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Ghana : Le panafricanisme de Kwamé NKRUMAH

D 1er juin 2011     H 04:41     A Moulzo     C 0 messages


« Le nationalisme africain ne se limite pas seulement à la Côte d’Or, aujourd’hui le Ghana. Dès maintenant il doit être un nationalisme panafricain et il faut que l’idéologie
d’une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation, se répandent partout dans le continent »,
déclare dès 1960 celui qui fut le père de l’indépendance du Ghana (ex-Gold Coast) en 1957.

Fils unique d’une mère commerçante et d’unpère chercheur d’or, Kwamé Nkrumah est né en 1909 à Nkroful, un village du sud-ouest de la colonie britannique de la Côte d’Or. En 1935, il quitte son pays pour aller étudier l’économie et la sociologie à l’université Lincoln en Pennsylvanie. Là, il découvre les écrits des auteurs noirs Marcus
Garvey et W.E.B Du Bois qui alimenteront sa future
idéologie. En 1943, il écrit son premier pamphlet anticolonial
Towards colonial freedom, dans lequel il dénonce
l’asservissement de l’Afrique. La poursuite de ses études de
droit le mène en 1945 à Londres où il ne tarda pas à
rejoindre le syndicat des étudiants d’Afrique de l’Ouest et
organise la 5e conférence panafricaine de Manchester. Il y
rencontre Jomo Kenyatta, futur président du Kenya. Ses
textes enflammés, publiés dans le journal Le Nouvel
Africain promettent l’unité africaine et font parler de lui : le
nom de Nkrumah est désormais synonyme de radicalisme
pour l’administration coloniale en Gold Coast.

Dès son retour au pays natal en 1947, Nkrumah prend la
tête du nouveau parti pour l’Indépendance l’United Gold
Coast Convention, et mène des actions dans tout le pays.
Son emprisonnement en 1948 pour agitation politique, lors
d’une manifestation contre le gouvernement, lui confère un
statut de martyre politique, un statut qu’il cultive d’ailleurs.
La pression est grande sur l’administration coloniale qui est
obligée de faire des concessions. En 1952, Nkrumah
devient le premier ministre de la Côte d’Or et son nouveau
parti, le CPP (Convention People’s party) gagne toutes les
élections organisées par les Britanniques pour tester les
préférences politiques du peuple. Le 6 mars 1957, la Côte
d’Or devient indépendante et se rebaptise immédiatement
Ghana en hommage à l’ancien empire du Ghana.

« Nkrumaïsme »

A la tête du premier Etat indépendant d’Afrique après le
Soudan en 1956, Nkrumah en devient le président en
1960. Il oeuvre activement pour la libération des pays
encore soumis à la domination coloniale (c’est ainsi qu’il
apporta
25 millions de dollars de soutien à la Guinée de Sékou
Touré suite à la déclaration de son indépendance en 1958)
et tente de réer un embryon d’industrie en créant des
usines de transformation partout dans le pays. La même
année, la réunion des chefs d’Etat africains se tient à Accra
sous l’égide du ghanéen qui affirme la nécessité pour
l’Afrique « de développer sa propre communauté et sa
personnalité », et son non-alignement aux deux blocs. Il y
influencera de jeunes militants africains comme Patrice
Lumumba qui voit en cette rencontre sa véritable prise de
conscience de la grande force d’une Afrique unie.

La politique extérieure de Nkrumah est toute entière
dédiée à la construction de l’unité africaine qu’il pense
comme une fusion organique d’Etats Indépendants et non
comme leur simple coopération. Il joint l’idéologie à l’acte
en tentant une Union des Etats Africains en mai 1961 avec
la Guinée de Sékou Touré et le Mali de Modibo Keïta, tous
deux en conflit ouvert avec l’ancien colonisateur français .
En 1963, Nkrumah sera ainsi l’un des pères fondateurs de
l’Organisation de l’Union Africaine qui, toutefois, délaissera
vite les idées trop radicales du Ghanéen.

En 1964, Nkrumah entend promouvoir sa doctrine, le
« consciencisme » (une sorte de matérialisme édulcoré
(c’est-à-dire pas nécessairement athée et inspiré du
marxisme) qui fera, selon lui, émerger l’Afrique
postcoloniale. Empreinte d’un marxisme non orthodoxe
associé au concept traditionnel africain de collectivisme, le
consciencisme, aujourd’hui rebaptisé « nkrumaïsme » vise
en premier lieu « la résurrection des valeurs humanitaires
et égalitaires de l’Afrique traditionnelle dans un
environnement moderne ».

Mais en se tournant de plus en plus vers le communisme, il
devint très vite l’ennemi à abattre pour les pays
occidentaux qui voient en lui le fer de lance d’une future
« communisation » de l’Afrique. Après avoir échappé à
deux tentatives d’assassinat, Nkrumah devenu paranoïaque
se radicalise, réprimant dans le sang les manifestations,
enfermant les opposants et se déclarant « président à
vie ». Son parcours n’est pas sans rappeler celui de son
ami Sékou Touré qui l’accueillera d’ailleurs en Guinée après
le coup d’Etat militaire dont il est victime en février 1966. Il
meurt quelques années plus tard d’un cancer à Bucarest
(Roumanie) en 1972.

Passé du mythe à la décadence, Kwamé Nkrumah n’en
reste pas moins un des plus grands penseurs de l’unité
africaine. Sa pensée renaît parmi les jeunes générations
africaines et influence tous ceux qui croient fermement que
l’Afrique doit se tourner vers ses propres valeurs et se
libérer du complexe occidental pour être libre et forte.

Moulzo