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Les réfugiés et les rapatriés du Nigeria pèsent sur les populations d’accueil au Niger

D 26 mai 2014     H 05:29     A IRIN     C 0 messages


Il y a désormais plus de rapatriés et de réfugiés dans la région de Diffa, au sud-est du Niger, à la frontière avec le Nigeria, que de réfugiés maliens dans l’ouest du Niger. Cette présence fait peser une pression sur les populations hôtes qui sont parmi les plus pauvres de la planète, selon les autorités locales.

Selon le HCR, environ 40 000 personnes ont trouvé refuge dans la région de Diffa suite au regain de violences perpétrées par Boko Haram au Nigeria. D’autres ont fui vers le Cameroun et le Tchad.

« Le nombre de réfugiés qui arrivent ici augmente presque chaque jour », a dit Mamouni Hawna, chef du quartier d’Afnori, à Diffa. « Mais à l’heure où nous parlons, personne n’a reçu d’aide ».

Les chiffres sont « inquiétants », a dit Benoit Thiry, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) au Niger. « Nous sommes très préoccupés par la situation qui crée une pression énorme sur la communauté hôte qui souffre déjà d’insécurité alimentaire ».

Il n’y a pas pour l’instant de camp de réfugiés dans la région de Diffa, alors les réfugiés sont hébergés par des familles d’accueil dispersées dans 21 villages. Bon nombre d’arrivants sont des femmes qui ont perdu leur mari ou des enfants qui ont été séparés de leurs parents, selon M. Hawna. Leur première priorité est de trouver un abri et de la nourriture.

Les familles d’accueil ont faim

Les populations locales sont déjà extrêmement vulnérables ; elles sont exposées à de nombreux risques, y compris des phénomènes de sécheresses chroniques et d’inondations, combinés à une pauvreté profonde, à l’endettement, à la qualité insuffisante des services de base, au mauvais état des routes et à un niveau élevé d’insécurité alimentaire et de malnutrition. En raison des mauvaises récoltes de 2013, les réserves de nourriture sont faibles et bon nombre de foyers n’ont plus de nourriture.

« La population de la région de Diffa était déjà très vulnérable, même avant l’arrivée des réfugiés », a indiqué Mahamadou Guidé Amadou, responsable de l’équipe du HCR à Diffa. « Maintenant, on retrouve deux ou trois familles vivant sous le même toit et essayant de se partager un repas. C’est inquiétant ».

Le PAM fournit de l’aide alimentaire aux réfugiés et aux populations locales, offrant ainsi de l’assistance à 25 000 personnes, mais son directeur a indiqué « les ressources sont très limitées et, alors que la saison de la faim s’apprête à commencer, nous avons besoin de fonds pour pouvoir venir en aide à ces personnes vulnérables ». Le PAM apporte également une aide nutritionnelle aux enfants jusqu’à l’âge de 23 mois, aux femmes enceintes et aux femmes allaitantes, et il espère pouvoir étendre son projet de bons d’achats alimentaires aux réfugiés et aux populations hôtes à partir de septembre.

Le HCR assure la coordination de la réponse avec le gouvernement et d’autres partenaires. Toutes les parties concernées font de leur mieux pour que les réfugiés obtiennent l’aide dont ils ont besoin et qu’ils méritent à leur arrivée. Pour l’instant, les agences d’aide humanitaire ont distribué des produits de première nécessité tels que des tapis de sol, du savon, des ustensiles de cuisine, du gaz en bouteille, des pastilles de purification d’eau et des médicaments ainsi que de l’aide alimentaire.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a installé des pompes pour offrir un accès à l’eau potable à quelque 12 000 familles de Bosso, au sud-est du Niger. Jusqu’à présent, les populations utilisaient l’eau de la rivière. L’organisation fournit également une aide alimentaire ainsi que des produits de première nécessité à 1 400 ménages chaque mois ; elle forme des médecins locaux pour qu’ils puissent soigner les blessures liées aux violences et travaille avec ses partenaires pour éduquer les communautés en matière de santé et d’hygiène.

L’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (ACTED), une organisation non gouvernementale (ONG) internationale présente à Diffa, indique qu’elle a commencé à collecter des données cartographiques recueillies à l’aide de smartphones afin de créer une carte interactive de tous les villages accueillant des réfugiés. Le projet inclura l’élaboration d’une cartographie des écoles et des centres de soins de santé, mais aussi l’identification des réfugiés les plus vulnérables pour permettre aux agences d’aide humanitaire de prioriser leur réponse. Cela facilitera également la documentation.

Des comités d’action communautaire ont été mis en place dans la région de Diffa pour accueillir les réfugiés et les rapatriés, servir d’intermédiaire entre eux et les autorités et garantir qu’ils obtiennent des papiers. Malgré ces efforts, bon nombre de personnes indiquent qu’elles n’ont pas reçu suffisamment d’aide pour l’instant.

« Il y a beaucoup de femmes accompagnées de jeunes enfants ici », a dit Mamadou Bako, le maire de la ville de Bosso, dont la population a doublé suite à l’arrivée des rapatriés et des réfugiés. « Elles ne disposent pas de leurs propres abris. Elles dépendent des familles d’accueil pour se nourrir et se vêtir. Nos [réserves] de nourriture commencent à s’affaiblir. Il faut plus d’aide ici », a-t-il dit.

M. Hawna, chef du quartier d’Afnori de la ville de Diffa, a dit à IRIN : « Au début, les ONG étaient ici pour nous aider, mais beaucoup d’autres [réfugiés] sont arrivés entretemps, et il y a beaucoup de problèmes, car ils n’ont pas été enregistrés officiellement ». C’est notamment le cas des réfugiés et des rapatriés de Diffa, par opposition aux personnes qui ont fui vers les villages situés de l’autre côté de la frontière nigérienne.

Le logement

En collaboration avec la Croix-Rouge (les sections étrangères et locales), le HCR a entamé la construction d’abris semi-durables, fabriqués avec des matériaux traditionnels, pour les personnes déplacées.

Ils travaillent également sur les questions de propriété foncière pour organiser la redistribution des terres une fois que les rapatriés et les réfugiés commenceront à construire leurs propres logements. M. Amadou du HCR a dit à IRIN qu’il espère voir des réfugiés s’installer sur leurs propres parcelles d’ici à la fin mai ou au début du mois de juin.

M. Bako a indiqué que le logement était la priorité. « Depuis maintenant plusieurs mois, les réfugiés vivent avec nos familles locales. Ces familles les ont accueillis, mais cela n’est pas facile. Cela ne peut pas continuer comme cela indéfiniment ».

Les travailleurs humanitaires indiquent que les gens doivent juste faire preuve de patience. « Cela a été difficile d’atteindre toutes les personnes qui avaient besoin d’aide », a dit Abdourahame Idi Issa, directeur du projet d’ACTED à Diffa. « Mais je peux vous assurer que tous les acteurs engagés ont fait de leur mieux . Les difficultés sont nombreuses ».

Un enregistrement complexe

En décembre, le Niger a accordé le statut de réfugié temporaire à une partie des Nigérians qui avaient fui les violences. Mais plusieurs mois plus tard, beaucoup n’ont pas encore obtenu de documents officiels.

En février 2014, une campagne a été mise en place pour enregistrer les réfugiés, mais des difficultés d’ordre logistique ont entraîné des retards et l’enregistrement biométrique des réfugiés nigérians et des rapatriés nigériens ne commencera qu’en mai.

A la mi-avril, 75 pour cent des personnes déplacées étaient des rapatriés, selon le décompte officiel - des Nigériens qui vivaient au Nigeria avant de fuir de l’autre côté de la frontière. Les autorités indiquent que ces chiffres pourraient être plus élevés.

« Une personne venant du Nigeria peut s’installer chez une famille [à Diffa] et passer quelques jours sur place avant même que l’on s’en rende compte », a dit à IRIN Guidé Amadou. Cela veut dire qu’un réfugié peut ne pas recevoir d’aide pendant plusieurs semaines.

« La situation est compliquée par le fait que la région Diffa est assez difficilement accessible », a-t-il dit. « Le terrain est difficile, et donc oui, nous sommes installés ici, mais il y a des villages qui sont situés à plusieurs centaines de kilomètres [du bureau de terrain]. Certains [villages] ne sont même pas accessibles par la route ».

Compte tenu de la proximité de Diffa avec le Nigeria et de la porosité de la frontière, il est difficile de se tenir au courant des dernières arrivées, a dit M. Guidé. « Nous avons l’habitude de travailler comme dans les camps [de réfugiés]. Mais ici les réfugiés sont dispersés sur une vaste zone. Cela complique la logistique et nos opérations ».

Il peut être difficile d’enregistrer les réfugiés, car bon nombre de Nigériens essayent de se faire passer pour des Nigérians, indiquent les autorités. « Certaines personnes ne disent pas qui elles sont, alors il est difficile d’être exact. Quand elles s’enfuient, elles ont peur de dire qui elles sont vraiment. Alors cela complique la tâche ». Les autorités indiquent qu’il est souvent difficile de faire la différence entre les Nigérians et les Nigériens dans cette région.

« Ce sont pratiquement les mêmes personnes. Elles parlent la même langue ; elles pratiquent la même religion ; elles ont la même culture. Elles appartiennent un peu à la même famille », a dit M. Guidé.

Sécurité

Si aucun incident de sécurité majeur n’est survenu au Niger depuis la mi-février - et aucun pour l’instant à Diffa - la situation sécuritaire reste incertaine et bon nombre d’habitants des villages frontaliers ont peur.

Une série d’incidents - dont une tentative d’enlèvement de responsables - ainsi que la saisie d’armes et l’arrestation de militants laissent penser que l’organisation extrémiste Boko Haram pourrait se servir du sud-est du Niger comme d’une base arrière et d’une cible potentielle, selon Reuters. Un responsable gouvernemental de Diffa a indiqué que la région était sur « le front » du terrorisme.

M. Issa d’ACTED a dit que les agences d’aide humanitaire se préparaient à de nouvelles arrivées. « Chaque fois qu’il y a une attaque, nous pouvons être certains que de nouveaux réfugiés arriveront, et ils s’installeront probablement dans la région de Diffa », a-t-il dit à IRIN. « Nous devons non seulement aider ceux qui ont déjà fui les violences, mais aussi nous préparer à venir en aide à ceux qui pourraient bientôt prendre la fuite ».

Source : http://www.irinnews.org