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Modification de la loi sur la cybercriminalité au Niger : RSF alerte sur les risques pour les journalistes

D 6 juillet 2024     H 05:30     A Reporters sans frontières     C 0 messages


Alors que le général Abdourahamane Tiani a signé une ordonnance modifiant la loi portant sur la répression de la cybercriminalité au Niger, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur la possibilité d’une utilisation abusive de cette législation pour emprisonner et censurer les journalistes exerçant en ligne et demande son abrogation.

La presse nigérienne est sur une pente glissante. Le général Abdourahamane Tiani, à la tête du Niger depuis le coup d’État de juillet 2023, a signé le 7 juin dernier une ordonnance modifiant trois articles de la loi sur la cybercriminalité afin de rétablir des peines d’emprisonnement en cas de “diffamation”, “injures”, et “diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine”, lorsque ces infractions sont commises par voie électronique. Cette loi de 2019 avait été modifiée en 2022 pour supprimer les peines d’emprisonnement liées à ces infractions.

Alors que les peines privatives de liberté pour les délits de presse ont été abolies au Niger depuis l’adoption d’un Code de la presse en 2010, ce rétablissement de peines d’emprisonnement pour ce type d’infraction en ligne permettra d’attaquer un journaliste comme un simple citoyen à partir du moment où ce qu’il dit est publié en ligne. D’ores et déjà utilisée contre les journalistes critiques des autorités, cette législation laisse une importante part de discrétion aux autorités judiciaires.

L’article 31, tel que modifié par l’ordonnance, inquiète particulièrement la profession : il prévoit que la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine sera punie “même lorsque les données produites et diffusées sont avérées”. Un article journalistique critique, aussi véridique qu’il soit, pourrait dès lors tomber sous le coup de cette disposition.

“Alors que la liberté de la presse est déjà mise à rude épreuve au Niger, les autorités militaires ont décidé d’accentuer leur pression sur les journalistes en rétablissant les peines d’emprisonnement et de lourdes amendes pour des délits liés à la cybercriminalité, recouvrant un grand nombre de charges pouvant être utilisées contre les professionnels de l’information. Ces dispositions liberticides confirment un grave recul de la liberté de la presse et illustrent jusqu’où la junte est disposée à aller dans l’instrumentalisation du droit pour réprimer les médias. RSF appelle à l’abrogation de cette ordonnance liberticide.”

Le communiqué du ministère de la Justice indique que l’objectif de ce décret est “d’une part, de rétablir l’équilibre entre la liberté d’expression et la protection des droits individuels et, d’autre part, de préserver la tranquillité et la sécurité publique”. Le ministre de la Justice Alio Daouda en appelle “à la vigilance et à la responsabilité des journalistes de respecter les droits de chacun.” Or, la définition large et floue des infractions pouvant permettre d’incriminer un journaliste pour son travail fait craindre une généralisation de l’autocensure des professionnels des médias nigériens.

Restriction de la liberté de la presse

Journalistes attaqués, médias internationaux suspendus : le coup d’État de juillet 2023 a marqué un réel tournant pour la liberté de la presse et la protection des journalistes et de leur travail. Le directeur de publication du quotidien L’Enquêteur, Soumana Idrissa Maïga, est détenu à la prison civile de Niamey depuis le 29 avril. Poursuivi pour “atteinte à la défense nationale”, il avait publié un article s’interrogeant sur l’installation présumée d’équipements russes sur des bâtiments officiels. En septembre, la journaliste indépendante Samira Sabou a été interpellée à son domicile puis détenue au secret pendant huit jours par la police, après avoir publié un document sur la mutation de membres du personnel de l’armée sur sa page Facebook. Elle avait justement été réprimée pour "diffusion de données de nature à troubler l’ordre public".