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Libéria : Attaqués ou condamnés, les journalistes pris pour cible

D 23 juillet 2022     H 06:30     A Reporters sans frontières     C 0 messages


Une journaliste d’investigation condamnée à un mois de prison, trois journalistes agressés en deux jours… Reporters sans frontières (RSF) condamne la montée des exactions envers les journalistes, depuis fin juin, au Liberia et appelle les autorités à les protéger, surtout en cette année pré-électorale.

Après sa condamnation, le 5 juillet, à un mois de prison par un tribunal de Paynesville, banlieue à l’est de Monrovia, capitale du Libéria, pour “trouble à l’ordre public” dans une affaire l’opposant à un homme politique, Marvin Cole,la journaliste d’investigation Bettie K. Johnson Mbayo est formelle : “Ces accusations portées contre moi ont pour but de me faire taire.”

Dans le pays, outre cette condamnation de Bettie K. Johnson Mbayo, des agressions de la part des forces de sécurité ou de responsables politiques ont visé trois journalistes depuis fin juin.

“Qu’il s’agisse d’attaques physiques, d’arrestations arbitraires ou de condamnations sur la base de prétextes fallacieux, les violations commises contre les journalistes se multiplient ces derniers jours au Libéria, déclare Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique de l’Ouest à RSF. La condamnation de Bettie K. Johnson Mbayo est disproportionnée et elle doit être annulée en appel. Cette décision envoie un signal désastreux pour la liberté de la presse dans le pays, déjà mise à mal depuis plusieurs semaines. Les autorités doivent tout faire pour mettre un terme aux attaques, menaces et intimidations envers les journalistes, alors que le pays s’achemine vers des échéances électorales décisives l’année prochaine.”

“Tentative d’intimidation”

Journaliste d’investigation réputée et primée dans son pays, dont le travail a permis de révéler des scandales majeurs impliquant de grandes institutions de sécurité au Libéria, Bettie Mbayo est convaincue que cette affaire est un prétexte pour l’empêcher de faire son travail. Elle déclare à RSF : “C’est une tentative d’intimidation. Lorsque le jugement a été lu, l’homme politique a dit que je passerai un long moment en prison pour que je ne puisse plus faire des reportages sur son parti”.

Le 15 janvier, Bettie Mbayo et son mari avaient garé leur véhicule devant la résidence de Marvin Cole pour rendre visite à un ami, et avaient été agressésphysiquement par ce dernier et ses employés qui leur demandaient de quitter les lieux. La journaliste avait alors reçu un coup de pied à la jambe gauche, occasionnant plusieurs contusions.

Portée devant le tribunal, l’affaire s’est soldée, le 5 juillet, par la condamnation de la journaliste et de son mari. Ils ont fait appel auprès de la Cour suprême du Liberia et restent libres jusqu’à la décision finale.

La sécurité des journalistes mise à mal

Les attaques contre des journalistes, et tout particulièrement ceux couvrant des questions politiques, ont mis en lumière la fragilité de leur sécurité au Libéria.

Le 29 juin, au lendemain de l’élection du gouverneur du comté de Lofa, dans le nord-ouest du pays, les journalistes Emmanuel Kollie, reporter et présentateur pour le groupe de médias publics Liberia Broadcasting System (LBS) et Amos Korzawu, reporter pour le site d’information Fortune TV Liberia, ont été violemment agressés et menacés par des agents de sécurité. Ils étaient partis couvrir un affrontement post-électoral dans la rue.

Racontant à RSF les circonstances de cette attaque contre lui et son confrère, Emmanuel Kollie déclare “Nous avons été intimidés, agressés et même flagellés alors que nous n’étions sur les lieux de ces échauffourées que pour faire notre travail de journaliste. Malheureusement, nous n’étions pas en mesure d’identifier formellement les agents de sécurité impliqués car ils portaient des casques de protection.”.

Les journalistes ont signalé l’incident à la police, qui n’a pas encore donné suite à l’affaire.

La veille, la reporter R. Joyclyn Wea, travaillant pour le journal New Republic, a été attaquée par la cheffe du protocole de la présidence, Cleopatra Cummings, pour avoir pris sa photo dans un tribunal de Monrovia. Inculpée dans une affaire d’agression, Cleopatra Cummings, accompagnée de sa fille, est entrée de force dans la salle réservée aux journalistes pour demander que sa photo soit effacée, en insultant et menaçant la journaliste.