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La lutte contre la faim au point mort en Guinée-Bissau

D 22 mai 2013     H 12:58     A IRIN     C 0 messages


BISSAU/DAKAR - Le Programme alimentaire mondial (PAM) n’a pas reçu les financements nécessaires à la mise en ouvre de ses programmes de nutrition et de sécurité alimentaire en Guinée-Bissau, ce qui met en danger l’existence ou la poursuite de ces programmes.

L’organisme a besoin de sept millions de dollars pour financer le programme de sécurité alimentaire et de nutrition qui devait bénéficier à 278 000 personnes en 2013, et il lui faudra huit millions de dollars supplémentaires pour poursuivre ce programme en 2014. Le programme prévoit le financement de cantines scolaires, la prévention de la malnutrition aiguë modérée et des efforts pour stimuler la production de riz. Il devait débuter en février 2013.

Fatimata Sow-Sidibé, chargée de programme du PAM, a dit à IRIN que l’organisme manque d’argent, car les bailleurs de fonds traditionnels ont décidé de suspendre le programme de coopération pour le développement à la suite du coup d’État d’avril 2012.

« [Les bailleurs de fonds] ont pris des engagements », a dit Mme Sow-Sidibé, « mais le programme devait débuter en février et nous n’avons pas les moyens d’acheter les denrées alimentaires dont nous avons besoin ».

Suite au coup d’État du 12 avril 2012, les bailleurs de fonds traditionnels n’ont quasiment plus fourni de fonds pour le développement à la Guinée-Bissau, ce qui a entraîné le gel des projets d’infrastructure et l’arrêt des services publics de base à travers le pays. Les fonds destinés à l’aide humanitaire devaient en revanche être maintenus. Mais le PAM est confronté à un problème : son programme prévoit des activités de développement et des activités d’urgence, ce qui veut dire qu’il ne peut pas bénéficier des fonds destinés à l’aide humanitaire.

Suite au coup d’État, la Banque africaine de développement a décidé de suspendre les fonds alloués aux projets de développement agricole et rural. Les coupes « ont un impact direct sur la sécurité alimentaire en Guinée-Bissau, alors que le pays est confronté à un important déficit en céréales en raison de l’inadéquation de la production locale », a dit un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture qui a préféré l’anonymat.

En Guinée-Bissau, l’insécurité alimentaire est principalement liée au fait que la population a des difficultés à accéder à la nourriture en raison du prix élevé des denrées alimentaires. La majorité de la population du pays dépend des importations de riz pour survivre, car elle se concentre sur les cultures de rente (noix de cajou) au détriment des cultures vivrières.

Les prix des produits alimentaires augmentent chaque année depuis 2008 (le prix du kilogramme de riz importé s’élève à 1,20 dollar) et la dernière évaluation de la faim dans les zones rurales (2011) a montré que les ménages vulnérables n’avaient pas accès à la nourriture principalement en raison des prix élevés des denrées alimentaires.

L’évaluation de la sécurité alimentaire, qui devait être menée en 2012 à travers le pays, a été reportée suite au coup d’État, mais une évaluation rapide de la situation alimentaire dans les régions de Biombo, Oio et Quinara en juin 2012 a montré qu’une personne sur cinq souffrait d’insécurité alimentaire (la situation dans les régions de l’est du pays n’a pas été évaluée). À l’époque de l’évaluation, environ 65 pour cent des ménages disposaient de réserves de nourriture pour moins d’un mois et le nombre de personnes décidées à s’endetter, à vendre leurs animaux et à produire du vin de cajou pour survivre était en augmentation.

La crise de la noix de cajou

La capacité de la population à acheter de la nourriture a été sérieusement compromise par la crise de la noix de cajou : 80 à 95 pour cent des Bissau-Guinéens dépendent de la vente de la noix de cajou pour acheter des denrées alimentaires et couvrir leurs dépenses de base. Les termes de l’échange se détériorent depuis 2011. Les bonnes années, cajou et riz s’échangent à parité ; en 2012, un producteur devait fournir un kilo et demi de noix de cajou pour s’offrir un kilo de riz, et en 2013 il devra fournir deux kilos de noix de cajou pour s’offrir un kilo de riz, selon les études réalisées par le ministère de l’Agriculture et le PAM. « Ici, tout est lié à la noix de cajou », a dit Mme Sow-Sidibé.

La détérioration des termes de l’échange est liée au ralentissement de la récolte de noix de cajou en 2012, à la chute des prix de la noix de cajou suite au coup d’État (passé de 0,80 dollar le kilo en mai 2012 à 0,50 dollar le kilo un mois plus tard) et aux prix fixes bas sur les marchés internationaux.

Les producteurs de noix de cajou doivent aussi faire face au prix exorbitant du carburant (1,50 dollar le litre), qui se traduit par une augmentation du coût du transport de leur production jusqu’au marché.

Programmes en cours

Le PAM poursuit ses programmes d’aide alimentaire partout où il le peut. Ainsi, l’organisme apporte son soutien aux habitants des villages de deux districts de la région de Gabu (Mancadndje Dara et Madina Madinga), situés à l’est du pays, et de deux districts de la région de Bafata (Djabicunda et Sare Biro). Il les aide à améliorer leurs techniques agricoles pour stimuler leur production de riz : pour cela, il leur distribue des semences et leur verse une aide destinée à la location d’animaux pour transporter leur production jusqu’au marché. Le PAM promeut également la création de potagers afin d’améliorer la diversité alimentaire et d’augmenter les revenus des ménages.

Mutaro Indjai, chef du comité des producteurs de riz du village de Saucunda, situé dans la région de Gabu, a dit à IRIN : « Ce programme nous a permis d’accroître notre production, qui est désormais suffisante pour nous nourrir pendant quatre mois contre un mois auparavant ».

Si le PAM met un terme à son programme, les producteurs continueront d’utiliser les techniques de production améliorées, mais ils n’auront pas de semences à planter l’année prochaine. « Nous n’aurons pas accès aux semences, nous n’aurons pas d’animaux pour semer les graines rapidement et transporter notre production jusqu’aux villages voisins », a-t-il dit à IRIN.

Nutrition

Les programmes de nutrition n’ont pas été épargnés. Le PAM promeut la diversité alimentaire, car les taux élevés de malnutrition chronique enregistrés en Guinée-Bissau s’expliquent notamment par les pratiques alimentaires.

L’organisme promeut une alimentation plus variée (les enfants reçoivent une nourriture riche en amidon) à base de soupe de poisson, de pois, de carottes, de tomates et de céréales à base de millet. Il vient aussi en aide aux organisations non gouvernementales (ONG) locales qui se rendent dans les centres de santé et les villages à l’occasion des journées de vaccination et expliquent aux parents comment préparer des repas riches en nutriments - à base de farine de maïs, de poudre d’arachide, de poudre de haricot, d’huile et de sucre, entre autres - pour leurs enfants. Ces programmes sont appliqués pendant les 1 000 premiers jours de l’enfant.

Environ 17 pour cent des enfants de moins de cinq ans ont un poids insuffisant et 27 pour cent présentent un retard de croissance en raison d’une mauvaise alimentation, selon une étude sur la nutrition conduite en décembre 2012 par l’UNICEF et le ministère de la Santé.

Les spécialistes de la faim préviennent que les taux de malnutrition chronique risquent d’augmenter si la prévention ne s’améliore pas.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) aide le ministère de la Santé à établir des centres de traitement nutritionnel, fournit des aliments thérapeutiques aux enfants qui souffrent de malnutrition sévère et a participé à la mise à jour de la stratégie gouvernementale de gestion de la malnutrition aiguë en février 2013. « Le manque de financement, de partenaires de la nutrition et de personnels qualifiés dans le domaine de la nutrition » sont les principaux défis auxquels l’UNICEF doit faire face, a dit Victor Suhfube Ngongalah, responsable de la lutte pour la survie des enfants. L’UNICEF a besoin de 750 000 dollars pour assurer la mise en ouvre de ses programmes en 2013 et 2014.

La Guinée-Bissau se classe au 176ème rang sur 187 dans le Rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L’instabilité politique a entravé le développement du pays. Depuis 1994, aucun président n’a fini le mandat pour lequel il a été élu en Guinée-Bissau.

Source : http://www.irinnews.org