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SOUDAN : La présence de mines aggrave l’insécurité dans le Sud

D 16 juin 2011     H 13:32     A IRIN     C 0 messages


JUBA - Selon des travailleurs humanitaire, les affrontements entre l’armée sud-soudanaise et une multitude de mouvements d’opposition armés limitent considérablement la capacité des organisations humanitaire à venir en aide aux populations vulnérables.

Dans l’État d’Unity, qui produit beaucoup de pétrole, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) lutte contre les forces loyales à Peter Gadet, un ancien commandant de l’APLS qui a rejoint l’armée après avoir dirigé une milice soutenue par le gouvernement de Khartoum pendant la guerre civile entre le Nord et le Sud et lancé une nouvelle rébellion au mois d’avril. Ces affrontements ont fait plusieurs victimes parmi les civils.

Les responsables des Nations Unies s’inquiètent de l’installation de nouvelles mines antipersonnel. Tim Horner, directeur adjoint du Bureau de la lutte antimines des Nations Unies au Sud-Soudan, a dit à IRIN le 4 juin que son organisation avait constaté une augmentation du nombre « d’incidents et d’accidents liés aux mines » au cours des six derniers mois. Même s’il reconnaît qu’il est impossible de déterminer avec certitude si ces incidents, qui se sont produits dans la grande région du Haut-Nil, une région pétrolière située dans le sud du pays, sont dus à l’installation de « nouvelles mines », il estime que les données empiriques vont aussi dans ce sens.

« C’est dommage, car nous avons fait beaucoup de progrès dans la lutte antimines au cours des six dernières années », a dit M. Horner.

Le Soudan est partie au traité d’interdiction de 1997, qui interdit l’emploi, le stockage, la production et le transfert de mines antipersonnel.

Le 26 avril, les Nations Unies ont publié des conseils de sécurité pour les déplacements sur les routes principales traversant les départements de Mayom et d’Abiemnom, dans l’État d’Unity « à cause de la présence présumée de mines antipersonnel ».

Le 12 mai, la route entre Bentiu, la capitale de l’État, et Thar Jath, qui possède une piste d’atterrissage appartenant à une compagnie pétrolière privée qui est également utilisée pour des vols commerciaux, a été classée dans la catégorie 4, ou « zone interdite », après que deux camions-citernes de la compagnie pétrolière et un camion de marchandises ont « explosé sur trois mines antipersonnel », selon un rapport des Nations Unies. Le rapport a par ailleurs indiqué que la zone avait été classée dans une catégorie supérieure « compte tenu de certaines indications selon lesquelles de nouvelles mines y étaient installées ».

Au cours des deux derniers mois, les rapports de sécurité des Nations Unies ont signalé un certain nombre d’incidents. Selon l’un de ces rapports, un jeune garçon du département de Mayom aurait marché sur une mine le 17 mai dernier et perdu ses deux pieds.

« Depuis le mois de janvier, l’installation de mines entrave sérieusement l’accès humanitaire », a dit Lise Grande, coordonnatrice des opérations humanitaires des Nations Unies au Sud-Soudan. « Des mines sont installées dans les zones où les milices rebelles sont actives », a-t-elle ajouté. Des organisations d’aide humanitaire ouvrant dans l’État d’Unity ont dû cesser toute activité. Selon le Bureau de la lutte antimines des Nations Unies, six incidents se sont produits au cours des deux premières semaines de mai seulement dans cet État.

« À la fin avril, le début des combats dans le département de Mayom a affecté notre capacité à mener à bien notre programme ambulatoire d’alimentation thérapeutique. À la mi-mai, nous n’avons eu d’autre choix que de cesser toute opération à l’extérieur de Bentiu après avoir appris que des mines antipersonnel avaient été installées sur plusieurs routes que nous empruntons généralement pour aller soigner des enfants qui souffrent de malnutrition sévère », a dit Gautam Chatterjee, de Médecins Sans Frontières au Sud-Soudan.

Pris pour cibles

Dans son rapport trimestriel, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a signalé que l’accès humanitaire s’était considérablement détérioré au cours des derniers mois. Parmi les problèmes les plus souvent cités par les partenaires humanitaires de l’OCHA, on compte notamment « la réquisition de véhicules humanitaires et les demandes d’utilisation du matériel humanitaire par l’APLS ».

Plusieurs cas de « violences contre le personnel, les installations et le matériel [humanitaires] » sont également détaillés dans le rapport de l’OCHA. Les « menaces et les agressions à l’encontre du personnel, du matériel et des installations humanitaires - tant par les services de sécurité que par les autorités locales - » ont été le type d’incident le plus fréquemment signalé à l’OCHA au cours du premier trimestre de 2011.

L’agence a indiqué que les incidents les plus graves s’étaient produits dans l’État de Lakes, où « des militaires de l’APLS ont réquisitionné six véhicules humanitaires et forcé cinq chauffeurs à se rendre dans une zone de l’État d’Unity où des combats ont éclaté. Le sort de deux chauffeurs est demeuré inconnu pendant deux semaines et des rapports ultérieurs ont indiqué que l’un d’eux avait été abattu ». L’OCHA cite d’autres cas de réquisition de véhicules par des hommes de l’APLS survenus dans l’État de Lakes en mai, et notamment le 14 mai, lorsque les chauffeurs de deux véhicules humanitaires ont été contraints de « transporter des armes et des munitions ».

Pénurie saisonnière

M. Chatterjee a dit à IRIN qu’une combinaison de facteurs empêchait MSF de venir en aide aux populations affectées par le conflit dans l’État d’Unity, et notamment les blocus imposés début mai par le gouvernement de Khartoum sur au moins deux des principaux axes Nord-Sud et l’insécurité en général.

« Depuis la fin du mois d’avril, il est très difficile de se rendre là-bas [dans l’État d’Unity] à cause des combats », a dit M. Chatterjee à IRIN. Il a ajouté que les affrontements avaient aussi donné lieu à des pillages de maison et des vols de bétail. « Cela risque d’aggraver l’insécurité alimentaire », a-t-il dit, ajoutant qu’au Sud-Soudan, la « pénurie saisonnière » commence avec le début de la saison des pluies et qu’elle risque d’être plus sévère cette année à cause de la perte des moyens de subsistance et de l’incapacité des villageois à semer avant la saison des pluies, qui a commencé le mois dernier.

D’après M. Chatterjee, les statistiques de la malnutrition sont trois fois plus élevées cette année qu’à la même période l’an dernier.

Zones interdites

La route allant de la piste d’atterrissage principale à la capitale de l’État a été déclarée « zone interdite » par la mission de maintien de la paix des Nations Unies à cause des mines antipersonnel qui ont été installées au cours des deux derniers mois de conflit.

Le plus haut fonctionnaire de la région où les combats ont été le plus intenses appelle à soutenir les quelque 7 800 habitants de son département qui ont été déplacés par le conflit.

« Il est désormais difficile pour les civils de fuir les affrontements [à cause des mines] », a dit à IRIN Charles Machieng Kuol, le commissaire du département de Mayom. « Le conflit constitue une menace pour le développement de la collectivité », a-t-il dit, ajoutant qu’il n’y a aucune sécurité effective sur la frontière que partage son département avec l’État du Sud-Kordofan, qui est utilisé comme base arrière par les forces loyales à Gadet.

M. Kuol a dit que des civils avaient été pris entre deux feux, et que les femmes et les enfants étaient particulièrement vulnérables et incapables de fuir les combats.

Des réquisitions de véhicules appartenant à des organisations non gouvernementales (ONG) et des siphonnages d’essence par les soldats sud-soudanais ont également été rapportés à l’OCHA à Juba et sur plusieurs routes importantes menant à l’État de Warrap, où des dizaines de milliers de déplacés ont trouvé refuge à la suite de l’invasion de la zone frontalière contestée d’Abyei par l’armée du Nord.

Les blocus imposés début mai par le gouvernement de Khartoum sur les routes Nord-Sud, qui permettent d’acheminer la majeure partie de l’essence et des denrées alimentaires aux villes densément peuplées de la frontière sud, dont Bentiu et Wau, ont aggravé la situation et entravé davantage la réponse humanitaire à la crise post-Abyei.

Le gérant de la seule station-service de Wau qui dispose encore de réserves a dit à IRIN qu’il allait bientôt être lui aussi à court d’essence. Bol Ahol Ngor, de la Nile Petroleum Petrol Station, a dit que le transport d’essence entre le Kenya et Wau, près de la frontière avec le Nord-Soudan, prenait deux fois plus de temps et coûtait environ trois fois plus cher que de l’acheminer depuis Khartoum.

À environ un mois de l’indépendance du Sud-Soudan, les conflits internes et les relations particulièrement tendues entre le Nord et le Sud menacent de faire dérailler les efforts humanitaires dans le Sud au moment de la proclamation de l’indépendance et au-delà.

Source : http://www.irinnews.org