Améliorer l’accès à l’eau dans les villes burkinabées
6 juin 2013 05:34 0 messages
OUAGADOUGOU - Plus tôt cette année, la maison de torchis de Denis Ouedraogo, un tailleur du quartier de Tampouy, dans le nord de Ouagadougou, la capitale burkinabée, a été raccordée au réseau de distribution d’eau potable pour la première fois. « Avoir suffisamment d’eau peut vous rendre heureux, même sans électricité », a-t-il dit.
M. Ouedraogo fait partie des 1,9 million de personnes dont les foyers ont été raccordés au réseau public depuis 2001. L’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) a en effet procédé à des changements majeurs dans sa façon de distribuer l’eau aux habitants des villes.
En 2001, 73 000 foyers burkinabés seulement étaient raccordés au réseau de distribution de l’ONEA, selon une recherche menée par Peter Newborne pour l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI), qui tente d’identifier et de faire connaître des exemples de progrès en matière de développement.
Entre 2002 et 2008 (les plus récentes statistiques disponibles), le pourcentage des résidents du Burkina Faso qui avaient accès à l’eau potable est passé de 50 à 76 pour cent (95 pour cent dans les zones urbaines). Le plan était de doubler le nombre de personnes ayant accès à l’eau potable - c’est-à-dire se rendre à 87 pour cent, dans ce cas - afin d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) d’ici 2015. Les personnes chargées du suivi des progrès du Burkina Faso en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (Water, Sanitation, Hygiene, WASH) disent que l’objectif sera dépassé.
Comment ?
Un certain nombre de facteurs ont rendu cette avancée possible : l’ONEA a été nationalisé et restructuré en 1994 après une période de faible rentabilité et de fonctionnement médiocre. La nouvelle entreprise nationale a adopté des principes commerciaux et une culture de performance et d’efficacité, a dit M. Newborne.
La seconde priorité était de trouver une source d’approvisionnement importante. C’est dans cet objectif qu’a été construit le barrage de Ziga, situé à 45 kilomètres de la capitale.
Les fonds (accordés par la France et par d’autres gouvernements européens) et les prêts assortis de faibles taux d’intérêt (principalement de la Banque mondiale) ont fourni le financement nécessaire. Ils ont contribué à faire baisser les coûts : à titre d’exemple, il en coûte désormais 61 dollars pour raccorder un ménage au réseau, contre 400 dollars en moyenne dans les années 1990, selon Moumouni Sawadogo, directeur de l’exploitation de l’ONEA.
Il a ensuite fallu bâtir un réseau de conduites à travers Ouagadougou, y compris dans les banlieues de la ville, où aucun zonage n’a été fait. Un tiers des habitants de la capitale vivent dans ces banlieues, qui ont pourtant été négligées jusqu’ici en terme d’approvisionnement en eau des ménages.
« Même dans les secteurs non zonés, les gens peuvent payer leur facture d’eau », a dit Halidou Kouanda, directeur de l’organisation non gouvernementale (ONG) WaterAid au Burkina Faso, citant une étude de l’ONEA publiée en 2011 et selon laquelle le taux de recouvrement [moyen] dans les quartiers non zonés était de 95 pour cent.
Aujourd’hui, l’ONEA bénéficie d’un revenu stable et affiche un taux de fuite de seulement 18 pour cent. Selon la Banque mondiale, il s’agit de l’une des entreprises de distribution d’eau les plus performantes d’Afrique subsaharienne.
Cibler les pauvres
Si le fait de cibler les secteurs non zonés a permis de faire augmenter le pourcentage des citadins ayant accès à l’eau potable (contribuant du même coup à l’atteinte des OMD), il n’a cependant pas rendu l’eau abordable pour les plus pauvres.
L’ONEA doit maintenant tenter de cibler les pauvres, comme il a promis de le faire dans une stratégie d’équité établie en collaboration avec le ministère de l’Eau et de l’Assainissement.
Dans le cadre de cette stratégie, l’ONEA a construit 17 290 puits et colonnes d’alimentation dans des zones où les ménages ne sont pas raccordés. L’eau pompée à partir d’une colonne d’alimentation coûte 60 francs CFA (0,11 dollar) la barrique de 220 litres (sur roues). Les plus pauvres ne peuvent cependant pas se permettre d’acheter ces barriques et doivent acheter leur eau aux vendeurs d’eau, qui demandent entre 200 et 500 francs CFA (entre 0,40 et 0,98 dollar) pour la même quantité, dépendant de la saison.
Ainsi, paradoxalement, les familles les plus pauvres paient jusqu’à huit fois plus que les autres pour la même quantité d’eau.
L’ODI étudie actuellement différentes méthodes qui pourraient se révéler efficaces pour faciliter l’accès à l’eau potable des plus pauvres, notamment : subventionner une partie de l’approvisionnement en eau pour certains ménages ; cibler les quartiers pauvres ; offrir des allocations en fonction du type de logement ; établir des tarifs en fonction d’un critère de revenu ; ou utiliser le ciblage communautaire ou l’autociblage.
Pour le moment, tous les ménages paient le même montant pour être raccordés au réseau. « Est-ce équitable ? Je ne le crois pas », a dit M. Newborne. « On pourrait établir un critère de revenu, exonérer certains ménages du coût du raccordement ou appliquer un tarif différent pour les premiers X mètres cubes », a-t-il suggéré, ajoutant que les ménages à plus faible revenu pourraient payer leur eau au fur et à mesure qu’ils l’utilisent [pay-as-you-go] ou chaque semaine afin de faciliter le suivi de leur consommation. « On n’a qu’à s’inspirer de la façon dont les entreprises de téléphonie mobile s’y sont prises pour élaborer des plans tarifaires accessibles », a-t-il dit.
On s’inquiète en particulier que les ménages qui ont l’eau courante pour la première fois en utilisent plus que ce qu’ils peuvent se permettre, accumulant des dettes et risquant ainsi d’être coupés du réseau, a dit M. Kouanda, de WaterAid. C’est ce qui est arrivé à 6,8 pour cent des clients de l’ONEA à Ouagadougou en 2009.
Les familles doivent être informées de ce risque, a dit M. Kouanda. De nombreux clients craignent que cela se produise et exercent eux-mêmes un suivi minutieux de leur consommation.
Ami Sidibé vit dans le quartier de Somgandé, qui a été raccordé aux conduites principales il y a trois mois. Elle continue de remplir des jerrycans - en utilisant l’eau du robinet - afin d’assurer un suivi des quantités utilisées. « Je ferais n’importe quoi pour ne pas retourner à la situation d’avant », a-t-elle dit à IRIN.
Diminution du risque de maladie ?
Jusqu’à présent, aucune étude n’a permis d’établir un lien entre le développement du réseau de distribution d’eau et l’incidence des maladies. Certains résidents de Somgandé dont les foyers ont récemment été raccordés au réseau ont cependant dit que leurs enfants étaient moins souvent malades qu’avant. Selon le ministère de la Santé, les maladies hydriques font partie des cinq raisons principales qui poussent les parents d’enfants à consulter des travailleurs de la santé.
L’extension de ces réseaux aux zones rurales, où l’accès à l’eau potable est limité, est l’un des défis qui doivent encore être relevés : 72 pour cent des Burkinabés des zones rurales ont accès à l’eau potable, contre 95 pour cent des citadins.
En vertu du système de gouvernance décentralisé du Burkina Faso, les autorités locales des zones rurales sont responsables de l’approvisionnement en eau des habitants.
Selon le rapport 2013 de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les progrès en matière d’eau et d’assainissement, publié récemment, il existe encore des disparités importantes en ce qui concerne l’accès à l’eau des populations rurales et urbaines. Les communautés rurales comptent en effet pour 83 pour cent de la population mondiale n’ayant pas accès à une source d’eau améliorée.
Source : http://www.irinnews.org