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Bénin : Après le renversement de Patrice Talon, retour au passé ou aller de l’avant ?

D 23 janvier 2021     H 06:00     A Samson     C 0 messages


La question du départ de Patrice Talon du pouvoir soit par renversement révolutionnaire ou par les urnes et son remplacement par un autre pouvoir se pose et fait débat au sein de ce qu’il est convenu d’appeler l’Opposition béninoise notamment en cette veille des élections présidentielles. Il ne fait aucun doute qu’il faut en finir avec le pouvoir dit de la Rupture. Et seuls les gens appartenant à la petite minorité du clan du Président peuvent penser le contraire. En effet, le pouvoir dit de la Rupture depuis bientôt cinq ans d’exercice s’est illustré par la négativité dans tous les domaines, politique, diplomatique, économique et social.

Au plan politique, destruction des libertés démocratiques et instauration d’un pouvoir despotique de type monarchique avec comme seul repère le Chef et consacré par une Constitution Au plan économique et social : Opacité dans la gestion du bien public ; transformation progressive de tout le patrimoine national en une propriété quasi privée où tous les secteurs productifs sont accaparés par Talon et son groupe ; privatisations sauvages des entreprises publiques servant à garnir, par rachat ou offre publique d’achat (OPA), le portefeuille privé de Talon et Compagnies (SODECO, SDI, DFA (coton), Port sec d’Allada, Benin Control (PVI), main basse sur le domaine de l’Etat..) ;endettement sauvage du pays par des fournées d’emprunts obligataires dont on ne mesure jamais les usages, etc.

Conséquence au plan social, ruine et appauvrissement dans une accélération effrénée du peuple accablé par les impôts et taxes diverses, renchérissement galopant de la vie ; notre peuple a faim ; emprisonnement et mise en exil des opposants etc.

Telle est la réalité existante que des discours d’autosatisfaction sur les soi-disant réalisations ne peuvent cacher. Il faut faire partir le régime de la Rupture ; mais la simple question qui se pose est la suivante : par quoi le remplacer ?
A ce propos, l’on dit souvent que lorsque l’on chute, il ne faut pas considérer là où on a chuté mais là où on a trébuché pour savoir quels écueils éviter. Comment se présente la situation du Bénin et qui a donné naissance à ce régime de terreur dit de la rupture ?

1°- Contexte historique

Le 1er Août 1960, le Dahomey (aujourd’hui appelé Bénin) accéda comme d’autres colonies d’Afrique à un statut formel d’indépendance. Autrement dit, le Bénin se voyait ainsi octroyé un drapeau, un hymne et un siège aux Nations Unies. Cette situation est intervenue après des décennies de combats (et même de guerres) de notre peuple, des peuples d’Afrique et du monde contre le colonialisme, en particulier français. Bien vite et de façon syncrétique, notre peuple s’est rendu compte de la supercherie de cette indépendance octroyée, notamment à travers ses conditions d’existence qui, loin de s’améliorer, se dégradaient. Les combats des travailleurs et de l’ensemble du peuple contre cette situation (avec des grèves, des soulèvements divers) ont donné lieu à de multiples récupérations militaires marquées par des coups d’Etat.

Pas moins de quatre coups d’Etat en douze années d’existence. Notre pays était alors appelé « Enfant malade de l’Afrique ». En 1972, des militaires putschistes tablant sur les exigences populaires sont intervenus et ont opéré le coup d’Etat du 26 Octobre 1972. Avec l’aide de Responsables civils, les militaires putschistes avec en tête le Commandant Mathieu Kérékou, instaurèrent une dictature despotique sous appellation marxiste-léniniste (?!). Toute liberté était bâillonnée et la faim généralisée. Notre peuple a poursuivi ses combats contre cette situation inacceptable. Pendant près de deux décennies, avec l’aide et les éclairages du Parti Communiste du Dahomey (PCD), actuellement appelé Parti Communiste du Bénin (PCB) fondé en décembre 1977, avec des sacrifices énormes de sang et de larmes illustrés par des morts, des emprisonnements et des exils etc., les travailleurs et l’ensemble du peuple béninois ont résisté puis pris l’offensive. Les années 1975, 1979, 1985, en constituent des jalons.

Et le 11 décembre 1989 par un soulèvement généralisé notamment à Cotonou, Porto-Novo et d’autres villes, ils renversèrent le pouvoir despotique honni. La Conférence Nationale organisée en février 1990, directement dictée par le Président français, François Mitterrand, à Kérékou, n’a été qu’une Vaste Opération de reprise en main par la France coloniale et ses hommes de main béninois, de la situation au Bénin et de son maintien dans le giron français.

Avec cela, l’on a pensé avoir « vaincu la fatalité » selon l’expression célèbre du Rapporteur Général, Albert Tévoédjrè. La Constitution qui en est issue a été datée du 11 décembre 1990 dans l’objectif à peine voilée d’effacer dans la mémoire collective, comme exploit du peuple, le 11 décembre 1989, le jour où le peuple béninois a renversé un despote.

2°- La Constitution béninoise, qu’est-ce que c’est ?

a) Du point de vue des textes.

Cette Constitution, tout en consacrant les libertés démocratiques générales (de
réunion, d’association, de manifestation, de grève, de presse etc., une trentaine d’articles y sont consacrés) conquises dans le sang et les larmes au cours de la décennie 1979-1989 et particulièrement le 11 décembre 1989, a en particulier constitutionnalisé deux éléments essentiels : l’impunité avec son corollaire le règne de la corruption, l’antipatriotisme et ceci au nom de la « paix » et de la « tolérance ».

Le Criminel en Chef, Mathieu Kérérou a été ainsi gratifié d’une loi portant immunité personnelle pour les morts, assassinats (Michel AÏKPE, Luc TOGBADJA, AKPOKPO GLELE Rémy, etc.), et crimes économiques commis sous son régime et du coup sont aussi absous tous ses acolytes criminels dans le genre ZINZINDOHOUE Clément SOGLOHOUN Jérôme, AZONHIHO D. Martin, TAWES Pascal, HOUNSOU-GUEDE Patrice et autres. De l’autre côté, la Constitution a consacré la soumission complète du Bénin à la France coloniale, l’esclavage linguistique avec le français comme langue officielle, et surtout elle a constitutionnalisé l’intervention étrangère (donc française) dans nos affaires intérieures en l’article 66.

b) Du point de vue de la pratique politique faite de cette Constitution.

Pendant trente ans, le régime dit du Renouveau démocratique a révélé au peuple et au monde toute sa substance.

Au plan économique, le renforcement de la mainmise des monopoles français sur tous les secteurs stratégiques béninois (Port, Aéroport, Cimenteries, Brasseries etc.) en plus du maintien de l’esclavage monétaire du CFA et du contrôle de toute la politique économique du pays ; au plan éducationnel, le maintien d’un système colonial complétement inadéquat aux besoins de développement du Bénin, un système asséchant l’esprit et toute faculté créatrice du Béninois. Mais c’est au plan politique que le Renouveau démocratique a révélé le plus sa puanteur. Les deux pouvoirs qui ont marqué le plus cette situation sont celui de Mathieu Kérékou de 1996 à 2006 et celui de YAYI Boni de 2006 à 2016. Précisons que, tant dans son accession au pouvoir que pendant huit ans, le pouvoir de YAYI Boni n’a été qu’un pouvoir par procuration de Patrice Talon.

Pendant donc cette période, soit 20 ans en effet, la soumission à la France coloniale a atteint son paroxysme, la corruption généralisée, les concours frauduleux ont pignon sur rue, les élections étaient plus que jamais soumises au plus offrant, celles de 2015 avec les législatives et les communales notamment ont été les illustrations patentes. Tant dans les textes que dans la pratique politique qui en a été faite, la Constitution de 1990 a révélé ce qu’elle fut et ne permettait plus un bon vivre ensemble.

C’est cela qui a conduit dès 2015 à la demande par beaucoup d’acteurs politiques de la nécessité d’une Assise Nationale pour redéfinir un nouveau vivre ensemble. De façon particulière, le Parti Communiste, avec la Convention Patriotique des Forces de Gauche a appelé aux « Etats Généraux » pour une nouvelle Constitution et les ont averti que « rien de bon ne pouvait sortir des élections présidentielles de 2016 » et que se dessinait le scénario « waxalla » c’est-à-dire le scénario « catastrophe ».

Nous y voilà aujourd’hui. Le pouvoir de Patrice Talon est le produit de la politique du Renouveau démocratique arrivé à son paroxysme. Ce sont les dispositions de la Constitution du 11 décembre 1990 qui permirent l’arrivée au pouvoir d’un Patrice Talon qui lui-même n’hésite pas à reconnaître qu’il est un produit du système pour en avoir été l’un des principaux animateurs et profiteurs depuis au moins 1990. Non seulement il a poursuivi et accentué sa politique dans la mise en œuvre du Pacte colonial (entre autres en privatisant la gestion et/ou en nommant à la tête de nos entreprises-fleurons telles le Port, la SBEE et on en passe, des Etrangers), mais encore, il a détruit par des lois, le reste des libertés générales consacrées par cette Constitution, et enfin s’est accaparé, par des textes, l’ensemble du patrimoine de l’Etat et ceci dans une mer de conflits d’influences et ce, en affamant le peuple.

Enfin il a imposé une nouvelle Constitution, qui elle, est d’essence autocratique et despotique, en fait une camisole de fer passée au cou du peuple. Nous assistons comme à un continuel recommencement.

3°- Pourquoi un retour en arrière est inacceptable.

Encore une fois, le Bénin fait face à sa situation, une sorte de malédiction que certains attribuent à celle qu’aurait formulée Béhanzin avant sa déportation. Mais à l’analyse, la « malédiction » dont est victime le Bénin, c’est celle qui frappe pratiquement tous les pays issus de la colonisation française : c’est le maintien du Bénin dans les liens de colonisation française (avec le pacte colonial) comme « Enclos français ».

En effet, comment pouvez- vous vous développer lors que le produit de votre travail est confisqué dans une banque étrangère sous forme de zone CFA et que toute votre politique économique est dictée de l’extérieur ?

Comment pouvez-vous vous développer sur la base de l’instruction et donc d’une école fournissant des connaissances complétement étrangères à vos réalités ?
Comment voulez-vous vous développer lorsque toute votre consommation est déterminée par l’extérieur et que vous êtes obligés de consommer ce que vous ne produisez pas et de produire ce que vous ne consommez pas ? Enfin comment peut-on se développer lorsque l’on vous enlève toutes cultures, croyances, valeurs traditionnelles positives –incarnées par nos Dignitaires, nos Rois déchus par la force militaire de la colonisation et ce en faveur de l’invasion des cultures, langues, croyances étrangères ? Telle est la malédiction qu’il faut lever.

Face à cette situation, certains et non des moindres de l’Opposition prônent et ont pour seul programme politique la Restauration en l’état de cette Constitution considérée comme « la meilleure du monde », « l’identité », « l’âme » du Béninois. La signification de cette demande, c’est l’aval donné à toute la politique d’antipatriotisme, de corruption et de mafia des trente années passées et qui a donné naissance au pouvoir actuel de Talon Patrice. Il est curieux que les demandeurs de cette situation soient ceux-là mêmes qui, entre temps, avaient mis sur pied et/ou participé à des commissions de révision de cette Constitution dans les années 2010-2011 ou ont même voté oui pour les tentatives avortées de révision de cette Constitution par Talon. Ce serait un recul historique inacceptable.

4°- Une Union des Patriotes S’impose pour Sauver la Patrie.

Il faut aller de l’avant ! Il s’impose l’urgence d’une Union des Forces patriotiques en vue d’une Alternative qui sorte du système du Pacte colonial, réelle et seule Fatalité qui colle tel un boulet aux pieds du peuple béninois depuis 1960. En clair, il faut détruire l’Enclos édifié par la France coloniale qui encercle le Bénin et empêche son décollage politique, économique et social. En clair, il faut remplacer le Pouvoir de Talon par un Gouvernement Patriotique et de Probité. Que vive le Peuple béninois souverain et indépendant ! Que vivent nos héros nationaux, Béhanzin, Kpoyizoun, Saka Yérima, Bio Guerra, Kaba ! Que soit lavée à jamais l’humiliation faite à eux et à leurs descendances !

Que vive le Bénin !

Samson

Source La flamme N°380