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SOMALIE : La décision d’une banque américaine souligne l’importance des transferts de fonds

D 22 janvier 2012     H 05:03     A IRIN     C 0 messages


SOMALIE - Selon des sources locales et internationales, le bien-être des centaines de milliers de Somaliens qui dépendent de l’aide financière de la diaspora est menacé à la suite de la décision d’une banque américaine de fermer les comptes des entreprises somaliennes de transfert d’argent avant le 30 décembre.

Les Somaliens de la Somalie et de la diaspora ont été consternés par la décision de la Sunrise Community Bank. Selon eux, les sociétés de transfert de fonds constituent une bouée de sauvetage pour les millions de Somaliens qui dépendent des transferts de fonds pour leur subsistance.

« Après les souffrances endurées à cause de la famine et du conflit, l’interruption de ce service équivaut à une condamnation à mort pour [de nombreux] Somaliens », a dit à IRIN Ilmi Gedi, qui dirige la société de transfert d’argent Qaran (l’une des plus importantes de Somalie). « Si la fermeture a lieu comme prévu, ce ne sont pas seulement les familles qui recevaient de l’argent qui en seront affectées, mais également les personnes déplacées par la sécheresse et la famine qui étaient jusqu’à présent supportées par d’autres Somaliens ».

Laura Hammond, maître de conférence à l’École des études orientales et africaines (SOAS), située à Londres, a dit que le problème était grave s’agissant [des transferts d’argent depuis] Minneapolis (la plus grande ville du Minnesota, qui accueille entre 60 000 et 80 000 Somaliens), mais qu’il se pouvait qu’il n’affecte pas sérieusement les envois de fonds depuis le reste des États-Unis.

Toutefois, selon Mme Hammond, si d’autres banques américaines décident de faire de même et de fermer leurs portes aux sociétés de transfert de fonds somaliennes, la situation risque de devenir très grave.

« La diaspora est l’une des principales bouées de sauvetage [pour les personnes qui se trouvent] dans les zones touchées par la famine. Son soutien est plus efficace que celui de la plupart des organisations d’aide humanitaire parce qu’elle est capable de fournir des fonds à ceux qui en ont besoin de manière presque instantanée », a-t-elle dit. « Les organisations d’aide humanitaire ont une expertise technique, mais elles ne peuvent concurrencer la diaspora lorsque vient le temps d’acheminer rapidement l’argent là où il est nécessaire ».

« L’une des ironies les plus cruelles de cette famine, c’est que les régions les plus durement touchées sont aussi celles qui sont les plus sujettes aux conflits. Ce sont donc précisément les régions qui rendent les banques nerveuses qui ont le plus besoin des fonds qu’elles accordent », a ajouté Mme Hammond.

Énorme impact

On estime entre 1,3 et 2 milliards de dollars le montant total des envois de fonds que reçoit chaque année la Somalie depuis le reste du monde, a dit Mme Hammond.

« Lors d’une année ’normale’, environ 10 pour cent de ce montant va aux ’contributions collectives’, c’est-à-dire à l’aide et au développement. Les années où il y a urgence, le montant des transferts de fonds augmente - de combien, on l’ignore - tant pour les bénéficiaires individuels que pour les organisations locales qui s’occupent des camps pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), des centres de nutrition, etc. », a-t-elle dit.

L’impact d’une telle fermeture sera surtout ressenti en Somalie, où environ quatre millions de personnes ont besoin d’assistance, selon les Nations Unies. Trois millions d’entre elles se trouvent dans le sud de la Somalie, dont 250 000 dans des régions touchées par la famine et dont la population risque de mourir de faim.

Madino Ji’ale Farah, une grand-mère de 60 ans qui habite Mogadiscio, a dit à IRIN qu’elle et 13 membres de sa famille élargie vivaient grâce aux 200 dollars mensuels que leur envoie l’un de ses enfants.

« Nous n’avons aucun autre revenu à l’exception du montant que nous envoie notre fille chaque mois. Nous survivons grâce à cet argent, et si nous cessons de le recevoir, nous n’avons aucune autre ressource », a dit Mme Farah. « Nous serions alors contraints d’aller dans les camps [pour les réfugiés et les personnes déplacées] ou de mendier ».

Elle a ajouté que sa fille l’avait avertie qu’elle ne pourrait peut-être pas envoyer d’argent le mois prochain.

Abdisalam Abdinur, un père de cinq enfants, dépend des 200 dollars que son fils de 21 ans lui envoie depuis Minneapolis. « Si ça s’arrête, nous n’avons aucune autre ressource qui nous permette de vivre ».

M. Abdinur a dit à IRIN que l’interruption des transferts de fonds rendrait la plupart des Somaliens dépendants des distributions de vivres. « Nous devons déjà attendre de longues heures pour les distributions de vivres. Pourquoi ajouter à nos malheurs ? C’est très cruel. Peut-être veulent-ils nous voir tous mendier ? »

Dans un communiqué publié le 27 décembre, la Somali American Money Services Association (SAMSA) a exprimé ses préoccupations face à la décision de la Sunrise Community Bank de fermer les comptes de ses membres. On estime à plus de 100 millions de dollars le montant transféré en Somalie depuis les États-Unis par l’intermédiaire de SAMSA au cours d’une année moyenne.

Inquiétude des travailleurs humanitaires

Le 23 décembre, Oxfam Amérique et le Comité américain pour les réfugiés (ARC) ont publié une déclaration pour dénoncer la décision de la Sunrise Bank.

« Ils ont choisi le pire moment pour mettre fin à ce service. Dans le contexte actuel de famine, l’interruption des transferts de fonds pourrait avoir des conséquences désastreuses », a indiqué Shannon Scribner, responsable de la politique humanitaire pour Oxfam Amérique, dans la déclaration.

Elle a exhorté le gouvernement américain à garantir aux banques « qu’il n’y aurait aucune conséquence légale pour les établissements qui décideraient d’offrir ce service aux Somaliens qui en ont besoin ».

Selon Ken Menkhaus, expert de la Somalie et professeur associé au Davidson College, en Caroline du Nord, « la famine de 2011 en Somalie aurait été bien pire si les membres de la diaspora somalienne ne s’étaient pas mobilisés comme ils l’ont fait pour envoyer de l’argent à leur famille élargie et aux organismes de bienfaisance locaux - et tous ces transferts de fonds ont été faits par l’intermédiaire du système ’hawala’ ».

La SAMSA a indiqué que les opérateurs de transferts d’argent étaient, de loin, les principaux facilitateurs de l’aide et du développement en Somalie. « Outre les Somaliens démunis, le gouvernement somalien, les organisations non gouvernementales (ONG) internationales, les Nations Unies et l’USAID utilisent les opérateurs de transfert de fonds pour réaliser leurs interventions en Somalie ».

La SAMSA a ajouté que ses membres respectaient la législation et la réglementation en vigueur aux niveaux étatique et fédéral, et notamment les dispositions pertinentes de la loi relative au secret bancaire et de la loi antiterroriste Patriot Act.

Source : http://www.irinnews.org