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SOUDAN-SOUDAN DU SUD : Le temps presse pour les réfugiés « oubliés »

D 6 avril 2012     H 13:53     A IRIN     C 0 messages


JAMAM, 5 avril 2012 (IRIN) - Sous un soleil de plomb, les femmes du camp de réfugiés de Jamam, situé dans l’État du Nil supérieur au Soudan du Sud, creusent la terre rouge d’un point d’eau asséché pour trouver de l’eau.

Il faut trois heures pour recueillir l’eau boueuse et remplir un jerrycan, mais c’est mieux que de rentrer au camp les mains vides après une journée passée à attendre près d’un point d’eau et de risquer de se trouver impliquer dans une bagarre, dit Macda Doka Waka, 19 ans.

Les agences d’aide humanitaire ont des difficultés à assurer les besoins en nourriture et en eau des plus de 37 000 personnes qui se sont installées dans le camp après avoir fui les bombardements et les violences de l’autre côté de la frontière, dans l’État soudanais du Nil bleu.

« Obtenir de l’eau demande du temps. Ce matin, j’ai mis mon jerrycan là-bas [près d’un des points d’eau du camp] ; je vais devoir revenir demain, car il n’y a pas assez d’eau », a dit Entisar Abas Elmak. Son enfant, d’habitude en bonne santé, a souffert de diarrhées et de vomissements à quatre reprises en l’espace de deux mois.

De jeunes enfants interceptent les tasses d’eau boueuse avant qu’elles ne soient versées dans les seaux et les avalent avidement sous une température qui dépasse 45 degrés, mais la mauvaise qualité de l’eau provoque des problèmes de santé.

« On dénombre déjà beaucoup de cas de diarrhées - les enfants, les hommes, les personnes âgées sont touchés - tout le monde a la diarrhée, et les précipitations ne font qu’aggraver la situation », a dit Sheikh Osman Alamin, un fermier de 43 ans qui s’est installé dans le camp il y a trois mois.

Daudi Makamba, un expert hydraulique d’Oxfam, indique que son organisation est confrontée à un défi majeur : elle doit fournir suffisamment d’eau, mais les puits de forage se sont effondrés, les points d’eau sont asséchés et elle n’a pas les moyens de transporter plus que les 160 000 litres qu’elle achemine actuellement et qui proviennent des trois puits de forage restants situés à 30 km.

« Pour l’instant, nous disposons en moyenne de 5 à 6 litres d’eau par personne par jour. Pour assurer la survie, il faut entre 3 à 7 litres, mais les besoins minimum en eau, destinée à la boisson, à la toilette et au lavage, sont estimés entre 7,5 et 15 litres par personne par jour », a-t-il dit alors qu’il se trouvait à un point d’eau en compagnie de deux hommes, l’un muni d’un crayon et d’un carnet, l’autre d’un fouet, criant sur une foule de femmes en colère qui se disputaient de l’eau.

« L’eau constitue un défi majeur - le plus important auquel nous soyons confrontés à Jamam », a dit Andrew Omale, coordinateur d’urgence d’Oxfam dans le camp, qu’il a qualifié d’« oublié ». « Actuellement, il n’y a pas d’eau souterraine dans la zone. Nous avons fait de notre mieux. Jusqu’à présent, nous avons creusé plus de dix puits de forage et nous n’en avons rien tiré ».

Oxfam espère que la foreuse de l’organisation d’aide humanitaire CARE International et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui est plus grande, arrivera avant la saison des pluies, qui risque de compliquer les opérations de forage.

« C’est l’une de nos plus grandes inquiétudes, car cette région a une histoire très difficile. Une fois que la saison des pluies débute, les routes sont coupées », a-t-il ajouté.

Appels à l’intensification de l’aide

Oxfam exhorte les donateurs à accroître l’aide maintenant et avertit que les coûts seront multipliés par trois lorsque les pluies arriveront et entraîneront la fermeture des routes ; les pénuries pourraient mettre les populations en danger.

« Cela va provoquer un grand nombre de problèmes de santé et je crains qu’il n’y ait beaucoup de morts, spécialement si les précipitations engorgent cette terre noire à coton », a dit M. Omale.

« La communauté internationale n’a pas fourni suffisamment d’aide ... elle ne s’est pas concentrée sur cette situation d’urgence. Ces personnes ont commencé à arriver en novembre. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu suffisamment d’aide pour soutenir les réfugiés de Jamam », a-t-il dit.

Médecins Sans Frontières (MSF), qui fournit plus de 130 000 litres d’eau par jour aux réfugiés du camp, a également lancé un appel à l’intensification de l’aide. Elle a en outre demandé davantage d’eau et de partenaires dans le domaine de l’assainissement.

« Dans ses cliniques, MSF est témoin des conséquences directes de la pénurie d’eau qui provoque une augmentation continue des cas de diarrhées, qui constituent actuellement un quart des consultations », a indiqué l’organisation dans une déclaration récente.

Outre l’augmentation des cas d’infections respiratoires et de paludisme, qui devraient s’aggraver au cours de la saison des pluies qui dure six mois, le manque d’eau actuel risque de provoquer d’autres problèmes de santé.

« Nous voyons également un grand nombre de cas d’infections de la peau qui sont liées aux mauvaises conditions d’hygiène . et au moins deux ou trois enfants atteints de déshydratation sévère et nécessitant des fluides arrivent chaque semaine », a dit Kirrily de Polnay de MSF.

Manque de nourriture

L’abri précaire - constitué de paille et de deux morceaux de plastique - de M. Alamin, un résident du camp, se trouve sur la vaste plaine inondable appelée « Jamam Zero », où la plupart des réfugiés se sont installés.

« Nous ne sommes pas encore installés. On nous a dit que cette plaine allait être inondée à l’arrivée des pluies... Il est très difficile de trouver de la nourriture et de l’eau, nous ne savons pas de quoi demain sera fait », a-t-il dit à IRIN.

Pendant plusieurs mois, sa famille, qui compte dix membres, a réussi à échapper aux bombardements dans l’État du Nil bleu avant d’arriver au camp. Selon M. Alamin, la seule source de nourriture dans l’État du Nil bleu se limite aux petites quantités de sorgho que l’on peut trouver dans les fermes abandonnées - les familles n’arrivent même pas à trouver du sel pour le cuisiner, car les marchés ont disparu.

Le temps presse à Jamam pour trouver suffisamment de nourriture pour 80 000 personnes, alors que les organisations d’aide humanitaire s’attendent à voir arriver 40 000 personnes de plus lorsqu’il n’y aura plus ni nourriture, ni eau dans l’État du Nil bleu.

Nombre de résidents du camp disent qu’ils ne reçoivent pas suffisamment de nourriture, et que les enfants commencent à souffrir de malnutrition.

« On nous donne de la nourriture, mais pas suffisamment ... Un sac de 25 kg de sorgho est sensé nourrir cinq personnes pendant un mois et demi, a indiqué Mme. Elmak. « On reçoit également un gallon d’huile et de lentilles, mais il est impossible de les faire durer pendant un mois .
« Quand on arrive ici, on ne reçoit pas de la nourriture tout de suite. Il faut attendre un mois ou un mois et demi et là on vous donne à manger », a-t-elle dit, ajoutant que sa famille avait dû se contenter de feuilles d’arbres jusqu’à ce qu’elle reçoive du sorgho et de l’huile pour cuisiner.

Khamis Kueba, 26 ans, a marché pendant cinq jours avec le bétail de sa famille et est arrivé à Jamam il y a trois jours. Il est tellement fatigué et a tellement faim qu’il peut à peine parler, mais il devra attendre la prochaine distribution.

Bombardements dans l’État du Nil bleu

De l’autre côté de la frontière, la situation est encore pire, a dit Sheikh El Rathi Rajab, un député de l’État du Nil bleu.

Il a indiqué que des bombes étaient larguées nuit et jour et que les gens avaient fui dans le bush, en Éthiopie, ou qu’ils essayaient de rejoindre le Soudan du Sud, mais qu’ils étaient bloqués par les forces armées du Soudan.

Les États-Unis ont mis garde contre une « éventuelle famine » dans l’État du Nil bleu et dans l’État voisin du Sud-Kordofan, où le Soudan combat les rebelles.

Si le blocus de l’aide n’est pas levé rapidement, « ils mourront, car la situation empire et va encore s’aggraver », a dit M. Rajab.

Source : http://www.irinnews.org