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Et si le Bénin devenait l’allié de la Martinique à l’ONU ?

D 9 septembre 2025     H 08:00     A Clamaria     C 0 messages


Depuis 2024, le Bénin s’est distingué en adoptant la loi n°2024-18 du 24 mai 2024 relative au Code de la nationalité béninoise, ouvrant l’accès à la nationalité aux Afrodescendants. Dans un précédent article, j’avais souligné les risques que représente, pour les indépendantistes martiniquais, l’acquisition d’une double nationalité franco-béninoise sans reconnaissance préalable d’une nationalité martiniquaise.
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Je reste convaincue qu’un indépendantiste, engagé pour la libération de la Martinique ou d’un autre territoire, doit avant tout privilégier sa propre nationalité. L’idéal aurait été que la Martinique soit déjà un État souverain, capable de conclure directement un partenariat avec le Bénin. Or, ce n’est pas le cas : l’intermédiaire demeure la France.
Cette situation est dangereuse : Paris pourrait utiliser le prétexte de la double nationalité pour retirer la nationalité française à un militant indépendantiste. Ce dernier risquerait alors d’être expulsé de sa propre terre, puisque la Martinique n’est pas encore juridiquement reconnue comme un État indépendant.

Le Bénin, un pays émergent et un acteur international
Aujourd’hui, le Bénin s’affirme comme un pays émergent du continent africain, avec une croissance économique de 6,3 % en 2023 (Banque mondiale) et une population d’environ 13 millions d’habitants. Membre actif des Nations Unies, il a la capacité diplomatique de porter des causes internationales.
Rappelons que la Martinique a été rayée de la liste des territoires non autonomes à décoloniser en 1946. Après la création de l’ONU en 1945, la France a présenté sa loi de départementalisation, portée par Aimé Césaire, Gaston Monnerville, Raymond Vergès et Léopold Bissol, comme une preuve d’intégration des « vieilles colonies » dans la République. En réalité, ces rapporteurs espéraient une égalité pleine et entière entre la France et la Martinique.
Or, en 2025, le constat est accablant :
• Le taux de pauvreté atteint environ 29 % en Martinique, contre 14 % en France hexagonale (Insee, 2023).
• Les prix alimentaires sont en moyenne 38 % plus élevés qu’en métropole (Insee, 2022).
• Le taux d’homicides est près de quatre fois supérieur à la moyenne hexagonale (ONDRP, 2023).
• Les dotations budgétaires publiques sont en constante réduction.
En clair, il n’y a pas d’égalité. La logique coloniale se perpétue : la Martinique est toujours traitée comme une colonie, ni comme un véritable département, ni comme une collectivité souveraine. Même Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la CTM, a reconnu récemment « l’absence de leviers institutionnels suffisants pour transformer le quotidien des Martiniquais » (France-Antilles, 2024).
Cet échec historique de la départementalisation et du statut actuel des Outre-mer conduit à une conclusion claire : la Martinique doit être réinscrite sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, à l’instar de la Kanaky (1986) et de la Polynésie française (2013).

Un rôle historique pour le Bénin
Dans ce processus, le Bénin pourrait jouer un rôle décisif. En saisissant le Comité spécial de la décolonisation (C-24), il deviendrait le premier pays africain à porter explicitement la cause martiniquaise à l’ONU.
Ce geste enverrait un signal fort : celui d’une solidarité renouvelée entre l’Afrique et les Caraïbes, au nom d’une histoire partagée — celle de la traite, de l’esclavage et de la colonisation.
Le président béninois Patrice Talon a récemment désigné son successeur : il ne reste qu’à attendre le choix du peuple béninois. Mais quel que soit le prochain chef d’État, le Bénin dispose aujourd’hui de l’opportunité d’aller plus loin et de devenir le porte-voix des peuples encore colonisés.
Un tel acte ne serait pas seulement diplomatique : il constituerait une rupture symbolique, un soutien direct aux indépendantistes martiniquais, qui refusent de chercher ailleurs une nationalité de substitution et revendiquent pleinement leur droit à exister comme nation libre.
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