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Les combats au Soudan du Sud font des dizaines de morts et de nombreux déplacés

D 13 janvier 2014     H 05:07     A IRIN     C 0 messages


JUBA - Selon les autorités, les combats qui se sont déroulés pendant quatre jours à Juba, la capitale du Soudan du Sud, à la suite de ce que le gouvernement à qualifié de « tentative de coup d’État manquée », ont fait des dizaines de morts et bien plus de blessés et ont poussé des milliers de personnes à fuir.

Au cours des trois derniers jours, près de 20 000 personnes ont cherché refuge dans les deux complexes des Nations Unies de Juba. Selon Toby Lanzer, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies et coordonnateur résident et humanitaire au Soudan du Sud, leur nombre était évalué à 10 000 dans la précédente estimation.

Les combats ont éclaté le 15 décembre, lorsque des soldats fidèles à l’ancien vice-président Riek Machar auraient attaqué le quartier général de l’armée d’Al Giada, à la périphérie de Juba, a dit le président Salva Kiir lors d’un discours à la nation prononcé le 16 décembre.

Les violences se sont vite étendues dans tout Juba, dont les rues fourmillaient de membres des forces de sécurité.

Selon un article publié le 18 décembre par le Sudan Tribune, M. Machar a nié être impliqué dans le coup d’État présumé. « Il n’y a pas eu de coup d’État. Ce qui s’est passé à Juba est un malentendu entre membres de la garde présidentielle, au sein de leur unité. Ce n’était pas une tentative de coup d’État. Je n’ai aucun lien ou connaissance d’une quelconque tentative de coup d’État », a-t-il dit, en ajoutant que ses collègues qui ont été arrêtés et lui-même étaient persécutés sans raison. Plusieurs hauts fonctionnaires sud-soudanais ont été arrêtés dans le cadre de cette présumée tentative de coup d’État. [ http://www.sudantribune.com/spip.php?article49230 ]

Victimes de la violence

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), des centaines de personnes ont aujourd’hui un besoin urgent de soins médicaux par suite des affrontements.

« Des milliers de civils, dont des femmes et des enfants, ont quitté leur foyer pour se mettre en sécurité, en emportant le minimum avec eux. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) apporte son soutien aux deux principaux hôpitaux de la ville, de façon à ce qu’ils puissent faire face à l’afflux important de blessés », a rapporté le CICR le 17 décembre. [ http://www.cicr.org/fre/resources/documents/news-release/2013/12-17-south-sudan-humanitarian-situation-juba.htm ]

« Plus de 300 personnes ont été admises à l’hôpital universitaire [et] à l’hôpital militaire de Juba ces deux derniers jours. Le CICR et la Croix-Rouge du Soudan du Sud leur ont remis assez de matériel de pansement et d’autres fournitures médicales faisant cruellement défaut pour qu’ils puissent prendre en charge jusqu’à 500 personnes. »

La porte-parole du CICR, Cynthia Lee, n’a pas confirmé à IRIN si l’organisation avait pris en charge des blessés par balle, mais elle a dit que toutes les blessures observées dans les deux hôpitaux étaient liées aux affrontements. Elle a ajouté que le personnel médical de l’hôpital universitaire de Juba avait déjà pratiqué plus de 70 interventions chirurgicales d’urgence.

Selon le sous-secrétaire du ministère de la Santé, Makur Matur Kariom, qui travaille à l’hôpital universitaire de Juba, « il y a une grande affluence, mais c’est gérable ». La plupart des patients qui consultent sont des civils.

Au moins 26 patients sont morts à l’hôpital et la situation de ceux qui n’ont pas accès aux centres de santé pour consulter est inquiétante. « Nous ne savons pas combien de personnes sont mortes hors de l’hôpital », a dit M. Kariom.

Au matin du 17 décembre, un autre centre médical de l’un des complexes des Nations Unies a signalé avoir soigné 39 patients, dont cinq enfants.

Selon Joseph Contreras, porte-parole pour la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (UNMISS), l’organisation tente de soigner le plus de personnes possible, mais seules les personnes qui parviennent à se rendre au complexe peuvent bénéficier de ses soins.

Le 17 décembre, Awut Deng Acuil, la ministre du Genre et du Développement social, a appelé la population à donner du sang pour aider les blessés.

Obligés de fuir

Des femmes et des enfants ont installé des campements sous les rares arbres de l’enceinte de la cathédrale de Juba.

Sebit Albino a dit que des affrontements avaient éclaté dans son voisinage tard dans la nuit du 15 décembre. À l’aube, elle a fui avec 18 membres de sa famille et parcouru en courant une bonne partie des 10 km qui les séparaient de la cathédrale, où ils ont passé la nuit du 16 décembre.

« C’est difficile, parce que le froid nous gêne et nous avons laissé nos bagages. Même obtenir quelque chose à manger est très difficile », a dit Mme Albino.

Les responsables de la sécurité ont dit qu’ils essayent de contenir les poches de violence dans toute la ville pour permettre aux habitants de rentrer chez eux.

Mais certains ne savent pas ce qui les attend chez eux.

Abraham Kolnyin vivait au quartier général d’Al Giada avec son cousin officier. Il a dit que les tirs avaient commencé en fin de soirée le 15 décembre, mais il ne sait pas ce qui a provoqué les combats. Il a ajouté qu’il avait essayé de s’enfuir en courant, mais que les affrontements étaient trop intenses. Il s’est donc caché sous son lit pendant presque toute la soirée.

À l’aube du 16 décembre, il s’est enfui en pyjama. Quand les affrontements se sont éloignés du quartier général, il y est retourné et a trouvé ses vêtements en lambeaux et ses possessions détruites. « Je n’ai rien d’autre que mon lit. Je n’ai jamais rien vu de tel », a dit M. Kolnyin.

Crainte des violences ethniques

Les évènements du 15 décembre ont peut-être été le point culminant des tensions croissantes au sein du Mouvement de libération du peuple soudanais (MLPS), le parti au pouvoir. En juillet, M. Kiir avait limogé M. Machar et plusieurs membres de son cabinet.

Depuis qu’il a été démis de ses fonctions, M. Machar a dit à plusieurs reprises qu’il prévoyait de disputer à M. Kiir la direction du MLPS. Début décembre, il avait dénoncé, avec d’autres hauts membres du MLPS, les « tendances dictatoriales » de M. Kiir dans sa conduite du MLPS.

Jok Madut Jok, directeur de l’institut Sudd, un groupe de réflexion local, a dit que, bien qu’il pensait que les combats concernaient au départ des questions de loyauté politique, « on peut réellement craindre que la situation continue ainsi et qu’elle prenne même une dimension tribale si elle se prolonge ».

M. Kiir appartient au groupe ethnique majoritaire Dinka et M. Machar fait partie de l’ethnie Nuer. M. Jok s’est montré inquiet de la possibilité que des affrontements éclatent entre ces deux groupes ethniques dans tout le pays.

Des chefs religieux ont souligné ces craintes de conflit ethnique dans une déclaration le 17 décembre.

« Il y a un problème politique entre les dirigeants au sein du SPLM. Cela ne devrait pas être transformé en problème ethnique. Malheureusement, sur le terrain [le conflit] devient tribal. Cette situation doit être désamorcée d’urgence avant qu’elle ne s’étende. Les leaders politiques doivent se réconcilier », a dit l’archevêque Paulino Lukudu Loro au nom de plusieurs chefs religieux qui se sont proposés comme médiateurs de la crise.

« La façon dont cet incident est géré aura un effet sur l’avenir de notre nation, qu’il soit positif ou négatif, à la fois intérieurement et en ce qui concerne les relations internationales. »

Plus tôt cette semaine, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, s’est montré profondément préoccupé « par les informations faisant état de combats entre les membres de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et par les risques d’une violence ciblée contre certaines communautés ».

« Il est essentiel que le Gouvernement garantisse la sécurité de tous les civils, quelle que soit leur communauté d’origine », a-t-il dit dans une déclaration. [ http://www.un.org/News/fr-press/docs/2013/SGSM15546.doc.htm ]

Le 17 décembre, le président de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a exhorté « le gouvernement, les dirigeants du Soudan du Sud et toutes les autres parties prenantes à faire preuve d’un maximum de retenue et à éviter toute nouvelle escalade ». [ http://www.peaceau.org/uploads/auc-southsudan17.12.2013.pdf ]

Réponse

Toujours le 17 décembre, à la sortie d’une réunion du Cabinet convoquée d’urgence, Mawien Makol Arik, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a dit que l’armée pensait maintenant avoir la situation sous contrôle, même si des combats sont encore signalés à la périphérie de Juba.

L’aéroport de Juba, qui a été fermé, devrait reprendre ses activités, selon un communiqué du gouvernement daté du 18 décembre dans lequel le porte-parole du gouvernement et ministre de l’Information et des Télécommunications, Micheal Makuei, a appelé les « fournisseurs d’eau, boulangeries et autres prestataires de services essentiels » à reprendre le travail. [ http://reliefweb.int/report/south-sudan-republic/juba-airport-re-open-wednesday ]

M. Makuei a également exhorté les déplacés à rentrer chez eux.

Mais le couvre-feu reste en vigueur dans toute la ville et la plupart des rues principales de Juba sont ponctuées de postes de contrôle.

Réfutant les affirmations selon lesquelles le groupe ethnique Nuer serait pris pour cible à Juba, le gouverneur de l’État d’Unité, Simon Kun Pouch, a dit dans le communiqué du gouvernement : « De nombreuses personnes disent que ce qui s’est produit est un différent entre les Dinka et les Nuer. Nous, les dirigeants de ce pays, voulons déclarer ici que ce n’est pas vrai ». Certaines personnes soutenant M. Machar sont des Dinka, d’autres sont des Chol, des Nuer, ou des membres d’autres tribus, a-t-il dit.

Le Soudan du Sud s’emploi par ailleurs à contenir un conflit ethnique qui dure depuis longtemps dans l’État du Jonglei et qui a fait des milliers de morts et entraîné des déplacements massifs de populations (voir le rapport d’IRIN sur le Jonglei). [ http://www.irinnews.org/fr/report/94849/soudan-du-sud-rapport-sur-les-violences-dans-le-jonglei ]