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SOUDAN-SOUDAN DU SUD : La lutte des déplacés d’Abyei pour survivre

D 17 avril 2012     H 05:27     A IRIN     C 0 messages


ABOTHOK - Près d’un an après avoir fui les combats à Abyei, une région contestée, située sur la frontière qui sépare le Soudan du Sud du Soudan, des milliers de civils s’efforcent de se débrouiller dans des villages comme celui d’Abothok au Soudan du Sud.

L’administrateur local d’Abothok, Kat Kuol, travaille dans sa maison de terre où il a son bureau. Selon lui, la population du village est passée à 10 000 suite à l’afflux en mai 2010 de 6 000 personnes originaires d’Abyei, quand les troupes soudanaises ont occupé la région.

« C’est vraiment difficile ici, car les gens qui se sont enfuis n’ont ni nourriture ni logement. Tous les stocks alimentaires et ce que les Nations Unies fournissaient sont désormais épuisés, » a t-il indiqué.

L’occupation par le Soudan a poussé plus de 100 000 Dinka Ngok, les principaux habitants permanents de la région, à fuir vers le sud. Les troupes soudanaises sont restées à Abyei, malgré l’accord de septembre leur intimant de partir. Quelque 3 800 soldats de la Force de sécurité intérimaire des Nations Unies pour Abyei (UNISFA) sont également déployés dans la région.

« Les gens d’ici n’avaient déjà que peu de nourriture et d’espace et quand leurs parents [d’Abyei] sont arrivés, ils ont tout utilisé ; puis les bêtes ont été vendues contre de la nourriture, » a expliqué Kat Kuol.

Selon la dernière mise à jour sur Abyei [ http://www.smallarmssurveysudan.org/facts-figures-abyei.php ] publiée par le Small Arms Survey, un groupe de recherche basé à Genève, quelques milliers de Dinka Ngok sont revenus dans la région, mais le mouvement est fluide et beaucoup de gens font des aller-retours, afin d’évaluer l’état de leurs biens et celui de la sécurité.

L’imminence des pluies signifie « qu’il y a peu de chances qu’on assiste à des retours massifs avant la prochaine saison sèche en octobre-novembre 2012, » explique la mise à jour, en rappelant que ce genre de mouvement de population dépend aussi du retrait des forces soudanaises.

Dans le village de Nyintar, près d’Abothok, Aciei Lual, une personne déplacée, a fait remarquer qu’en Abyei, elle faisait pousser du maïs, du sorgho, des arachides et des haricots pour nourrir sa famille et qu’elle gagnait environ 30 dollars en vendant ce qui restait.

Depuis qu’elle s’est enfuie, elle dit avoir nourri ses sept enfants avec du lalop, un petit fruit amer et ce que lui donnent gentiment certains villageois.

Andrea Anselmi, une des responsables (« déléguée pour la sécurité économique ») du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué que ces villages étaient confrontés à d’énormes pénuries de nourriture. « Presque tous les habitants [d’Abyei] sont partis vers le sud. la plupart d’entre eux n’ont donc pas pu faire de cultures l’an dernier ; ils n’ont donc pas eu de récoltes ou n’ont pas actuellement de semences pour cultiver quoi que ce soit cette année. J’ai demandé s’ils avaient eu une récolte et seules quelques femmes - mais pas plus de 20 ou 30 sur quelque 220 familles - m’ont répondu que oui. »

Les options de survie sont limitées

La plupart [des déplacés] ont pu compter sur l’aide de leur famille ou sur la générosité d’inconnus, mais maintenant que la saison des pluies arrive et que les stocks sont épuisés, les options de survie dans ces villages se font rares.

« Ils pêchaient mais en ce moment la rivière est presque à sec. Ils se nourrissent de légumes et de fruits sauvages et dans beaucoup d’endroits ils ramassent du bois et font du charbon de bois qu’ils vendent sur le marché, » a dit Mme Anselmi en parlant de la communauté des déplacés, qui comprend beaucoup de femmes récemment devenues veuves.

Mme Lual a raconté que son beau-frère avait été abattu alors que la famille s’enfuyait et qu’elle est trop traumatisée pour retourner à Abyei tant qu’il n’y aura pas la paix.

« J’ai vu des gens tomber de tous les côtés. et je ne pouvais pas dire s’ils étaient morts ou juste blessés. Je ne pouvais que prier Dieu que ce ne soit pas encore mon heure, » a t-elle dit.

« Après ce que j’ai vu à Abyei, je ne suis pas prête à retourner là-bas »

Elle reconnaît que sa famille est totalement dépendante de ce qu’elle peut cultiver et que « s’il n’y a pas de semences, [ils] ne pourron[t] pas vivre. »

L’assistance du CICR

Le CICR a distribué semences et outils à plus de 2 300 familles dans 15 villages proches d’Abyei , dans un effort pour aider quelque 15 000 habitants et personnes déplacées à reconstruire leur vie.

L’organisation a également distribué des demi-rations de céréales de base, d’huile et de sucre pendant une période pouvant aller jusqu’à trois semaines, afin d’éviter que les gens ne mangent leurs semences de légumes et de céréales et afin de leur donner l’énergie de planter.

Aciei Arop, dont la famille, composée de cinq membres, a survécu avec une tasse de sorgho par jour, dit qu’elle peut maintenant commencer à reconstruire sa vie.

« Cela va changer ma vie de pouvoir cultiver quelque chose. Quand la récolte sera là, j’aurai une variété d’aliments à manger à la maison, et le reste, je pourrai le vendre et ça va me sauver la vie, » a t-elle déclaré, en ramenant lentement les sacs de mais et de sorgho chez elle, tandis que d’autres surveillaient ses précieuses semences.

« Avec tout ce que j’ai maintenant, c’est sûr que je peux me faire à manger moi-même. Je suis prête à aller faire mes cultures, » a t-elle dit.

Mme Arop a fait remarquer que bien des membres de sa famille sont encore manquants depuis que la famille a entendu des coups de feu et s’est enfuie ; tant qu’elle n’est pas certaine que cela est bien fini, elle restera à Nyintar.

A Abothok, Amou Manyuol a dit qu’elle voulait rentrer à Abyei, où il y avait suffisamment d’eau potable et de nourriture pour tout le monde, malgré le fait qu’elle a perdu trois frères là-bas.

« Mes trois frères ont été tués durant notre fuite. Nous quittions juste la maison quand la bombe a atterri au milieu de nous et ils ont été tués sur le coup.

« Notre vie d’avant à Abyei était une bonne vie et maintenant nous souffrons. Nous dépendons des secours d’urgence d’organisations comme le CICR, » a t-elle indiqué. Et une partie des centaines d’autres femmes qui attendaient les distributions alimentaires se sont massées autour d’elle et ont approuvé de la tête.

SOURCE : http://www.irinnews.org