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Mali " la voix des femmes devra compter dans la réconciliation"

D 28 mai 2013     H 05:00     A Françoise Wasservogel     C 0 messages


Les hommes qui disent vouloir le bien de leurs enfants et leurs petits enfants, doivent reconnaître qu’ils ne feront rien sans l’action sociale et politique des femmes à leurs côtés.

La femme africaine, citoyenne consciencieuse et ouverte, panafricaine et tiers-mondiste au sens noble du terme, a été, au cœur des luttesd’émancipation des peuples dominés, et une véritable actrice des luttes pour l’indépendance.

La femme, berceau de l’humanité, est une reine. La femme est une reine en qui Thomas Sankara a reconnu la source « de tous les courages, la source incomparable d’affection et intarissable de félicité ».

Le 22 septembre 1960, le nouvel état malien du "tout est possible" fut fondé sur les principes du socialisme et le profond désir de liberté, de justice, d’égalité de toutes les citoyennes et tous les citoyens maliens. L’enjeu que constituaient la femme malienne et sa place dans la société a été circonscrit à travers l’élaboration d’un premier Code Malien du mariage et de la tutelle en 1962, qui « consacrait les droits nouveaux de la femme et de la jeune fille au Mali indépendant et optimiste. Ce fut un outil indispensable, à ce jour encore inégalé dans de nombreux pays, pour la question du genre et sa prise en compte comme facteur incontournable de la paix et du développement ».

Malheureusement, le coup-d’état militaire du 19 novembre 1968 est venu « sonner le glas de cette politique d’émancipation de la femme malienne et transformer la majorité minoritaire en bien de consommation pour les détourneurs des deniers publics durant les décennies qui suivront », comme l’a rappelé, Mariam Thyam, malienne engagée, militante des droits humains et des droits de la femme, lors du Colloque « femmes et conflits », qui s’est tenu vendredi 26 avril, à Paris, Salle Colbert, à l’Assemblée nationale, lieu prestigieux, symbole de démocratie.

Les années sombres de Moussa Traoré amenèrent le peuple malien à se révolter, dans ce qu’on peut appeler le premier « printemps africain », pendant lequel les luttes des femmes se confondirent avec les luttes politiques et syndicales pour l’égalité des droits et le respect de la dignité humaine. Les 19, 21, 22 et 26 mars 1991, jours de répression sans merci, sont ancrés dans la mémoire malienne. La manifestation du 22 se transforma en journée noire, et des femmes, voyant les enfants mourir, dans un ultime geste de révolte, se dénudèrent. Aujourd’hui, de nombreux monuments sont consacrés aux Martyrs de ces journées, la stèle du cimetière de Niaréla, le monument des Martyrs à l’entrée du pont, le stade du 26-Mars, la Pyramide du souvenir, pour ne citer que ceux de Bamako.

Cette année, le 5 janvier 2013, à Wabaria, près de Gao, dans un geste de désespérance absolue, face à la violence et aux interdictions faites aux femmes qu’imposaient les bandits armés qui occupaient leur région, des vieilles du village, manifestèrent leur indignation en se mettant nues face à eux, suivant certainement leur instinct de personnes âgées, comme l’explique El hadj Mahamane Touré, sociologue et professeur, pour qui « aucun pouvoir ne peut résister à la malédiction de la femme nue ». Les bandits, honteux et déstabilisés, quittèrent le village. Le geste courageux de ces mamans a été salué comme le geste de mères gardiennes de la dignité du genre humain. Les femmes ont de tout temps et partout été ces gardiennes là.

Les femmes, butin de guerre et victimes de la géopolitique, sont au cœur des conflits armés, comme l‘a si bien redit, Mariam Thyam, « la femme y est toujours visée dans son corps, son cœur et son âme », et alors, c’est toute la société qui est visée, car celui qui ne respecte pas les femmes, ne respecte pas sa propre mère.

Le Mali n’a pas encore fini de tanguer, mais la voix des femmes devra compter dans la réconciliation et la reconstruction du pays car, quand on touche à la femme, on touche au pays, on touche à l’humanité. Les femmes se battront auprès des hommes, d’égale à égal, le chemin se fera ensemble, car les femmes ont besoin des hommes comme les hommes ont besoin d’elles pour aller vers un Mali nouveau, sinon le chemin ne se fera pas.

La société que souhaitait Thomas Sankara, chantre du panafricanisme, laisse une place de reine à la femme. « C’est une société où l’attention des parents pour les filles à l’école est égale à celle accordée aux garçons qui font toute leur fierté. C’est une société qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productrices, aux différents combats sociaux et politiques auxquels est confronté le peuple. C’est des femmes que dépendent la vérité et l’avenir d’un pays, car rien de complet, rien de décisif, rien de durable ne peut se faire dans un pays sans les femmes. »

Le Mali a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils pour se reconstruire et retrouver sa splendeur. La voie vers une ère nouvelle pour le Mali est ouverte si, et seulement si, les hommes, qui disent vouloir le bien de leurs enfants et leurs petits enfants, reconnaissent qu’ils ne feront rien sans l’action sociale et politique des femmes à leurs côtés.

Françoise Wasservogel