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Lettre ouverte sur le massacre au Tchad

D 23 octobre 2022     H 07:00     A PLATEFORME DE CONCERTATION DE LA DIASPORA TCHADIENNE     C 0 messages



LETTRE OUVERTE
AUX PRESIDENTS ET CHEFS D’ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE (CEEAC)

Excellences Messieurs les Présidents et Chefs d’États des pays membres de la CEEAC,

Le jeudi 20 octobre 2022, un massacre de population civile désarmée a été perpétré au Tchad. Face à des manifestants pacifiques, et contrairement à leurs frères d’armes du Mali et du Burkina Faso, les militaires tchadiens ont choisi de décimer ceux-là même qu’ils sont censés défendre et protéger. C’est avec beaucoup d’émotion que nous vous écrivons au lendemain de cette tragédie, qui a coûté la vie à plus de 70 manifestants et blessé près de 800. Sur plus de 1000 autres, on déplore des arrestations et des violences injustifiées.

Il convient de rappeler que ces évènements douloureux interviennent :
 après le coup d’État perpétré par Mahamat Kaka Déby, fils d’Idriss Déby Itno, et des massacres survenus dans plusieurs villes du pays depuis avril 2021 ;
 après la tenue d’assises nationales non inclusives et non souveraines ayant débouché sur un partage de privilèges au sein de l’élite politique du pays, en lieu et place de la refondation de l’État souhaité par le peuple.

L’une des résolutions hautement contestées des assises nationales est celle qui reconduit la transition pour deux années et consacre de facto le passage en force de la junte au pouvoir en donnant au fils de Deby la possibilité de briguer un mandat à la fin de la transition. Le massacre du jeudi 20 octobre 2022 a été perpétré sur les opposants à l’application de cette résolution qui souffre d’un déficit de légitimité car, rappelons-le, elle a été adoptée aux termes des assises dans une salle monocolore aux trois quarts vide.

Il convient aussi de rappeler que tous les voyants du Tchad sont aujourd’hui au rouge, non seulement à cause de la mauvaise gouvernance de Deby-père, mais aussi et surtout du fait d’une transition politique qui a échoué à réconcilier les Tchadiens autour de valeurs partagées, à leur assurer la sécurité et à initier une vraie refondation de l’Etat.

Devant l’incapacité de la junte au pouvoir à respecter les engagements pris devant le peuple tchadien et la Communauté internationale, nous vous demandons de prendre, en tant qu’institution supra nationale, vos responsabilités au nom de la solidarité africaine et de la stabilité sous régionale. Vous vous devez de sauver le Tchad en vous rangeant aux côtés de son peuple. Si la menace de guerre civile qui plane désormais sur le Tchad vient à se concrétiser, cela impactera forcément la sécurité et la paix dans la sous-région. Il vous faut prendre la pleine mesure de la situation, et oeuvrer sans plus tarder à préserver vos États de drames futurs, en choisissant de soutenir au Tchad un processus qui conduise véritablement vers la paix, la démocratie et le développement de ce pays frère.

Au moment où votre Institution se prépare à tenir un sommet extraordinaire consacré à la situation au Tchad, nous voulons attirer votre attention sur la responsabilité historique qui est ainsi la vôtre. Les décisions prises à ce sommet seront déterminantes pour des suites heureuses ou malheureuses, selon les choix que vous aurez faits.

Dans cette optique, toute complaisance de la CEEAC à l’égard du pouvoir de N’Djamena enverra un mauvais signal à vos opinions publiques, aux autres États africains et au reste du monde, en cette période critique de l’histoire où des changements géostratégiques majeurs sont en cours, définissant de nouveaux équilibres favorables à une libre coopération entre pays souverains, travaillant ensemble pour un mieux-être de l’humanité et cela, dans un monde multipolaire où l’Afrique subsaharienne se doit de jouer sa partition.

Après le discours aligné sur la position française, récemment prononcé par son président en exercice sur les perrons de l’Élysée, aux coté d’Emmanuel Macron, la CEEAC est attendue au tournant par la jeunesse des pays membres. Vous vous devez de prouver à cette jeunesse que le temps de la vassalité de votre Institution à la France est bien révolu, et que vous êtes en mesure d’affronter les présents défis majeurs du continent qui exigent des statures et postures d’homme d’exception.
C’est pourquoi, convaincus que les mécanismes de la CEEAC lui permettent d’intervenir efficacement au Tchad, notamment en usant du principe de non-indifférence, du respect des droits de l’homme et des instruments internationaux pertinents inscrits à l’article 3 du Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) de la CEEAC, nous demandons à la CEEAC :
 De condamner le massacre perpétré le jeudi 20 octobre 2022, ainsi que la violation des droits et libertés des manifestants ;
 De condamner la violation des engagements pris par la junte au pouvoir, notamment celui relatif au respect de la durée de dix-huit mois de la transition, et celui relatif à la non-éligibilité des responsables des organes de la transition aux élections marquant la fin de celle-ci ;
 De prendre des sanctions à l’égard des autorités actuelles à la tête du pays ;
 D’envisager le déploiement au Tchad de la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC), en vue de protéger les populations civiles contre d’autres massacres perpétrés par la junte au pouvoir ;
 D’actionner le mécanisme de coopération policière et judiciaire de l’Afrique centrale, en prévision de tout acte de génocide, de fuite de capitaux ou de détournements de biens publics secondaires à un développement péjoratif de la situation au Tchad.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Messieurs les Présidents et Chefs d’États, l’expression de nos salutations fraternelles.

Pour la Plateforme de concertation de la diaspora Tchadienne
Laya Djonabaye

Copie :
 Secrétaire Général de l’Organisation des Nations-Unies ;
 Président de la Commission de l’Union Africaine ;
 Membres de la Commission Paix et Sécurité de l’Union Africaine ;
 Membres des OSC et de la diaspora des pays membres de la CEEAC