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Mali La France en pompier pyromane

D 17 janvier 2013     H 12:57     A Paul Martial     C 0 messages


Quelques jours après avoir rompu le cessez le feu, Ansar Dine et ses alliés du Mujao (Mouvement pour l’unicité du Djihad en Afrique de l’Ouest), AQMI (Al Qaïda au Magreb islamique), renforcé par des militants nigérians de la secte islamique Boko Haram, tentaient de s’emparer de la commune de Konna. Ainsi, 800 à 900 combattants répartis en deux colonnes différentes dans des dizaines de véhicules convergeaient vers cette localité.

Difficile de comprendre les motivations des islamistes. Soit gagner des territoires pour renforcer leur position lors d’éventuelles reprises de négociations, soit tenter après Konna, de s’emparer de l’aéroport de Sevaré à une quinzaine de kilomètres de la grande ville de Mopti, qui aurait ainsi très fortement entravé le déploiement prochain des troupes de la CEDEAO, le regroupement des pays de l’Afrique de l’Ouest.

Malgré ces tentatives réelles de résister, l’armée malienne a dû reculer devant la puissance de feu des djihadistes. L’armée française est intervenue notamment par des frappes aériennes de mirages 2000 D basés à Ndjamena et des hélicoptères. En France, du PS à l’extrême droite, s’est créé un consensus pour approuver cette opération baptisée Serval, la deuxième depuis deux ans. La première fut la tentative de libérer Michel Germaneau et d’empêcher une attaque d’AQMI en Mauritanie qui s’est transformée en fiasco avec assassinat de l’otage français.

La France dans la crise malienne.

La crise malienne vient de trois facteurs qui se sont combinés. L’affaiblissement - voire au Nord la disparition de l’Etat malien - du fait des politiques initiées depuis les année 80 suite à la crise de la dette, politique d’ajustement structurel qui continue et n’a pas seulement déstructuré les services sociaux mais aussi liquidé les quelques industries et entreprises de service maliennes et augmenté le chômage et la misère. La chute brutale de Kadhafi en Libye, a supprimé pour le Sahel un espace de médiation dans les crises récurrentes touarègues et engendré un afflux de combattants surarmés revenant dans leur pays d’origine notamment au Mali. Enfin troisième facteur et non des moindres, la corruption du clan de la présidence de la république. Il est fort probable qu’Amadou Toumani Touré (ATT), comme d’ailleurs d’autres généraux maliens avaient un intérêt financier dans les différents trafics du nord du pays orchestrés par des contrebandiers et les islamistes.
Dans cette crise, la France a une énorme responsabilité puisqu’elle a appuyé les politiques libérales, dirigé l’intervention en Libye et soutenu ATT. D’autant que suite au coup d’Etat qui a fait tomber ATT tel un fruit trop mur, la diplomatie française de Sarkozy puis de Hollande n’a pas varié d’un iota. Elle a, à travers la CEDEAO, remis en selle les caciques de l’ancien régime qui ont conduit le pays à la catastrophe.

L’offensive des djihadistes va permettre au régime de Bamako - dont la légitimité sur le plan constitutionnel est douteux et sur le plan populaire est loin d’être avéré - de décréter l’état d’urgence sur l’ensemble du pays et ainsi pouvoir interdire toute manifestation de la gauche et des organisations populaires. Quant à la France elle peut désormais s’installer officiellement au Mali. Le fait de baptiser cette opération militaire tend à montrer qu’elle s’installe dans la durée, d’autant que François Hollande lui-même indique qu’elle « prendra le temps nécessaire ». De plus les objectifs de cette intervention définis par Jean Yves Le Drian ministre de la défense sont plutôt flous : « contrer l’offensive des groupes djihadistes, empêcher ces groupes de nuire, assurer la sécurité de nos ressortissants, notamment européens » et permettent toutes les interprétations possibles.

La reconquête du nord Mali est un impératif et les populations qui vivent sous le joug de ces « bandits qui se sont déguisés en musulman » pour reprendre l’expression d’une habitante de Tombouctou, sont de fait prisonnières. Mais cette reconquête ne pourra se faire sans l’économie d’une refondation politique du pays. La région nord Mali connaît un nombre d’armes impressionnant, certains membres des communautés comme les Songhaï les Peul ou les Bellah ont créé des milices comme Ganda Iso (fils de la terre en langue Songhaï) avec la volonté d’en découdre avec les touarègues, les maures et les arabes. Une gestion militaire a fortiori avec des troupes étrangères risquerait de provoquer une grave crise humanitaire.

Paul Martial