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CÔTE D’IVOIRE : Changer l’image de l’armée

D 18 octobre 2011     H 05:02     A     C 0 messages


ABIDJAN - Le gouvernement ivoirien souhaite améliorer l’image de son armée qui connait des réformes majeures, y compris la démobilisation de 10 000 soldats d’ici à la fin de l’année, l’entraînement des troupes et la restructuration des postes existants.

L’armée du pays - les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), créée en mars par le président Alassane Ouattara - sera renommée Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (FANCI).

Les FRCI étaient principalement composées d’anciens membres du groupe rebelle Forces Nouvelles (FN), qui contrôlait auparavant le nord de la Côte d’Ivoire, et de volontaires ; les FANCI seront, elles, composées de 29 000 soldats des anciennes Forces de Défense et de Sécurité (FDS) du président Gbagbo, de 9 000 soldats des FN et de 2 000 volontaires, selon des experts de la sécurité.

Les FRCI inspirent cependant de la méfiance en raison de la division du pays pendant dix ans et du comportement de certains membres des FRCI lors des violences qui se sont produites dans le pays en début d’année. « On a noté une évolution significative au cours de ces deux derniers mois. À la fin de la guerre, les FRCI étaient considérées comme causant l’insécurité et assurant la sécurité à la fois ; aujourd’hui, cela change », a dit Gilles Yabi, chargé de l’Afrique de l’ouest à l’International Crisis Group (ICG).

Nombre d’habitants attribuent la responsabilité de la délinquance et des pillages pendant la bataille d’Abidjan aux troupes des FRCI. Quelque 30 000 volontaires ont rejoint les FRCI lors du conflit, mais ils n’ont pas reçu de formation. « La plupart [des volontaires] manquent d’éducation et nombre d’entre eux sont de simples délinquants », a indiqué à IRIN Yvette N., une femme de ménage qui vit dans le quartier d’Attoban au nord d’Abidjan. « Même s’il y a moins de violences [maintenant], je ne me sens pas encore rassurée quand je les vois », a-t-elle dit à IRIN.

Si la méfiance subsiste, la sécurité s’est tout de même améliorée dans la capitale : les troupes du FRCI sont moins présentes dans les rues ; il n’y a presque plus de points de contrôle ; on note également une diminution des faits d’extorsion et de pillages, selon Guillaume Ngefa, le Chef par intérim de la Division des Droits de l’Homme de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Les faits de violence sont également en baisse dans tout le pays.

Les tensions subsistent

La situation reste tendue dans certains quartiers, comme ceux d’Abobo et de Yopougon à Abidjan. À la mi-septembre, des jeunes du quartier Blockosso - un quartier traditionnellement favorable à M. Gbagbo - ont incendié un véhicule des FRCI après qu’un de leurs membres ait accidentellement blessé un habitant du quartier lors d’une échauffourée. Suite à cet incident, les FRCI ont quitté le quartier.

Mais dans certaines parties de l’intérieur du pays, et notamment dans le sud qui était sous contrôle de M. Gbagbo ces dix dernières années, « on se croirait aux premiers jours de la guerre ... les forces des FRCI patrouillent dans les rues, mais on voit peu de policiers et de gendarmes », a dit un journaliste ivoirien spécialiste des questions de sécurité, qui a préféré conserver l’anonymat.

L’insécurité est particulièrement forte dans l’ouest. De la mi-juillet à la mi-août 2011, l’ONUCI a fait état de 26 exécutions extrajudiciaires ou homicides arbitraires commis par les forces des FRCI, pour la plupart dans l’ouest du pays ; les FRCI auraient également été impliquées dans des affaires de banditisme et de racket.

« La relation demeure tendue entre les FRCI et les civils dans l’ouest, et les FRCI résolvent beaucoup de problèmes en faisant justice eux-mêmes », a-t-il dit.

Les commandants de zone

M. Ouattara a tenté d’affaiblir les commandants des FRCI en les déchargeant de leur fonction de commandants de zone (qui ont démantelé le nord et contrôlé le territoire), avant de les affecter à des postes de commandants chargés de la sécurité présidentielle, par exemple - les séparant ainsi de leurs troupes.

Mais nombre d’entre eux ont toujours de l’influence sur leurs hommes. La nuit du 23 septembre, deux groupes des FRCI, sous les ordres de deux anciens commandants de zone, en sont venus aux mains à Yopougon et un soldat a trouvé la mort.

« Nous insistons sur le fait qu’il n’est plus possible de travailler avec tel ou tel commandant de zone. C’est fini », a dit le ministre de la Défense Paul Koffi Koffi lors d’une visite à Yopougon le 24 septembre. Dans une interview accordée à IRIN ultérieurement, il a indiqué : « Notre travail consiste à rééduquer les soldats, en particulier les jeunes, et de les aider à changer de comportement ».

Des analystes notent que M. Ouattara dispose d’une marge de manouvre limitée pour restructurer les troupes des FRCI en profondeur, car celles-ci l’ont aidé à prendre le pouvoir.

Le rôle de la police et des gendarmes au sein des forces de sécurité doit être réaffirmé, ont dit des experts de la sécurité. Depuis le conflit, on estime que 99 pour cent des gendarmes et des officiers de police (avec les anciens des FDS) sont revenus dans le pays, tout comme 85 pour cent des troupes des forces terrestres, selon le ministre de la Défense.

Ces retours ont eu un impact psychologique important sur les Ivoiriens, selon M. Ngefa.

Selon M. Koffi Koffi, les baraquements situés au sud d’Abidjan, qui étaient auparavant occupés par les forces des FRCI, ont été rendus aux officiers de police et aux gendarmes.

Compromis insatisfaisants

À Abidjan, les FRCI, la police et les gendarmes effectuent des patrouilles conjointes, mais seules les FRCI sont armées. « On dirait que les vainqueurs de la bataille ont accepté de travailler avec ceux qu’ils ont battus, mais ils les superviseront à toutes les étapes », a dit un diplomate africain qui a souhaité conserver l’anonymat.

Un embargo sur les armes, mis en place en 2004, a empêché le gouvernement d’armer les forces de police et les gendarmes, a dit M. Koffi Koffi.

La nomination d’un nouveau chef des forces de sécurité à la tête des anciennes FDS et FN devrait permettre de rééquilibrer les pouvoirs, et de clarifier la chaîne de commandement, a dit M. Yabo de l’ICG.

Actuellement, les officiers de police doivent faire des compromis insatisfaisants, a dit un sergent de police d’Abidjan à IRIN, y compris être supervisés par des personnes qui, dans bons nombres de cas, sont moins formés qu’eux. « La situation était extrêmement tendue au départ, mais les choses s’améliorent progressivement. Il y a encore de la méfiance [entre les différentes troupes], mais je comprends qu’ils ne peuvent pas réarmer tout de suite des soldats qui se sont battus contre eux ».
Mais alors que le pays reprend vie, la crédibilité de M. Ouattara - dans le monde et en Côte d’Ivoire - repose sur une approche équilibrée de la responsabilité des crimes commis au cours des violences, a dit M. Yabi. Alors que 58 membres des anciennes FDS font l’objet d’une enquête pour crimes de guerre [ http://www.irinnews.org/report.aspx?reportid=93307 ] , les forces des FRCI n’ont pour l’instant fait l’objet d’aucune enquête.

Source : http://www.irinnews.org