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Nigeria : Élections sur fond de tension sociale

D 21 mai 2011     H 05:06     A Paul Martial     C 0 messages


Le 18 avril, Jonathan Goodluck a été déclaré vainqueur des
élections présidentielles dès le premier tour avec 22 millions
de voix contre 12 millions pour son challenger et, en
remportant plus d’1/4 des voix dans 2/3 des 36 Etats qui
constituent le Nigéria.

Les observateurs, notamment ceux dépêchés par l’Union
Africaine, considèrent le vote comme sincère, jugement qui est
loin d’être partagé par l’opposition ; ainsi Muhammadu Bihari,
arrivé second, dénonce des vols de nuit d’avions remplis de
bulletins et met en avant l’existence d’Etats où les résultats pour
Goodluck dépassent les 95 %. Dès l’annonce du résultat des
émeutes ont éclaté dans le Nord du pays, notamment à Jos
provoquant la fuite de milliers d’habitants.

Depuis 1999, le parti démocratique du peuple, le PDP se révèle
être une formidable machine électorale et, même s’il a été affaibli
par des primaires en son sein, il a réussi son pari de gagner dès
le premier tour face à une opposition divisée, mais surtout qui est
issue du même sérail que les dirigeants du PDP. En effet, Bihari a
déjà été au pouvoir, à la tête d’une dictature pendant deux ans et
rien n’a jamais été entrepris pour les populations.

Pourtant le pays, comme beaucoup de pays africains, est riche et
même très riche, il est le premier exportateur de pétrole du
continent. C’est aussi un pays profondément divisé entre le Nord,
musulman, et le Sud, chrétien et si la religion joue un rôle dans
cette division, d’autres facteurs doivent être pris en compte ;
l’histoire coloniale du pays où l’occupant britannique a
soigneusement entretenu l’opposition entre les deux parties du
pays et surtout la situation économique du Nord qui reste moins
développée et beaucoup plus pauvre que le Sud.

Le trait commun cependant reste que l’immense majorité des 150
millions de Nigérians vivent dans des conditions sociales indignes
au vu de la richesse de ce pays.

L’élite dirigeante dilapide des sommes provenant de l’exportation
du pétrole. En 2007, les comptes de l’Excess crude account (ECA)
sur lesquels sont placés les revenus pétroliers, s’élèvent à 20
milliards de dollars ; aujourd’hui, il ne resterait plus que 500
millions de dollars, le reste étant distribué aux différents
gouverneurs des Etats afin d’acheter leur soutien au
gouvernement fédéral.

Cette corruption se rencontre partout, le Nigéria comparé à
l’Afrique du Sud est 27 fois moins développé en ce qui concerne
la distribution de l’électricité, ce qui permet ainsi au PDG de
Zenon oil, principal fournisseur de diesel pour les générateurs
électriques, d’amasser des fortunes considérables. Il est l’un des
principaux soutiens de Goodluck et fait pression pour ralentir au
maximum le déploiement de l’électricité à travers le pays.
Ces élections font apparaître les grandes difficultés à faire
émerger une candidature se réclamant des travailleurs et de la
jeunesse. A l’image du système britannique, les syndicats
ouvriers sont partie prenante de la constitution du parti
travailliste, mais ce dernier a refusé de se présenter au prétexte
que ces élections lui reviendraient trop cher ; c’est surtout une
manière, pour les bureaucrates syndicaux, de monnayer auprès
des différents partis de la bourgeoisie leur soutien lors des
différentes élections.

Même faible, l’existence de plusieurs organisations de la gauche
révolutionnaire est un point d’appui pour construire une réelle
alternative à la politique de pillage organisée par la bourgeoisie
nigériane au plus grand profit des multinationales occidentales.

Paul Martial