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Qu’est - ce donc la Somalie ?

D 18 août 2012     H 05:08     A Ardo Mako     C 0 messages


Pour expliquer les origines du chaos actuel de la Somalie, il
nous faut d’abord comprendre le système colonial et ses
stratégies. Car la Somalie est la preuve concrète des
conséquences de la colonisation (le partage de l’Afrique et
l’éparpillement d’un peuple nomade). L’autre problème de la
Somalie est une aliénation intellectuelle : l’ethnisme. Nous
pensons que la situation de la Somalie est liée à l’incapacité du
peuple Somali à se fixer sur un territoire (puisqu’il est composé
de nomades) et en tant que peuple.

La Somalie fut colonisée par les Ethiopiens d’Aksoum (IIe et VIIe
siècle), puis par les Arabes (IXe siècle), rejoint par les Iraniens les
Turcs et endin au XIXe siècle par les Européens. Le Somaliland,
située au Nord de l’actuelle Somalie, devint alors un protectorat
britannique en 1887. La partie appelée à l’époque la Somalie
(colonie italienne dès 1889) est intégrée en 1936 dans l’empire
colonial de l’Africa Orientale Italiana. Elle accède à l’indépendance
le 1er juillet 1960, en tant que Somalie unie (les ex-colonies
britannique et italienne ensemble).

En 1969, le général Syad Barré prend le pouvoir, soutenu par l’URSS, et prône le nationalisme. Il poursuit la stratégie des ex-puissances coloniales
en s’appuyant sur les ethnies. Promotions et privilèges pour les
uns et marginalisation pour les autres. Ainsi, dès les années
1970, les clans évincés du pouvoir engagent une lutte armée
contre le régime. Le dictateur ressort alors le projet de la
« grande Somalie » ( qui engloberait en plus de la Somalie
britannique et italienne, l’Ogaden en Ethiopie, le Nord du Kenya,
et Djibouti).

Définir la société Somalie ?

Une langue (somalie). Oui, mais une langue survivante de
l’égyptien-ancien ( maintenant le copte selon les travaux du
linguiste anglais Charles Barber) et donc une langue proche de
l’arabe. Mais aussi une langue couchitique (afro-asiatique). Une
langue swahilie (langue bantoue) parlée au Kenya, Ouganda,
Tanzanie.

Une religion musulmane – présente au pays dès le IXe
siècle du calendrier chrétien, d’ailleurs certaines ethnies somalies
prétendent descendre directement du prophète - mais aussi des
croyances africaines traditionnelles. Une culture indo-araboafricaine…

Un territoire. Aujourd’hui éparpillé entre Djibouti,
l’Ethiopie (région de l’Ogaden), le Nord du Kenya, le Somaliland
et la Somalie, les cinq parties que représente l’étoile sur le
drapeau somalien.

Un peuple. Mais un peuple xénophobe. Chez
nous les Somalis, la supériorité sur les autres Africains est une
certitude. Nous sommes des Arabes. Nous sommes aussi
Africain puisque Noir. Une (autre) filiation est épisodiquement
revendiquée avec les Indiens. Mais alors que sont donc les
Somalis ? Des schizophrènes !

Selon certains historiens, les Somalis sont venus du Sud de l’Inde
(des chercheurs d’or) et se sont établis dans la Corne d’Afrique
alors habitée par des bantoues. Ils seraient rejoints plus tard par
des Arabes ( Egyptiens, Yéménites). L’encyclopédie Britannica
écrira : « Le pays de Punt était sacré pour les Égyptiens en tant
que source de leur race. »

Selon l’historien grec Diodore de Sicile, dans son livre
« Bibliothèque Universelle » suite à une crise politique en Egypte
et l’infiltration des peuples euro-asiatiques en Egypte, au VIème
siècle avant Jésus Christ, plus de 200.000 habitants de l’Egypte
ancienne ont quitté leur pays se dirigeant au Sud du Nil, en
direction de l’Éthiopie, en Afrique de l’Est (l’actuelle Somalie,
Ethiopie, Djibouti etc...).
Enfin, une partie des Somalis se revendique africaine (comme les
Antillais) et s’indigne de la survivance des stratégies coloniales.

En fait, ce complexe de supériorité existe depuis longtemps chez
les Somalis : noble, « race pure »... Les colonisateurs (Anglais,
Italiens) et le dictateur Syad Barré l’ont encouragé pour asseoir
leur pouvoir en appliquant ce conseil : « S’il ya des moeurs et des
coutumes à respecter, il ya aussi des haines et des rivalités qu’il
faut démêler et utiliser à notre profit, en opposant les unes aux
autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les
autres. » C’est ce qu’avait dit le Maréchal Louis-Hubert Lyautey, à
propos du Maroc, pays qu’il soumettait à la colonisation.

Les Somalis sont divisés en Dir (Gadabuursis, Issack et les
Bimaal), Hawiye et Darod. Dans la Somalie italienne, les Darods
(la population la plus grande en nombre) se définissent comme
guerriers et nobles et qui, selon eux-mêmes, seraient des
descendants du prophète ; et les Hawiye, agriculteurs sont
perçus comme « inférieurs ». En Somalie du Nord, les
Gadabuursis, les Isaaqs et les Darods ( dans la région du
Puntland actuellement autonome) cohabitent. Ce n’est cependant
qu’une entente pacifique et pragmatique. A la chute du régime de
Syad Barré, en 1991, les Somalis du Nord ont dû faire face à la
réalité : ils pouvaient continuer à se faire la guerre ou alors faire
scission et rétablir l’ancienne Somalie britannique, sans l’excolonie
italienne. La deuxième solution fut choisie mais les
Darods, refusant d’accepter l’exercice du pouvoir par des tribus
« inférieures », décidèrent l’autogestion de leur région le
Puntland. En paralysant ainsi la reconnaissance du Somaliland,
en attendant que les Darods du Sud arrivent à neutraliser les
Hawiye ; que l’Ogaden acquière son indépendance. Eh oui, le
rêve de la grande Somalie est toujours le but final. C’est pour
cela aussi que l’Ethiopie et Djibouti s’opposent à l’Etat du
Somaliland (qui soutiendrait automatiquement les
indépendantistes Ogaden).

En fait avec l’exil, nous avons connu les discriminations et le
racisme ( en Occident et dans les pays arabes ) et compris que
nous étions ignorants, aliénés. La diaspora somalie lutte contre
l’esprit de clan et son complexe de supériorité … l’avenir de la
Somalie en dépend pour la réconciliation nationale.

Ardo Mako