Mali : l’influenceuse « Rose vie chère » sera jugée pour ses propos critiques sur la transition
22 mars 2023 06:00 0 messages
Au Mali, Rokia Doumbia, plus connue sous le nom de « Rose vie chère » ou « Tantie Rose poivrons », sera jugée pour « incitation à la révolte » et « violences envers le chef de l’État ». Influenceuse active sur les réseaux sociaux, elle avait diffusé la semaine dernière une vidéo dans laquelle elle dénonce l’augmentation des prix et l’« échec » de la transition.
« Sous votre gouvernance, ça ne va pas », « vous n’avez pas fait un coup d’État pour ça », « cette transition est un échec » : dans sa vidéo d’un peu plus de deux minutes, tournée dans un magasin de chaussures, Rokia Doumbia dénonce l’augmentation des prix des denrées de base ou encore les coupures de courant, et interpelle directement les « colonels » qui dirigent le pays, à commencer par Assimi Goïta, chef de l’État.
Présidente de l’association « Anw ka siguida be tagne » (« Notre communauté avance »), cette influenceuse suivie par 170 000 personnes sur les réseaux sociaux, a été placée sous mandat de dépôt et transférée le 15 mars 2023 à la prison pour femmes de Bollé, à Bamako, après trois jours d’interrogatoire.
Un jugement prévu le 14 juin
Elle sera jugée le 14 juin prochain pour « incitation à la révolte », « troubles à l’ordre public », « outrage et violences envers le chef de l’État » et « infractions relatives à la cybercriminalité ». C’est ce qu’indique une convocation émise mercredi 15 mars par le Tribunal de la Commune IV de Bamako, que RFI a pu consulter.
« Elle ne fait que dire ce qui ne va pas pour tous les Maliens », déplore l’un de ses proches, qui estime avec inquiétude que les autorités de transition veulent « la faire taire » et dissuader toute voix critique de s’exprimer.
Le 13 mars, c’est le chroniqueur radio Ras Bath qui a été incarcéré après avoir estimé que l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, mort en détention il y a un an, avait été « assassiné ». Il sera jugé le 13 juin prochain pour, notamment, « atteinte au crédit de l’État ».
« L’objectif, c’est d’intimider »
Pour Omar Berté, avocat et politologue malien, c’est « un signal à l’encontre des voix dissonantes, qui risquent la prison à chaque fois qu’ils prennent la parole pour critiquer l’action gouvernementale ».
Ce chercheur associé à l’université de Rouen souligne : « C’est inquiétant pour la liberté d’expression, c’est inquiétant pour la démocratie malienne. On s’enfonce beaucoup plus dans le musellement de la liberté d’expression au Mali, pour dire les choses clairement. L’objectif, c’est d’intimider les gens, toute personne qui serait tentée d’avoir des opinions divergentes, ou qui serait tentée de prendre la parole pour critiquer la transition. Depuis un certain moment, que ce soit des politiques, des journalistes ou des activistes, les gens ont des choses à dire, mais ils ont peur de prendre la parole au risque d’avoir des ennuis avec la justice. »
Omar Berté conclut : « Nous sommes en train de partir dans une situation qui ne laisse aucune place à la liberté d’expression, aucune place aux critiques contre les autorités de transition, ce qui est très regrettable. »
David Baché
Source : https://www.rfi.fr/fr/afrique
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