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Burkina Faso : Faut-il s’appuyer sur un impérialiste pour combattre un autre ?

D 8 octobre 2022     H 04:30     A Salif Nignan     C 0 messages


Le débat fait rage au sein de l’opinion sur le fait s’il faut Oui ou NON s’appuyer sur une puissance impérialiste pour combattre une autre dit nouveau ou secondaire.
"Ni France, ni Russie, ni USA, ni Chine, ..." voici une prise de position qui suscite des débats très émotionnels et qui virent rapidement aux injures et autres invectives. Alors que ce qu’on attend d’un tel débat qui engage l’avenir de notre pays, ce sont les arguments et le partage d’expériences d’autres peuples afin d’éclairer et fortifier notre engagement dans notre combat pour la libération de notre pays du joug de l’impérialisme principalement français.

Ceci dit, je vais aussi apporter ma contribution. Je prendrai un seul cas en m’appuyant sur des faits historiques concrets dans notre pays pour étayer mon propos.

Le cas de Naaba Wobgo de Ouagadougou

Convaincu que les puissances occidentales ne viennent pas en Afrique pour défendre les intérêts des peuples , Naaba Wobgo s’opposa à tout accord de protectorat avec celles-ci.

Seul l’Anglais Georges Eykem Ferguson parvient à signer le 02 juillet 1894, un traité d’amitié et de commerce avec le Naba Wobgo.

Quant aux Français, ils vont échouer sur toute la ligne en voulant coûte que coûte signer des accords avec le Naaba Wobgo de Ouagadougou.
Pourtant l’occupation du mogho était un impératif aux yeux des français qui voulaient rallier leurs possessions de la région de Côte d’Ivoire à celles qui se trouvent autour du lac Tchad afin de former un tout monolithique.

Dès février 1895, le ministre des colonies, Delcassé, ordonna de prendre toutes mesures d’urgence afin d’obtenir des traités avec le Yatenga, Ouagadougou (…) toutes les régions où la France risquait d’être devancée par l’Angleterre.
Destenaves à la tête d’une forte colonne quitte Bandiagara pour le Yatenga où il signe un traité de protectorat le 18 mai 1895. Il continue à Ouagadougou avec l’intention de convaincre Naaba Wobgo d’accepter un protectorat. Il sera lui aussi refoulé.

Inquiètes devant le nouvel échec français et devant l’urgence d’occuper Ouagadougou au détriment des Anglais, les autorités jugent impératif de conquérir le territoire par la force.

La mission est confiée à Paul Lucien Gustave Voulet, le célèbre ‘’massacreur’’ et à son ami Chanoine. (1er Septembre À Ouaga : A Quand Le Retour Du Naba Wobgo ?"Novembre 2015, , KIEBRE Mahamoudou")

La colonne Voulet et Chanoine attaqua Ouagadougou le 1er septembre 1896 après le refus de Boukary KOUTOU (Naaba Woobgo) de la recevoir et de signer un traité de protectorat avec la France.

Naaaba Koutou lutta contre les traitres en faisant empoisonner un de ses frères et deux ses propres fils qui s’étaient soumis au colonisateur.
C’est son deuxième frère Mahamadi qui se soumit et fut intronisé Moogho Naaba sous le nom de Naaba Siguiri.

Les villages mossis de l’Est et les cantons Bissas apportèrent leur soutien au Mogho Naaba Koutou contre l’occupant français.

Malgré la prise de Ouagadougou où le drapeau français flottait, Naaba Wobgo ne désarme pas pour autant. Il se replie à Gold Coast (Ghana) pour chercher soutien auprès de ses amis anglais (Angleterre) afin de reconquérir son royaume. Un repli stratégique, dit-on.

L’ordre sera donc donné par l’Angleterre au résident de Gold Coast Steward de marcher sur Ouagadougou pour chasser les français afin de faire respecter l’accord signé entre Naaba Wobgo et Georges Eykem Ferguson.
Steward à la tête d’une troupe fortement armée, accompagne Naaba Woobgo, le roi déchu afin de l’aider à récupérer son territoire et son trône.
Voulet sera informé de la mission de Steward. Il l’intercepte le 07 février 1897 à Tenkodogo et dès le 08 février les négociations s’engagent entre les français et les anglais.

Les deux officiers expriment la nécessité des ‘’nations civilisées" de ne pas se battre en ‘’terre sauvage’’. Le 09 février, un accord est scellé entre les deux représentants des puissances colonisatrices.

C’est la grande déception et la grande trahison pour Naaba Wobgo. Il perd à jamais son territoire. Meurtri par la trahison des anglais et l’humiliation, Naaba Wobgo meurt en exil à Gold Coast, loin des siens.

Ceci n’est un cas illustratif parmi tant d’autres. Les puissances impérialistes se battent pour leurs intérêts. Elles n’ont rien à foutre avec la libération véritable des peuples sous domination. Les puissances impérialistes sont prêtes à toutes les trahisons possibles dès qu’un compromis est trouvé entre elles pour le partage ou le repartage des matières premières des pays sous domination.

Tout ce qu’un peuple en lutte pour sa libération nationale et sociale doit faire c’est de s’organiser correctement et savoir compter sur ses propres forces.
Une proie ne saura compter sur un lion pour le libérer d’un autre prédateur tel le loup. S’il la libère, ce n’est pas par humanisme mais pour qu’elle devienne sa propriété. Pas autre chose !

Nicolas Machiavel affirmait :
"Les hommes aiment à changer de maître dans l’espoir d’améliorer leur sort ; que cette espérance leur met les armes à la main contre le gouvernement actuel ; mais qu’ensuite l’expérience leur fait voir qu’ils se sont trompés et qu’ils n’ont fait qu’empirer leur situation."

Pour cet auteur, les armes mercenaires ne font jamais du bien. Elles causent plus de mal que de bien au prince ou à l’Etat.

Les armes auxiliaires sont une autre forme d’armes inutiles. En effet, elles sont bonnes pour elles-mêmes. Mais, pour celui qui les utilise, elles le rendent dépendant et il devient « ipso facto » leur prisonnier : « Cette sorte d’arme peut bien être bonne et profitable pour elle-même, mais à ceux qui y font appel, elle est presque toujours dommageable. Car si on perd, on reste battu, et si on gagne, on demeure leur prisonnier » disait Machiavel

Nous devons savoir tirer les leçons (acquis et limites) de la résistance nos devanciers pour mieux organiser et conduire les luttes actuelles.

Tout le pouvoir au PEUPLE car les coups d’état sont des aventures incertaines et contre-révolutionnaires !

Armées étrangères, Hors du Burkina et d’Afrique !

Une réflexion de Salif Nignan