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Niger : Avant-projet de Constitution adopté avec ses insuffisances

D 25 août 2010     H 06:35     A Albert Chaïbou     C 0 messages


Ouverte le 29 juillet 2010, la deuxième session ordinaire du Conseil Consultatif National (CCN) a clos ses travaux jeudi dernier avec l’adoption de l’avant-projet de Constitution, de la charte des partis politiques et du statut de l’opposition. Si les deux derniers textes n’ont pas suscité de grands débats, celui de la Constitution en revanche a fait l’objet de chaudes discussions par rapport à certaines de ses dispositions au point où les vues ont été départagées par des votes à main levée. Il s’agit notamment des articles relatifs à l’éligibilité à la présidence de la République, au mandat du député et au serment confessionnel.

Ainsi, la plénière a maintenu que le candidat à la présidence soit âgé de 40 ans au moins et 70 ans au plus à la date du dépôt de sa candidature et jouisse d’un niveau d’instruction au moins égal au baccalauréat de l’enseignement secondaire plus trois ans (Bac+3). Certains conseillers ont jugé cette disposition discriminatoire, d’autres y voient « des manœuvres intentionnelles » pour disqualifier certains candidats à la future présidentielle.

Quant au mandat du député, la plénière a retenu qu’en cas de démission volontaire d’un député, celui-ci perd son siège mais en cas d’exclusion de son parti, il reste au sein du parlement comme député indépendant.

En ce qui concerne le serment confessionnel qui de l’avis des rédacteurs de l’avant-projet de Constitution n’a pas répondu aux attentes du peuple, il a été réhabilité par un vote.

S’il est vrai que des innovations importantes ont été introduites dans l’avant-projet de Constitution, il n’en demeure pas moins que les travaux en Commissions ont modifié ou extirpé certaines dispositions majeures qui consacrent aux citoyens Nigériens des droits sociaux, économiques et culturelles. C’est le cas de l’article 144 proposé par le Comité des Textes Fondamentaux mais biffé par la Commission Politique et Institutionnelle saisie au fond. Cet article dispose : « L’Etat crée les conditions d’une autosuffisance alimentaire à travers des politiques novatrices en matière de développement agro-sylvo-pastoral. Cette politique doit reposer sur des stratégies d’adaptation qui prennent en compte les aléas climatiques ».

La crainte de certains acteurs politiques qui se sont exprimés lors des débats en commission est de rendre dans le texte fondamental, les droits sociaux économiques et culturels justiciables. Pour eux, un citoyen peut attaquer l’Etat pour non respect de ces droits or soutiennent-ils, le Niger étant un des pays les plus pauvres de la planète, ne peut s’offrir le « luxe » d’une telle « générosité ». Ces arguments ont été battus en brèche par certains acteurs de la société civile qui ont défendu l’intégration de façon explicite des droits comme celui à l’alimentation, à l’éducation, à la santé et à l’eau potable dans la nouvelle Constitution. Mais leur plaidoyer a été farouchement combattu par certains représentants des partis politiques.

Aussi, malgré le rôle crucial de la femme dans le processus de développement, l’avant-projet de Constitution ne lui a consacré qu’une disposition laconique à travers l’article 11 qui stipule : « Tous les Nigériens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toutefois, l’accès des femmes aux mandats électoraux, aux fonctions électives et aux emplois publics peut être favorisé par des mesures particulières prévues par la loi ». Alors même que le Comité des Textes Fondamentaux a prévu en plus de cet article un autre (article 21) qui stipule : « L’Etat veille à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et de la jeune fille. Les politiques publiques dans tous les domaines assurent leur plein épanouissement et leur participation au développement national. L’Etat prend en outre les mesures de lutte contre les violences faites aux femmes dans la vie publique et privée. Il leur assure une représentation équitable dans les institutions publiques à travers la politique nationale du genre et le respect des quotas ». Malgré son caractère novateur, cet article a été supprimé de l’avant-projet de Constitution au grand dam des défenseurs des droits humains et des organisations féminines.

D’autre part, pour protéger les auteurs du coup d’Etat du 18 février 2010, une disposition leur garantissant une amnistie a été introduite dans l’avant-projet de Constitution. Toutefois, les putschistes de 1996 et 1999 qui ont reçu la protection de la Constitution de la Cinquième République ne sont pas concernés par la nouvelle disposition. Ce qui laisse planer une épée de Damoclès sur leurs têtes. Certains membres du CSRD qui ont participé aux deux précédents putschs ne sont pas non plus épargnés. Mais comme c’est aux putschistes du 18 février que revient le dernier mot, ils auront sans doute la lumineuse idée d’élargir la liste des bénéficiaires de cette amnistie.

Avec ses innovations et ses insuffisances, l’avant-projet de Constitution a ainsi été adopté par le Conseil Consultatif National. Il sera normalement soumis au référendum le 31 octobre prochain.

Albert Chaïbou

Source : www.alternativeniger.org