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Le nord du Mali face à l’adversité

D 19 août 2014     H 05:01     A IRIN     C 0 messages


GAO - Les habitants du nord du Mali, qui se remettent à peine de l’occupation islamiste, sont à nouveau confrontés à des ravages causés par de récents affrontements entre les forces rebelles séparatistes et les troupes du gouvernement. Les violences ont augmenté l’insécurité, entravé une intervention humanitaire déjà difficile et entraîné une hausse du nombre de personnes souffrant de la faim.

Certains secteurs du nord du Mali sont retombés entre les mains de trois mouvements rebelles séparatistes depuis les affrontements qui ont eu lieu en mai dans la région de Kidal. Plus de 18 000 personnes ont dû fuir. Les combats et l’impact durable de la crise alimentaire de 2012-2013 ont eu de graves conséquences pour la population, limitant l’accès à la nourriture et aux moyens de subsistance pour les plus vulnérables.

Les tensions entre communautés, l’insécurité persistante et les rumeurs et craintes de nouvelles violences ont également entraîné des déplacements.

« Les récents combats ont fait régresser la situation humanitaire et ont accentué la crise. Les services dans le nord sont toujours limités, tout comme l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux marchés, sans parler de l’insécurité alimentaire, renforcée par les récents déplacements », a dit Erin Weir, conseiller en protection et plaidoyer auprès du Conseil norvégien pour les réfugiés. [ http://www.irinnews.org/fr/report/99738/%C3%80-peine-sorti-de-la-crise-le-mali-en-proie-%C3%A0-la-faim ]

« Les personnes qui tentent avec difficulté de reconstruire leur maison et leur vie après des années de conflit reçoivent très peu d’aide. Les crises qui ont lieu ailleurs font de l’ombre à la terrible situation dans le nord et le Mali est rapidement en train de devenir une crise oubliée », a dit M. Weir.

« Il y a un énorme écart entre les besoins et ce que nous pouvons offrir, » a dit Salamatou Ba, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). « Nous savons que la situation va continuer à empirer et nous aimerions faire plus, mais nous manquons tout simplement d’argent. »

Interruption de l’aide

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a interrompu ses distributions alimentaires à l’extérieur de Gao, Kidal et Tombouctou à la suite d’une attaque contre des membres de son personnel plus tôt cette année.

« Après l’attaque et l’enlèvement de trois de nos employés en mai, nous avons suspendu toutes les opérations à l’extérieur des principales villes [...] Depuis, nous étendons progressivement nos opérations pour atteindre à nouveau notre niveau d’activité d’avant l’attaque », a dit Valery Mboah Nana, du CICR, à Bamako.

Environ 1,9 million de personnes, soit 11 pour cent de la population, ont besoin d’une aide alimentaire. Selon OCHA, ils étaient 1,3 million début 2014.

L’insécurité et les attaques contre des travailleurs humanitaires et des camions transportant des denrées alimentaires ont également interrompu les distributions de nourriture du Programme alimentaire mondial (PAM). Qui plus est, les opérations du PAM au Mali n’ont obtenu qu’un tiers des financements nécessaires.

« Les distributions alimentaires régulières ont été suspendues pendant environ une semaine [après les heurts du mois de mai], puis elles ont repris progressivement à mesure que les conditions de sécurité s’amélioraient. L’évènement a cependant poussé 18 000 personnes à fuir, augmentant ainsi les besoins humanitaires », a dit Emmanuel Bigenimana, coordinateur d’urgence du PAM au Mali.

Hahadou Ag Kaoussane, le maire de la localité de N’Tilit, près de Gao, a été obligé de fuir lorsque des hommes armés qui affirmaient être des membres du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) ont pris le contrôle du village. Il a décrit ces hommes comme des « voleurs et des bandits » déterminés à faire régner la peur.

« Ils sont partout dans le village. Certains d’entre eux sont responsables du pillage de boutiques et d’habitations à Gao lors de la prise de contrôle de la ville par les rebelles. Pendant l’occupation, ils ont fui dans des camps de réfugiés au Burkina Faso et maintenant ils sont de retour », a-t-il dit à IRIN.

Depuis que ces hommes armés ont envahi N’Tilit, les organisations non gouvernementales humanitaires ne se sont pas approchées.

Plus de personnes dans le besoin

Selon une évaluation de la sécurité alimentaire réalisée en mars, 945 284 personnes sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire dans le nord du Mali. Ce chiffre comprend 257 859 en phase IV, ou phase d’urgence, et 687 425 en phase III, définie comme une crise. L’enquête inclut les régions de Gao, Kidal, Tombouctou et quatre districts de la région de Mopti, qui accueille toujours de larges communautés de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PCIP). [ https://mali.humanitarianresponse.info/fr/system/files/documents/files/Rapport_CH_Mali_mars_2014%20version%20finale.pdf ]

Si les déplacés du nord du Mali rentrent progressivement chez eux depuis la déroute des insurgés islamistes début 2013, après neuf mois d’occupation, nombre d’entre eux craignent encore pour leur sécurité et certains ont dû fuir à nouveau.

« En raison des tensions entre communautés et de la peur des représailles, les gens ne se sentent pas en sécurité pour rentrer chez eux. À cause des changements de pouvoir constants - un jour, un secteur appartient aux rebelles et le lendemain, il est repris par les forces du gouvernement - les gens se sentent en sécurité et la minute d’après, ils sont tentés de fuir à nouveau », a dit M. Weir, du Conseil norvégien pour les réfugiés.

Les conflits entre factions rebelles ont également poussé certaines personnes à partir de chez elles. Husseini Dicko et sa famille ont fui les affrontements entre rebelles et se sont installés en plein air, le long des rives du fleuve Niger, près de Gao, où leur survie est une lutte quotidienne.

« Ces terres ne nous appartiennent pas. Nous n’avons pas le droit de cultiver ici. Même s’il y a du poisson dans le fleuve, nous ne pouvons pas le pêcher, car il appartient aux villageois » , a dit Halima Dicko, la femme d’Husseini.

Une survie difficile

À Bandiagara, un district de la région centrale de Mopti, l’une des plus touchées par les pénuries alimentaires, la population a été obligée de réduire ses portions alimentaires et de vendre des objets pour survivre. L’année dernière, les pluies ne sont pas tombées dans de nombreuses régions du Mali. Alors que la pluviométrie est habituellement la plus forte de juin à septembre, les pluies sont arrivées tard et ont pris fin tôt à Bandiagara. [ http://www.irinnews.org/report/99479/mali-s-dogon-hit-by-double-crisis ]

« Des gens ont déjà commencé à quitter Bandiagara pour partir en quête de travail en ville ou dans les fermes des districts voisins », a dit Fatoumata Maiga, qui travaille avec Oxfam à Gao. « Certaines familles ont commencé à vendre leur bétail à prix bas juste pour survivre. La plupart ont réduit leur consommation alimentaire. La majorité des foyers ne font plus qu’un repas par jour au lieu de trois. »

Les éleveurs n’ont pas assez d’eau pour leurs bêtes, a dit Wanalher Ag Alwaly, qui travaille pour l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) à Gao. « Déjà obligés d’abattre leurs bêtes pour nourrir leur famille l’année dernière, ils n’ont pas d’autre choix maintenant que de les vendre à des prix très bas. »

Algateck Ag Ouwaha, un notable de N’Tilit, a dit à IRIN que de nombreux éleveurs avaient trop peur des attaques de bandits pour s’aventurer à plus de quelques kilomètres de leur village. Ils se concentrent donc dans de petites zones où les pâturages disparaissent rapidement.

« Les pâturages se font rares et les éleveurs sont parfois obligés de s’introduire sur des terres appartenant à d’autres éleveurs pastoraux, avec les risques de conflits que cela entraîne », a-t-il dit.

Les marchés font eux aussi face à des pénuries. Les commerçants ne peuvent en effet pas sortir des villes, car les routes sont trop dangereuses à cause du banditisme. Les péages routiers pour les camions allant de Kidal à Gao ont par ailleurs doublé depuis l’année dernière, ce qui décourage de nombreux routiers.

« Nous prenons de grands risques, tout d’abord en quittant Kidal, où nous avons des chances d’être attaqués par des bandits, et ensuite on ne sait jamais qui monte la garde à ces postes de contrôle », a dit un chauffeur routier de Gao qui n’a donné que son prénom, Soumeila.

Les affrontements récurrents, la difficulté à résoudre la crise dans le nord, les déplacements et les attaques ont compliqué les opérations humanitaires et aggravé les souffrances des civils dans cette vaste région aride.

La mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali, qui est chargée d’aider le pays à se remettre sur ses pieds après la crise politique et sécuritaire déclenchée par le coup d’État armé de mars 2012, doit faire avec 3 000 soldats de moins que sa pleine capacité de 12 000 hommes.

Source : http://www.irinnews.org