Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Niger » Enlèvement de ressortissants français au Niger

Enlèvement de ressortissants français au Niger

D 4 octobre 2010     H 04:50     A Robin Guébois     C 0 messages


Jeudi 16 septembre, six salariés de Sogea-Satom, filiale du
groupe Vinci, et un salarié d’Areva ont été enlevé à Arlit, au
nord du Niger. Cinq d’entre eux sont français. L’enlèvement
aurait été commandité par un des groupes islamistes opérant
dans le Sahel et se revendiquant d’Al Qaïda, peut-être le même
qui avait procédé à l’enlèvement de Michel Germaneau, exécuté
cet été à la suite d’une opération militaire franco-mauritanienne
ratée. Si ce scénario est confirmé, il faut y lire une intention
délibérée de frapper la France au coeur de ses intérêts
économiques stratégiques sur le continent
Africain. C’est en effet du Niger qu’est extrait
par Areva le tiers de sa production mondiale
d’uranium, proportion qui doit encore
progresser avec l’ouverture prochaine du
gisement géant d’Imouraren. S’il y a peu de
risque de voir la multinationale et l’Etat
français (1er actionnaire) renoncer à une
exploitation aussi rentable que dangereuse
pour les populations locales, on va en
revanche assister à une remilitarisation de la
présence française dans les pays de la zone
sahélienne.
Depuis plusieurs mois déjà, les forces spéciales françaises du
COS ont renforcé leur coopération militaire avec la Mauritanie et
le Mali pour ne pas lâcher du terrain face aux forces spéciales
américaines, engagées depuis plusieurs années dans des
programmes de formation et des exercices militaires grandeur
nature avec les armées de la région, également au nom de la
lutte anti-terroriste, mais visant en fait à préparer le terrain à
d’éventuelles futures interventions. L’armée mauritanienne, bien
qu’elle nie à nouveau tout lien entre la prise d’otage et sa
nouvelle intervention militaire au Mali contre Al-Qaïda, confirme
son rôle de supplétive de l’armée française, depuis le putsch du
colonel Abel-Aziz, qui avait bénéficié des faveurs de l’Elysée. On
se souvient en effet qu’en juillet dernier, la France avait tenté une
libération de Michel Germaneau sous couvert d’une intervention
mauritanienne. Abdel Aziz avait beau prétendre que ses troupes
avaient agi seules, les révélations d’un journal espagnol avaient
forcé l’exécutif français à reconnaître la participation d’agents de
la DGSE et des forces spéciales françaises du COS. Compte tenu
de l’importance que ces dernières ont pris dans la formation des
corps d’élite de l’armée mauritanienne, c’est bien évidemment
elles qui dirigeaient l’opération. Cette fois-ci, les forces spéciales
françaises sont restées plus discrètes, ou se sont tenues à l’écart
des combats. Des élus maliens ont également dénoncé des
bavures, un véhicule civils ayant été pris pour cible par erreur par
l’aviation mauritanienne, tuant une fillette et sa mère et blessant
plusieurs autres personnes. En juillet déjà, des civils innocents
avaient été enlevés par l’armée mauritanienne (ce que la France
avait nié), puis finalement rendus à leur communauté.
Quatre-vingt militaires français ont pris position au Niger
officiellement pour n’effectuer que des vols de reconnaissance et
apporter un « soutien technique » à l’armée nigérienne, mais le
porte-parole du gouvernement n’a pas exclu la possibilité d’une
intervention militaire française. Et en effet, différentes sources
attestent également de l’arrivée de soldats du COS au Burkina et
au Niger, suite au refus du Mali de voir s’installer une base
militaire, même provisoire, sur son sol. Selon Le Monde, le
président malien aurait en revanche accepté de fermer les yeux
en cas d’intervention militaire, si celle-ci partait d’un pays voisin.
S’il est de plus en plus clair que la question du terrorisme va
devenir centrale dans le discours visant à relégitimer la présence
militaire française en Afrique, l’efficacité réelle en la matière reste
à démontrer, comme l’a montré l’affaire Germaneau. A l’inverse,
comme le redoutent quelques journalistes et chercheurs avisés, il
faut craindre que ces discours ne se transforment en « prophétie
autoréalisatrice », donnant aux groupes sahéliens qui se
revendiquent d’Al Qaïda, le moyen d’accroître leur légitimité aux
yeux des populations locales sous couvert d’anti-impérialisme,
comme cela s’est produit avec les Talibans en Afghanistan ou les
Shebabs en Somalie. Sur fond de misère et de populations
sahéliennes délaissées par leurs gouvernements respectifs,
certains observateurs craignent même qu’une intervention
militaire française ne crée les conditions d’un embrasement
régional. Et ce d’autant plus que dans le cadre d’une rivalité
accrue entre la France, les Etats-Unis, la Chine et l’Algérie pour
l’exploitation des ressources géologiques et le contrôle sécuritaire
de la région, il n’est pas interdit de penser que certains peuvent
avoir intérêt à souffler sur les braises. Les liens troubles existants
entre certains membres d’AQMI et le renseignement militaire
algérien sont par exemple régulièrement pointés du doigt et
mériteraient d’être éclaircis.

Robin Guébois