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Djibouti – Ambiance de fin de règne

D 18 février 2010     H 16:04     A Pierre Sidy     C 0 messages


Début 2009 encore, Ismail Omar Guelleh (IOG), président
autoritaire de Djibouti, devait s’imaginer son avenir politique
tel un long fleuve tranquille. Comme d’autres pairs en
Afrique, il s’est échafaudé un projet de prolongation de mandat,
antichambre d’une présidence à vie.

La répression fait partie du projet : citons celle de trois
étudiants arrêtés puis emprisonnés à la suite de manifestations et
celle d’une artiste placée en détention à la prison de Gabode pour
une chanson se moquant de Kadra Mahmoud Haïd, l’influente
épouse d’IOG. Pendant ce temps, le schéma d’un appel à un
plébiscite préélectoral vers une adaptation constitutionnelle est
apprêté : les « militants » du parti d’IOG (le RPP / Rassemblement
populaire pour le progrès) tentent de démontrer que le pays entier
exige un nouveau mandat du président alors qu’il en est à son
second et n’est rééligible qu’une fois selon l’article 23 de la
Constitution. Des candidatures à cette présidentielle sont alors
opportunément annoncées… Ambitions personnelles ? Connivences
avec le « système IOG » ? On se perd en conjecture…
À Djibouti, les partis d’opposition et la société civile sont
muselés voire (pour beaucoup) interdits. Les leaders politiques sont
spoliés de leurs biens et/ou exilés, les syndicalistes privés d’emploi,
la presse indépendante inexistante… Si les précédentes élections
ont donné lieu à un appel au boycott de l’opposition, celle-ci
semble ne pas accepter un nouveau mandat pour IOG. Une
résistance multiforme a grandi dès lors qu’IOG a susurré ses
intentions de se maintenir à tout prix ! Acculé, le régime recourt à
la provocation tribale afin d’augmenter les tensions au sein de la
population et de terroriser les habitants : jets de grenades
explosives, incendies de maisons et d’édifices publics, inimitiés
organisées volontairement entre les habitants de différentes
ethnies et de différents quartiers, pour déclencher des réactions
de groupe, tirs à balles réelles, arrestations, incarcérations et
tortures de centaines de citoyens, rumeurs sur l’ordre du Palais
par les agents des polices politiques.
IOG est d’ailleurs obnubilé par les questions de sécurité :
gros déploiement des services de la sécurité, de la Garde
présidentielle voire de la Force d’action rapide, comme quand il
réunit des fois chez lui à Day dans le Nord, par exemple,
l’ensemble de son conseil des ministres. Consignes : surveiller la
région, interroger tout nouvel arrivant et surtout signaler à
l’armée et aux éléments de la Garde présidentielle les
personnes étrangères à la région, ainsi que tous les
comportements suspects. Les résistants aguerris, eux, gagnent
du terrain tandis que l’entourage présidentiel se fissure de plus
en plus. Depuis juin, les combattants du FRUD (Front pour la
restauration de l’unité et de la démocratie) dament le pion dans
le Nord et le Sud-Ouest à l’armée djiboutienne pourtant dotée
en armes et matériels (dont des hélicoptères MI8) nouveaux, la
font reculer et recrutent massivement dans la jeunesse.
Dans les sphères dirigeantes, les défections se multiplient, à
l’image de la disgrâce de l’homme d’affaires Abdourahman
Boreh (cigarettes et béton), désormais traqué par le fisc mais
qui se trouve être un Issa-Odahgob, du sous-clan concurrent
des Issa-Mamassan d’IOG. Dans ce mic-mac politico-affairiste,
les protégés (civils et militaires) de la première dame s’activent
à virer tout ce qui les gêne. D’un autre côté, des démarcations
politiques de ténors ont lieu, pour ne citer que celle du député
Aden Robleh Awaleh, membre par ailleurs du parlement
panafricain : le congrès de son parti (PND / parti national
démocratique) vient d’affirmer son opposition à un troisième
mandat d’IOG. Dans cette ambiance de fin de règne, l’espoir de
libération pour la population réside fortement dans une fusion
entre les forces politiques civiles progressistes représentatives
et la fraction armée du FRUD.
À suivre de près les urgences françafricano-djiboutiennes
évoquées lors de la rencontre Sarkozy-IOG du 19 janvier :
apaisement du contentieux inhérent à l’Affaire Borel, nouveau
partenariat de défense pour remplacer l’accord de 1977, soutien
à la transition somalienne mais aussi aux offensives antipirateries
(Corne de l’Afrique) et anti-terroristes (Yémen).
Djibouti reste un bastion fort pour la Françafrique malgré les
nouvelles installations françaises à Abu Dhabi. Pour autant,
celle-ci abondera-t-elle pour le « Troisième mandat » qui serait
hors-sujet, malgré tout, pour des USA soutenant déjà fortement
des défections politiques locales ?

Pierre Sidy