examinions avec le plus de détails et d’exactitude possible l’épisode historique du génocide, nous ne comprenions pas que le parti génocidaire avait survécu, et n’attendait qu’à se redéployer.

C’est ce qu’il a fait à partir de ses bases du Kivu. Nous ne nous alarmions pas parce que l’on pouvait bien voir comment « les populations » exfiltrées grâce à l’armée française, ainsi que l’avait préconçu Juppé, préféraient rentrer à la première occasion. La prise d’otages avait ses limites. Et dès 1996, le Rwanda intervenait pour mettre un terme à ce scandale des méga-camps de « réfugiés » grassement entretenus par l’ONU, les génocidaires qui les dirigeaient n’ayant pas manqué d’appliquer la recette que Mitterrand pouvait décrire dès ce 15 juin, gonflant leur nombre. On découvre là au passage une autre « négligence » criminelle française : puisqu’on était avisé, dès avant leur mise en place, de ce que ces camps pourraient servir à un tel détournement de subventions onusiennes, pourquoi ne l’a-t-on pas empêché ?

Au contraire, depuis dix-huit ans, les moyens de la communauté internationale auront été versés sans compter. Aujourd’hui, on parle de les renforcer. Or, depuis dix-huit, dix-neuf ans maintenant, bientôt vingt, ils n’auront servi qu’à protéger et aider à se maintenir et se développer dans les meilleures conditions, le parti génocidaire rwandais. On les appelle FDLR. Depuis bientôt vingt ans, ils ont installé au Kivu un bastion génocidaire, ayant pris le contrôle de l’essentiel des mines de la région, une région qui en regorge. Mitterrand entrevoyait la possibilité qu’ils auraient d’« organiser des trafics », mais peut-être ne rêvait-il même pas d’un tel succès.

Depuis bientôt vingt ans les FDLR font régner la terreur dans toute la région. Ils n’auront fait que prolonger ce qu’ils avaient si bien appris à faire au Rwanda, la seule chose qu’ils sachent faire : rançonner, tuer, violer. De la plus horrible façon. Faut-il avouer qu’on avait détourné le regard de ces viols tant leur barbarie gratuite dépassait l’entendement. On comprend maintenant qu’il ne s’agit pas de barbarie gratuite, mais calculée : en détruisant l’appareil génital des femmes, on les stérilise. Ce n’est qu’une technique d’extermination. Ce qu’on appelle ici le génocide à deux temps, et qu’on pourrait tout aussi appeler le génocide continu.

De Monuoc en Monuscom, cela fait maintenant bien plus de dix ans que l’ONU englouti au Kivu une part significative de son budget global, pour rien. Ou plutôt pour le pire, car en plus de protéger les FDLR, il est arrivé que les troupes de certains pays comme l’Uruguay ne se comportent pas mieux, rajoutant de l’horreur à l’horreur. Quant à l’armée nationale congolaise, ex-zaïroise, héritée de Mobutu, quasiment annexée par les FDLR, elle ne se comporte pas mieux qu’eux.

Depuis bientôt vingt ans la population civile du Kivu est livrée à cette soldatesque, sous le regard goguenard des troupes onusiennes, le même regard qu’elles avaient en Bosnie et au Rwanda jadis, de soldats surarmés installés là en simples témoins, s’interdisant au grand jamais d’intervenir pour protéger qui que ce soit. Cela serait contraire aux règles. Ces règles qui consistent à garantir au crime de pouvoir se perpétrer. Et on dépense beaucoup d’argent pour ça.

Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, ces troupes de maintien de la paix sont, depuis 1997, sous la direction exclusive de Français. Le dernier en titre, Hervé Ladsous, actuel Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, donc, avait déjà eu l’honneur de servir au temps du génocide, sous Mitterrand, C’était lui, le représentant de la France lors de la fameuse séance du Conseil de sécurité du 21 avril 1994 qui avait voté la diminution des effectifs de la MINUAR, rappelle l’association Survie. Une décision qui n’avait d’autre sens que de faciliter le génocide. Un spécialiste. Il prenait la suite d’Alain Roy, qui, lui, faisait office de coordonnateur spécial adjoint des Nations Unies à Sarajevo, en 1995. Un autre spécialiste de l’inaction criminelle dont sont capables les forces de l’Onu.

Au Kivu, depuis longtemps, les populations locales ont appris à se défendre. La révolte des Banyamulenges, en 1996, avec l’aide du Rwanda mais avant tout par elle-même, était parvenue à balayer les énormes camps de Hutu génocidaires, puis à renverser Mobutu. Avec Laurent Nkunda, le même phénomène d’auto-défense civile, soutenu d’abord par Kigali, est parvenu à se structurer. Ainsi a pu exister une zone de protection pour les civils, fragile mais stable, en dépit des génocidaires, des troupes mobutistes et des unités incontrôlées de l’Onu.

C’est le même phénomène qui semble bien se reproduire avec le M23, apparu en avril dernier. Celui-ci sera parvenu en quelques mois à bénéficier d’une notoriété planétaire, comme incarnation du mal. Tous les maux du Kivu lui auront été reprochés. L’accusation en miroir fonctionnant à merveille, c’est précisément ce contre quoi il se mobilise qui constitue la longue liste de crimes qui lui sont imputés. Le tour de prestidigitation permettant cette inversion des charges aura été réalisé par quelques ONG, parmi lesquelles Human Rights Watch. Pour faire bonne mesure, il y a même des rapports de l’ONU, affirmant ceci. Un certain Jason Stearns, un jeune homme propulsé expert, fait office de grand prestidigitateur.

Le subterfuge est simple, mais efficace. Comment se prononcer sur ce qui se passe au fond de la jungle africaine ? Seuls les rapports d’observateurs seraient susceptibles de nous éclairer. Il y aurait les journalistes, mais aucun ne perd son temps à s’intéresser à la plus grande opération de maintien de la paix de l’ONU dans cette Afrique centrale si obscure, et si éloignée des soucis du public. Il semble surtout qu’il soit urgent de ne pas aller voir, et de laisser la politique internationale se faire comme elle l’entend. Des journalistes n’iraient pas contredire les ONG, l’ONU, et l’ensemble des puissances du monde.

D’un point de vue médiatique, on se retrouve dans une situation très semblable à celle des années 1990-1994 au Rwanda. En pire. Et d’un point de vue idéologique, la catastrophe est totale. Car le sentiment qu’alimentent les rumeurs, les faux rapports et les faux témoins, c’est l’antitutsisme. Celui-ci aura atteint une telle force d’irradiation qu’il n’y a personne au Congo pour dire les choses comme elles sont. Lorsqu’un docteur Mukwege devient le héros de la bonne conscience universelle, c’est pour colporter la vulgate antitutsi, sans laquelle on est désormais inaudible, que ce soit au Congo, plus largement en Afrique, ou dans l’arène internationale.

Il apparaît avec le temps que le génocide de 1994 n’aura pas été le point d’arrivée, mais le point de départ de l’antitutsisme moderne, un sentiment si étendu, si structuré, si répandu en Afrique comme dans le monde, qui est en passe de rivaliser avec son ancêtre né au XIXème siècle en Europe, l’antisémitisme moderne.

L’énorme manipulation organisée autour des camps des FDLR, permettant à ceux-ci à la fois d’entretenir la braise et de rayonner à loisir, aura abouti à ce prodige de la communication moderne : la transformation de milices d’autodéfense civile en monstre multiforme accusé de commettre les crimes contre lesquelles elles se sont organisées sous le nom de M23.

D’étape en étape, le piège rhétorique s’est refermé, et aujourd’hui la communauté internationale s’apprête à monter à l’assaut du M23, avec l’armée congolaise et les FDLR qui remobilisent comme jamais.

Avouons ici qu’on n’y voyait pas plus clair que quiconque, intoxiqué comme tout le monde par la multiplication des rapports et des informations fantaisistes. Il aura fallu ce reportage sur la clinique de Panzi où était évoqué le fait que les enfants issus des viols sont appelés Interahamwe, de façon générique, pour qu’on comprenne la comédie infecte qui nous est jouée (et d’abord par le docteur Mukwegue) en omettant de désigner les responsables ou en feignant qu’il puisse s’agir du M23.

Ainsi, on se moque de nous à cette échelle. On mobilise l’ONU au-delà de toute proportion, et on ose couper l’aide internationale au Rwanda sous ces prétextes deux fois fantaisistes que le M23 serait responsable de l’insécurité qu’il combat, et qu’il serait appuyé par le Rwanda qui s’en garde bien.

Et encore une fois, tout ceci prenant place dans un contexte idéologique effrayant, tel qu’il serait d’ores et déjà impossible d’examiner froidement les réalités.

Vingt ans après, on va finir par comprendre ce grand dessein indéchiffrable qui est à l’origine du génocide des Tutsi. La grande idée – l’a-t-on compris ? –, c’est la remobilisation du racisme, indispensable aux stratégies de domination.

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« Silence Turquoise » - La Rédaction

En septembre dernier était publié Silence Turquoise, le livre de la journaliste Laure de Vulpian et de l’ex-gendarme d’élite du GIGN Thierry Prungnaud, dans lequel ce dernier accuse sa hiérarchie de l’avoir volontairement trompé sur le génocide des Tutsi en cours et de ne pas avoir voulu se porter au secours aux rescapés – objectif pourtant officiellement affiché de leur mission. La réalité de cette opération de sauvetage des génocidaires entreprise par leurs alliés français, alors que le génocide était quasiment achevé, aura fait l’objet de plusieurs articles dans les numéros précédents de La Nuit rwandaise et si nous y revenons ici, c’est suite à la publication de ce livre très attendu dans lequel, pour la première fois, un militaire français engagé au Rwanda accuse sa hiérarchie d’avoir participé à cette entreprise criminelle.

Ces accusations, émanant notamment de l’un des militaires français ayant participé à Turquoise se démarquent des autres écrits des militaires français ayant servi au Rwanda – comme Didier Tauzin dont Gaëtan Sebudandi rappelle qu’il était animé de la volonté de venir au secours des génocidaires rwandais, ses « frères d’armes », et d’ « en découdre » avec le FPR. A défaut de sauver leur « honneur », nombre de militaires français tentent ainsi de se sauver des affres de la justice auxquels leur action aux pays des milles collines devraient normalement les conduire.

Dans un premier article Gaëtan Sebudandi se réjouit donc de lire, pour la première fois, un militaire français qui livre ainsi, dans un « témoignage pathétique », s’être fait « manipulé par sa hiérarchie » qui, loin d’intervenir au Rwanda pour sauver des innocents, continuait pendant Turquoise, puis ensuite, au Congo voisin, à « livrer des armes aux assassins ».

Mais si, finalement, Thierry Prungnaud avait complètement enfumé l’opinion ? Tel est le propos de Michel Sitbon dans le long article suivant. Un exposé très convaincant, que d’aucuns trouveront, provocateur, situant la démarche de Prungnaud dans une mécanique plus vaste, directement issue des méthodes de manipulation prônées par les techniques de la guerre psychologique. S’il est le premier militaire français à accuser sa hiérarchie d’avoir mené une politique criminelle au Rwanda, on verra qu’il ne dit pas tout, qui ne dit même pas grand chose et que de bien pires accusations contre l’armée française pourraient être formulées par celui qui sera intervenu deux fois au Rwanda.

Enfin, Serge Farnel focalise son analyse sur le rôle clé joué par Jean-Remy Duval, alias Diégo, lors des journées capitales du 27 au 30 juin 1994, pendant lesquelles les survivants de Bisesero furent finalement livrés aux miliciens génocidaires, après avoir été débusqués par le convoi de militaires emmené par le jeune lieutenant-colonel.

S’il est ici laissé au lecteur le soin de se forger une opinion personnelle sur ce qui apparaît de la part de vérité qui ressort de ce livre, l’action de la France pendant l’opération Turquoise, à Bisesero – et plus largement, au Rwanda - ne saurait se résumer à l’histoire, véridique ou pas, de Thierry Prungnaud. Car, comme le rappelle Sebudandi et contrairement à ce qu’en dit Didier Tauzin - le patron de Prungnaud pendant Turquoise – ce qui s’est passé à Bisesero est loin de faire « l’honneur de la France et de ses soldats »... chargés de créer une Zone humanitaire sûre qui n’aura finalement protégé que les forces vives du génocide et ménagé leur retraite en bon ordre vers le Congo où le pire ne tarda pas se reproduire et perdure encore à ce jour.

La Nuit rwandaise n°7 - 7 Avril 2013

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