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Bénin : Sur la Conférence Economique Nationale

D 4 août 2012     H 05:24     A UNSTB     C 0 messages


Déclaration liminaire de la conférence de presse du camarade Emmanuel ZOUNON, Secrétaire Général de l’UNSTB sur la tenue d’une Conférence Economique Nationale

Mesdames et Messieurs les journalistes, l’histoire du Bénin, notre pays, est une trilogie de grands évènements politiques, économiques et sociaux.
« Quartier latin de l’Afrique » comme le surnomment certains intellectuels, il a brillé par les coups d’Etat à répétition après l’indépendance, face à chaque crise. A cette époque désormais révolue c’est la force des armes qui parlent, doublée de la force de la ruse dans le dos du peuple. C’est l’enfant malade de l’Afrique. Puis est arrivée la période du monolithisme politique renforcée par la philosophie marxiste-léniniste.

Cette philosophie pleine d’espérance a besoin d’hommes acquis aux idées qu’elle véhicule pour son succès. La crise économique des années 80, doublée des difficultés financières internes a suscité la tenue d’une Conférence Economique en 1982 aux résultats qui se passent de commentaire. Les fonctionnaires sont restés des mois sans salaires, et le peuple a sombré dans les ténèbres du désespoir.

Le Gouvernement militaire Révolutionnaire acculé et le dos au mur s’est remis les pieds et les mains liés aux Institutions de Breetton Woods. Le FMI ayant fait son diagnostic, sa seule thérapie : c’est le programme d’ajustement structurel (PAS) sans aucun volet social, et ce, en dépit de l’opposition de grands économistes comme Joseph STIGLITZ et Meles ZENAWI.
A la faveur des grands bouleversements socio-politiques profonds qu’ont connus les pays de “l’Empire soviétique” à partir de la Pologne, et la chute du mur de Berlin, le Bénin a opté, à défaut d’une Conférence économique bis, pour la tenue d’une Conférence des Forces Vives en février 1990. Commence alors l’ère du Renouveau Démocratique.

Depuis, le Bénin, notre pays, vit les exigences d’une économie libérale, soutenue au plan politique par le multipartisme intégral.
A cette étape, l’on peut être tenté de conclure que “l’enfant malade de l’Afrique” semble sortir de son état de morbidité” pour recouvrer une santé rayonnante sur la voie d’un pays émergent.
Les réalités malheureusement sont autres et têtues.

Plus de vingt ans après la pratique de l’économie libérale, le Bénin se prépare pour une autre Conférence Economique Nationale. Ainsi vient d’en décider le gouvernement, un an après l’élection de Boni YAYI pour un deuxième mandat.
Pour l’UNSTB, l’histoire politico-économique du Bénin semble se répéter,
Mesdames et Messieurs les journalistes, qu’il vous souvienne les prises de position de l’UNSTB sur la situation politique et socio-économique de notre pays.

En 2007, face à la crise financière partie des Etats-Unis d’Amérique et les effets induits sur les économies des pays développé et sur certains des pays les moins avancés, l’UNSTB est montée au créneau dans une conférence de presse le jeudi 25 juillet 2007 à l’hôtel Beaurivage à Porto-Novo pour proposer la tenue d’une Conférence Economique. Dans sa démarche, l’UNSTB a en souci de mettre l’économie béninoise à l’abri des conséquences de la crise financière américaine dans un cadre de concertation qui devrait permettre de limiter les dégâts sur le plan social. L’UNSTB, n’a pas été écoutée.

Le mardi 19 avril 2011 à la Bourse du Travail de Cotonou, l’UNSTB est la seule confédération syndicale à saisir au bon l’idée de la tenue d’un forum national de sursaut patriotique et apporter son soutien. Ce forum à en croire ses tenants est un creuset de débats sur la situation politique, économique et sociale, dans un contexte de difficultés économiques aigues, de tensions sociales, et de frustrations politiques consécutives à l’organisation des élections présidentielles et législatives de 2011.

Malheureusement, le forum du sursaut patriotique n’a pu avoir lieu. Annoncé avec force battage médiatique, le forum du sursaut patriotique a connu un saut dans le néant en raison des calculs politiciens.
L’UNSTB, une fois encore, comme tous ceux-là qui y ont cru, n’a pas été écoutée.

Dans le contexte actuel de graves difficultés économiques et financières que connaît le Bénin, le gouvernement et son chef, un an après le deuxième mandat, et à la veille des élections municipales et locales, viennent de décider la tenue d’une conférence économique nationale.

Aujourd’hui, il faut reconnaître que la situation politique et socio-économique n’est pas reluisante.
Sur le plan politique, la révision de la constitution n’a pu aboutir.
Sur le plan social, les vieux leaders syndicalistes, usés par plus de vingt années de pouvoir syndical sans partage, bloquent tous les mécanismes de dialogue social qui connaissent de graves dysfonctionnements, confinant les paisibles travailleurs à la méfiance vis-à-vis du gouvernement.
Sur le plan économique et financier, les réformes mal préparées et mal engagées connaissent une forte résistance dans leur mise en application, menaçant la santé financière du pays.

Les nombreuses rencontres du Chef de l’Etat et des membres du gouvernement avec la classe politique, les opérateurs économiques, les agriculteurs, les agents de la douane, traduisent une grave inquiétude au niveau de l’Etat. La situation est donc préoccupante et très alarmante.
La tenue d’une conférence économique dans un tel contexte n’est donc pas pour un partage de gâteaux. Il faut que la classe ouvrière s’attende au pire.
Le régime du changement porté avec liesse au pouvoir en 2006, ne l’a pas été sur la base d’un projet de société clairement énoncé et différent des projets de société des autres candidats.

Le peuple a voulu le changement, et il a obtenu le changement par rapport à la classe politique. L’objectif ici c’est de marquer une rupture nette avec la vieille classe de politiciens dont les ténors sont au devant de tous les régimes du Renouveau démocratique et avant celui-ci.
En ce deuxième quinquennat de régime du changement, une conférence économique nationale serait intervenue plus tôt qu’elle aurait permis de faire des options claires pour la relance de l’économie béninoise, et la consolidation d’une politique fiscale.

Mais dans le contexte économique difficile actuel, il faut craindre des mesures d’austérité dont les seules victimes ne peuvent être que les fonctionnaires, les travailleurs privés et les populations rurales.
C’est pourquoi, l’UNSTB n’adhérera point à une conférence économique de la bourgeoisie comprador qui va remettre en cause les acquis des travailleurs. De la privatisation de la SONACOP au Programme de Vérification des Importations (PVI) on peut conclure sans se tromper que la bourgeoisie nationale n’a rien de nationaliste.
Mieux sur le front social beaucoup de défis restent à relever :

 La mise en œuvre méthodique du Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) ;
 La consolidation et l’extension de la sécurité sociale aux acteurs de l’économie informelle,
 L’adoption du nouveau statut des Agents Permanents de l’Etat et des Agents Territoriaux dits des collectivités locales ;
 Le relèvement du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) de 25% ;
 La revalorisation à hauteur du SMIG, du seuil minimum des pensions de retraite ;
 La reprise des travaux de reversement des éducateurs, éducatrices et communautaires en situation de classe sur une base saine et la mise au cœur des préoccupations, le travail décent ;
 La restitution de l’allocation à la fonction enseignante et l’accord d’une aide, aux écoles privées crédibles ;
 La réorientation du cadrage budgétaire pour appuyer la généralisation de la formation professionnelle continue et l’apprentissage dual par le biais de FODEFCA.

Pour l’UNSTB, et au regard de tout ce qui précède, il n’y a pas que la question économique qui est préoccupante. La question sociale, la question financière et la question politique sont autant préoccupantes que la question économique.
Voilà pourquoi, la direction de l’Union Nationale des Syndicats de Travailleurs du Bénin (UNSTB), exige qu’en lieu et place d’une Conférence Economique principalement centrée sur les problèmes économiques, un forum national quelque soit le nom qu’on lui donne, permette d’élargir les débats sur les autres préoccupations d’ordre social, financier et politique et pourquoi pas la révision de l’option économique faite à la conférence nationale.

En effet, le libéralisme n’a pas porté ses fleurs. Il nous faut une idéologie qui ne relève purement d’aucune école classique, qu’elle soit libérale, capitaliste ou marxiste, mais une idéologie qui tire plutôt son essence :

 de l’histoire politique et économique de notre pays au cours des 30 dernières années ;
 de l’analyse de notre situation économique et sociale, notamment des systèmes et rapports sociaux prévalant dans la production et la répartition des revenus ;
 des aspirations fondamentales et permanentes de l’homme à la liberté, à la justice, à la prospérité et au progrès ;
 de l’évolution politique et économique en Afrique depuis les indépendances d’une part, et dans les pays du Tiers Monde depuis la fin de la dernière guerre d’autre part ;
 de l’évolution politique et économique récente tant dans les pays capitalistes que dans les pays socialistes d’Europe et d’Asie ;
 et enfin des rapports économiques et politiques constituant la trame des relations internationales aujourd’hui.

Comme vous pouvez le constater mesdames et messieurs des médias, notre prise de position n’a rien de politique. C’est pourquoi, je nous invite, quelles que soient nos convictions idéologiques et notre appartenance politique à réfléchir sur le devenir de notre pays en crise de croissance.

Peuple du Bénin, unissons-nous.

Je vous remercie

Vu conforme

Emmanuel ZOUNON