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NIGER : La sécheresse ne signifie pas la fin du pastoralisme

D 13 avril 2012     H 05:34     A IRIN     C 0 messages


RÉGION DE DIFFA - Une vingtaine de pasteurs peuls installés à l’extrémité sud-est du Sahara au Niger contemplent les étoiles et s’interrogent sur leur avenir. Inquiets et épuisés par la recherche de pâturages sous une chaleur accablante, ils savent que les prochaines pluies, qui redonneront vie aux pâturages, ne sont pas attendues avant quatre mois - et elles n’arriveront peut-être pas, a dit l’un d’entre eux - « Allah seul sait ».

« Avez-vous déjà connu une période plus difficile ? », a demandé Yousufa Bukar aux deux anciens du camp. « L’année dernière, j’ai réussi à trouver un travail temporaire pour nourrir ma famille, mais je ne sais pas combien de temps je pourrais vivre de mes économies ». Il ne lui reste plus que quelques poulets, une chèvre et un cheval, ce qui ne lui suffira pas pour nourrir sa famille de cinq personnes jusqu’aux prochaines pluies.

Les mécanismes d’adaptation habituels semblent ne pas fonctionner cette fois-ci : « Je dois aller chercher du travail en ville, mais j’ai entendu dire qu’il n’y en avait pas beaucoup. Nous aurions pu traverser la frontière avec le Nigéria, mais c’est difficilemaintenant en raison de la menace posée par les militants de Boko Haram », [http://www.irinnews.org/fr/Report/94916/NIGER-Conséquences-de-la-fermeture-de-la-frontière-nigériane-pour-les-marchands-de-Diffa] a dit un jeune homme, ajoutant qu’il était toujours relativement facile de passer la frontière à pied, mais qu’il y avait un risque de se faire arrêter du côté nigérian. « Ils arrêtent les nouveaux arrivants, car ils les soupçonnent d’être des sympathisants de Boko Haram ».

Salle Galgno, 60 ans, a été clair : « Nous avons déjà connu des années difficiles. La vie est plus dure aujourd’hui. Mais nous devons conserver notre mode de vie à tout prix. Nous ne pouvons pas faire pas autre chose. Nous resterons des pasteurs jusqu’à notre mort ».

Diversification

Cependant, si M. Galgno s’était rendu à Medelaram, à 30 km au sud, et avait demandé au chef du village Malammamane Nur comment les siens faisaient pour s’en sortir, celui-ci lui aurait répondu que la « diversification » était la solution.

M. Nur, chef d’une communauté de pasteurs Toubou semi-sédentaires (traditionnellement des éleveurs de chameaux nomades), a dit qu’il avait décidé d’autoriser certains villageois à cultiver des terres et d’autres à faire du commerce afin de conserver leur mode de vie de pasteurs.

Cette décision a coïncidé avec le début de la sécheresse la plus longue que l’Afrique de l’Ouest ait connue et qui a duré jusque dans les années 1990, selon plusieurs études.

La diversification des sources de revenus leur a permis de surmonter les difficultés au cours des années les plus dures. « Certains d’entre nous cultivent le millet et nous disposons de nos propres céréales et réserves de fourrage ».

Cependant, la fermeture de la frontière laisse M. Nur perplexe. « Les hommes les plus jeunes auraient emmené nos animaux au Nigéria. Mais ils n’ont pas pu le faire et je suis inquiet pour notre bétail ».
La mobilité et la bonne santé du bétail sont cruciales pour la survie en période de sécheresse. Les Arabes de Diffa, qui forment une communauté nomade et sont également connus sous le nom d’Arabes Mahamid, l’ont compris depuis longtemps. Ils ont peu souffert de la sécheresse actuelle, si l’on excepte un manque d’eau potable. « Nous avons de l’argent pour acheter de la nourriture et de l’eau, mais il serait préférable d’avoir davantage de puits - les puits des environs s’assèchent », a dit Mustafa Mohammed, chef d’un campement installé à l’extérieur de la ville de Diffa, à deux kilomètres de la frontière avec le Nigéria.

Engagement en faveur du pastoralisme

En comparaison avec les autres communautés de la région, les Arabes Mahamid font preuve de davantage de dynamisme pour préserver leur style de vie. Ils ont également diversifié leurs sources de revenus, a expliqué M. Mohammed, « mais les hommes les plus jeunes sont partis pour le Nigéria [pour suivre les pluies] avec les animaux avant la fermeture de la frontière l’année dernière ». Il a indiqué qu’ils y resteraient jusqu’au début des pluies qui sont attendues en juin à Diffa.

Les pasteurs qui reviendront du Nigéria ne seront pas concernés par la fermeture de la frontière, indiquent des responsables nigérians. Le gouvernement, qui reconnaît la mobilité comme un droit fondamental des pasteurs, a réformé son code pastoral en 2010 - celui-ci garantit le droit de traverser la frontière pendant la saison des pluies.

Les politiques et les attitudes à l’égard des pasteurs évoluent (au Niger et au Mali en particulier) et permettent aux communautés de conserver leur intégrité culturelle et de devenir résilients alors que les précipitations sont de plus en plus imprévisibles, a indiqué Peter Gubbels, qui a rédigé l’étude Échapper au cycle de la faim : les chemins de la résilience au Sahel [http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Rapport%20complet_27.pdf] à laquelle plusieurs agences ont participé.

Le code pastoral du Niger, qui a été révisé, assure l’accès des animaux aux sources de surface, comme les mares, dans les zones de culture. Il assure également l’accès des animaux aux champs agricoles à certaines périodes de l’année. Des pasteurs ont toutefois indiqué que le code n’est pas toujours respecté au niveau local.

Les organisations d’aide humanitaire créent et entretiennent les points d’eau placés le long des couloirs de transhumance empruntés par les pasteurs et leurs animaux. Le gouvernement et les organisations d’aide humanitaire rémunèrent également les pasteurs qui participent aux programmes de plantation dans le désert afin de restaurer un écosystème fragile.

Les experts sont favorables à la diversification. « Dans une certaine mesure, la diversification des moyens de subsistance chez les pasteurs ne constitue pas un phénomène véritablement nouveau, mais elle peut permettre de renforcer la résilience aux catastrophes comme les sécheresses », a dit Peter Little, éminent spécialiste du pastoralisme et directeur du programme d’étude des questions de développement de l’université d’Emory (Atlanta, É-U).
« Ceux qui pratiquent l’élevage mobile pour s’adapter à la variabilité de climat et de végétation et dont les membres de la famille s’engagent dans des activités autre que l’élevage sont les plus résilients face à la sécheresse ».

Les communautés ne sont donc plus strictement nomades (lorsque les pasteurs et les animaux sont mobiles).

Cela ne signifie pas qu’ils ont abandonné ce mode de vie. « Nombre de décideurs pensent à tort que la diversification correspond au désir des pasteurs d’abandonner le pastoralisme, alors qu’en réalité elle leur permet de s’engager dans le pastoralisme tout en tirant bénéfice de la production de bétail et des activités autres que l’élevage », a dit M. Little.

Élevage sédentaire contre élevage nomade

Au Niger, des études montrent que les formes sédentaires de production animale sont 20 pour cent moins productives que l’élevage nomade. « Le nomadisme génère un chiffre d’affaires total six fois supérieur à celui de l’agriculture pratiquée dans les mêmes zones », a noté M. Gubbels. Alors que les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, les vastes étendues de terres sèches continueront à s’agrandir, et le pastoralisme sera le seul mode de vie durable. Il nécessite toutefois une aide sous la forme de services financiers, d’un meilleur accès à l’eau, à l’éducation et aux soins de santé. Les zones urbaines sont incapables de répondre aux besoins des nombreux pasteurs qui ne peuvent plus maintenir leur style de vie, a-t-il dit.

Bappa Dari, chef d’une communauté WoDaabe, un sous-groupe nomade du peuple peul, n’a eu d’autre choix que d’abandonner le style de vie nomade et d’accepter un emploi temporaire de vigile dans la ville de Diffa. Dix ans plus tard, lui et sa communauté vivent toujours dans des abris temporaires, à l’extérieur de la ville. Comme les autres hommes de sa communauté, il gagne moins de 50 dollars par mois. Les femmes gagnent environ un dollar par jour en tressant les cheveux des femmes.

« Ce n’est pas une vie - on peut nous demander de quitter cette terre à tout moment », a dit M. Dari. « Si nous réussissons à gagner de l’argent, j’achèterais du bétail et je retournerais à notre ancien style de vie. Cette fois, je sais comment le faire correctement - certains d’entre nous se déplaceront avec les animaux - les autres resteront et pratiqueront d’autres activités ».

Source : http://www.irinnews.org