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Les Législatives de 2022, YEWWI et le Peuple : Premières leçons et perspectives de lutte pour un réel changement de cap

D 29 mai 2022     H 15:46     A Yoonu Askan Wi ( Sénégal)     C 0 messages


Sur les 25 listes initialement annoncées partantes pour les législatives du 31 juillet 2022, seules au finish moins du tiers auront été retenues par la Direction Générale des Elections du Ministère de l’Intérieur et le Conseil Constitutionnel, ce sur la base d’interprétations et de motifs divers, remis en cause par nombre d’acteurs concernés ainsi que de spécialistes de droit constitutionnel ou d’experts électoraux de notre pays. Les péripéties de ces dernières semaines fournissent à nouveau l’occasion de mettre le doigt sur la problématique de la fiabilité et de la sincérité du système électoral sénégalais ainsi que, en même temps, sur les comportements des acteurs politiques et sociaux. Faut-il le rappeler, il a fallu entre autres plusieurs soubresauts et en particulier les révoltes populaires nées de la contestation du hold-up électoral de 1988, pour amener la société sénégalaise à accoucher du « code consensuel » de 1992, permettant au système électoral de notre pays de franchir des paliers incontestables pour plus de transparence et de régularité dans nos différents scrutins. Présentement et en perspective des prochaines élections législatives, dix ans après la deuxième alternance au pouvoir et vingt- deux ans après la première, la ‘’démocratie sénégalaise’’ étale crûment toutes ses limites, à travers autant les errements du système que les comportements des acteurs, posant l’exigence de penser et de faire la politique autrement, pour une nouvelle donne et un réel changement de cap.

1. L’impératif du fonctionnement démocratique, de la prise inclusive et partagée de décision : Macky Sall décide ‘’à lui tout seul’’ des investitures dans sa coalition, puis verrouille ses listes pour … s’épargner des contestations et autres probables votes sanctions- attitude de l’autruche, des plus iefficaces s’il en est ! De l’autre côté, quand devant les difficultés d’investiture à la base, la hiérarchie de YEWWI a décidé de dessaisir les commissions départementales au profit de la ‘’commission nationale de conciliation et d’arbitrage’’, elle a ouvert la voie à des prises de décision solitaires, insuffisamment informées ou faiblement partagées. Ce sont pourtant les électeurs à la base qui font le vote, il est donc impératif, pour les partisans de la démocratie participative et inclusive, de trouver, par- delà les difficultés inévitables, les modalités adaptées de la nécessaire implication des bases dans les choix à faire, gage essentiel de leur motivation et mobilisation en parfaite connaissance de cause.

2. Candidatures et ‘’don de soi pour la patrie’’, frustrations et fissures : la révolution culturelle pour la transformation décisive des mentalités et des comportements reste loin d’être une simple promenade de santé dans notre pays, tant le mal est profond ! Aucun segment n’est épargné : Etat central, administration, justice, forces armées et de sécurité, partis politiques, société civile- dans le sens tropicalisé du terme, familles, autorités religieuses et coutumières, etc. La recherche effrénée des privilèges et postes de sinécure, du profit individuel ou clanique passant devant l’intérêt général, du gain facile maximal fondé pourtant sur une logique du moindre effort, autant de virus qui gangrènent insidieusement tout le corps social sénégalais, jusqu’à la moëlle des os !
La prévalence des égos combinée au déficit de gestion démocratique des processus électoraux, conduit immanquablement à la cacophonie, à la dispersion et à la débandade. S’y ajoutent le caractère plutôt arithmétique d’une parité homme / femme insuffisamment intériorisée, un système opaque de parrainage, décrié même par la Cour de Justice de la CEDEAO, ainsi que des difficultés d’investiture inhérentes à toute entité constituée sous la forme d’une méga- coalition comme YEWWI.
Un Programme ou Contrat de législature et une Charte du député, articulés à la prise en charge de critères préalablement définis et partagés, incluant le non cumul ou la stricte limitation des mandats, une nouvelle approche de la composition des listes, départementale et nationale, orientant prioritairement les leaders nationaux prioritairement sur les départements ‘’à gros enjeux’’, l’importance à redonner à la formation politico-idéologique des militant-e-s pour leur ancrage véritable dans les valeurs de l’organisation et dans l’éthique du militantisme authentique, l’éducation patiente par la pratique au sein des masses et dans le creuset de leurs luttes, la pédagogie par l’exemple et par le haut, représentent autant de leviers pour contribuer à une meilleure prise de conscience des enjeux et défis réels, afin de se départir de la culture et de la tyrannie du ‘’mana mana, bu dul man du baax ’’ !

3. ‘’Alliance contre nature’’ ou construction patiente de l’unité des forces combattantes : simple poncif signe de paresse intellectuelle ou plutôt appréciation biaisée de la réalité, la notion d’« alliance contre-nature » est à tout le moins contreproductive et peu éclairante. En effet, les combattants et combattantes des causes justes, qui s’investissent dans le réel des luttes politiques et sociales, sont partout et de tout temps, confrontés à l’opportunité de nouer des alliances, tactiques ou stratégiques, autour d’objectifs déterminés, pertinents et de progrès, liés aux enjeux et aux caractéristiques du rapport des forces en présence. L’on vient récemment de célébrer la journée du 8 mai 1945, marquant la fin de la deuxième guerre mondiale : les Alliés ne comptaient- ils pas alors l’Union Soviétique socialiste aux côtés des têtes de file des pays capitalistes comme la France, l’Angleterre, les USA, entre autres, afin de défaire ensemble les puissances de l’Axe des nazis et fascistes de l’époque ? Ici au Sénégal, n’a-t-il pas fallu l’alliance au sein de la CA 2000 entre le Pôle de Gauche et le PDS pour « dessoucher » le régime UPS-PS quadragénaire, et en 2012, BSS puis BBY pour, après la secousse du 23 juin 2011, faire échec au forcing des Wade en vue d’un 3ème mandat anticonstitutionnel et d’une dévolution dynastique du pouvoir ? Ironie de l’histoire, c’est aujourd’hui Wade père qui se retrouve de l’autre côté de la barrière, pendant que le mirage du 3ème mandat a fini de faire perdre la tête à Son Excellence Macky Sall ! Pourvu seulement qu’il n’oublie pas ce mot célèbre du vieux Marx parlant de ‘‘Napoléon le Petit’’ : « Tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois, la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide » !
Pris de peur panique à l’idée d’une mise en minorité à l’Assemblée nationale du fait d’une alliance YEWWI / WALLU susceptible de lui couper l’herbe sous les pieds d’un illusoire 3ème mandat, le régime Macky & Co se montre prêt à toutes les forfaitures, jusque-s-y compris à embraser le pays sur la base de tripatouillages et de montages grossiers ! Certes la démocratie ne saurait se réduire à la tenue plus ou moins régulière d’élections, mais une compétition électorale saine doit garantir l’éclosion de candidatures plurielles et variées, condition pour des batailles d’idées et de projets concurrents, soumis à l’appréciation des citoyen-ne-s électeurs et électrices. Cette compétition doit être encadrée par des règles claires, connues de tous, équitables, loin de toute logique censitaire ou de manipulations, à l’ombre commode de pans entiers de l’administration et de la justice dans nos systèmes d’Etat-Parti et de présidentialisme néocolonial.
L’ensemble des patriotes, des démocrates et des citoyen-ne-s, épris- es de justice et de paix, se doivent de faire face en bloc en vue d’empêcher tout hold-up électoral, quels qu’en soient les moyens et les formes, aujourd’hui et demain. Prenons garde de ne jamais jeter dans le même sac l’agresseur qui dépouille et la victime qui se défend, kiy tooñ ak kiy feyu, car « un homme qui crie n’est pas un ours qui danse », comme le proclame le poète Aimé Césaire ! A nous de faire ce qui dépend de nous, tout ce qui dépend de nous, sur la voie de la construction de l’Etat de droit. Nulle provocation de troubles, nul prétendu « appel à l’insurrection », mais bien droit constitutionnel à la résistance à l’oppression et à la dictature, consacré comme « le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs ». Qui d’ailleurs pratique la violence politique au vu et su de tout le monde dans notre pays ? Quelle est cette meute enragée qui, il y a moins d’une semaine, a agressé et brutalisé une jeune femme journaliste laquelle, à l’occasion d’un point de presse, a simplement posé à « l’envoyée spéciale » Mimi Touré, une petite question qui dérange ? Que dire des bagarres venant d’opposer à Matam les partisans du ‘’tout puissant griot et député de Macky Sall’’ à ceux du Ministre en charge de la Justice ?
C’est connu, Ousmane Sonko, le parti Pastef et la coalition Yewwi sont considérés par le Macky, non seulement comme les pires des pestiférés, mais aussi comme ‘’l’ennemi public n°1’’. Qui peut alors, sauf à verser dans la mauvaise foi ou dans le jeu des petits calculs politiciens, suspecter un parfum de deal ou de baara yeggoo entre ce camp et le Macky ? Si le Conseil Constitutionnel a donné raison au mandataire de Yewwi par rapport à la recevabilité de sa liste, c’est assurément parce qu’il a su mettre en avant, et faire reconnaitre par le Conseil, des arguments de droit imparables, connus, reconnus et largement mis en évidence au demeurant par divers spécialistes dans le pays et dans la diaspora. Il s’agit là indubitablement d’une importante victoire d’étape. Apaisement ou confrontation différée ? En tout état de cause, si d’aventure, aujourd’hui, demain ou après- demain, le même Conseil se risquait à valider des situations de non-droit tel un 3ème mandat anticonstitutionnel pour le Macky, de telles décisions seront combattues sans complaisance ni faiblesse, aux plans juridique et politique, par tous les démocrates et par le peuple sénégalais tout entier.

4. « La marque de toute organisation sérieuse » : l’évaluation constructive, la pratique de la critique et de l’autocritique militantes. Dans sa Déclaration de presse en date du 17 mai dernier, le leader de PASTEF, Ousmane Sonko, reconnait sans détours « la négligence, la naïveté, les erreurs humaines que nous assumons » mais qui ne sauraient nullement remettent en cause « ni l’engagement ni la détermination, ni l’intégrité ni la probité » des différentes composantes de YEWWI, encore moins saper son unité et désagréger ses rangs, comme s’y emploient sans relâche le Macky, ses bataillons de mousquetaires femmes ou hommes et certains médias à leur solde. Au sommet comme à la base, l’ensemble des composantes parties prenantes de la Coalition Yewwi, se doivent de se parler le langage de la vérité, les yeux dans les yeux, pour diagnostiquer les côtés sombres, « guérir la maladie et sauver l’homme », tant il est vrai que « seule la vérité est révolutionnaire » et que « seule la vérité est simple », comme l’enseigne Vladimir Ilitch Lénine. Il apparait clairement d’ores et déjà la nécessité de bannir la mise en place de coalitions à la dernière minute ainsi que la prise de décisions majeures sous urgence et dans la précipitation, sources d’erreurs et d’errements. Unité, critique, nouvelle unité : forte des vérités dites et partagées, la coalition pourra de nouveau s’adresser en bloc et d’une seule voix à tous nos compatriotes des villes, des campagnes et de la diaspora, qui attendent le signal fort vers de nouvelles victoires, pour l’intérêt supérieur du Sénégal et de l’Afrique.

5. A nouveau, la question : où va le Sénégal, la politique pour quoi faire ? Chômage et création d’emploi, vie chère, autosuffisance alimentaire, exigence de qualité du service public de l’éducation et de la santé ainsi que de respect franc des accords signés avec les acteurs et partenaires sociaux, multiplication du bradage foncier, des spoliations foncières, des trafics et scandales en tous genres, récurrence des inondations, recrudescence des meurtres, de la violence et de l’insécurité, toutes ces plaies sociales, entre autres, sont des questions hautement politiques, sont au cœur de la politique. En effet, s’engager en politique, c’est chercher à contribuer collectivement à la transformation qualitative de la cité, à répondre efficacement aux préoccupations populaires et citoyennes. Telle est notre vision de la politique, tel est le sens de notre combat politique, auquel nous convions l’ensemble de nos compatriotes en vue de changer la donne ici au Sénégal et dans l’Afrique toute entière. De nouvelles générations de combattant-e-s anti-impérialistes, anti-néocolonialistes, panafricanistes et révolutionnaires, émergent un peu partout sur le continent et à travers la diaspora, prêtes à remplir leur mission, telle que le leur a prescrit Frantz Fanon. Les rapports de forces bougent dans le bon sens, entrainant un changement de paradigme : l’ancienne bipolarisation droite/droite sous les figures UPS-PS/ PDS, ou ensuite PDS/REEW MI puis PDS/ APR-BBY, cède de plus en plus la place à la nouvelle bipolarisation, en marche, entre le camp de la bourgeoisie néocoloniale de la servitude volontaire d’un côté, le camp des patriotes de la nouvelle indépendance de l’autre, camp de la souveraineté émancipatrice. La troupe de Macky Sall a perdu l’initiative ; acculée à la défensive, elle se résout à … réagir, à grand renfort de bruit ! Bien entendu le chemin de la lutte est tortueux, loin d’être le gazon synthétique d’un stade flambant neuf mais bien la voie escarpée, pleine d’embûches, de sauts d’obstacles et de revers provisoires, de hauts et de bas, jusqu’à la victoire finale ! Visiblement la révision en profondeur du système électoral sénégalais s’impose à travers notamment : la fin de la confusion entre chef de l’Etat et chef de parti, du contrôle quasi exclusif du fichier et de la carte électorale par le pouvoir en place, du calendrier électoral à géométrie variable, du cautionnement censitaire selon le pouvoir discrétionnaire du Ministre de l’Intérieur en charge des élections, des coups d’état constitutionnels consistant à tordre le cou à l’institutionnalisation de la limitation des mandats ; suppression du système nébuleux de parrainage et du mode inique de scrutin majoritaire à un tour dit du raw gèddu, en vertu duquel, à titre d’exemple, avec 49% des voix aux législatives de 2017, BBY (minoritaire donc) se taille 125 sièges sur les 165 de l’Assemblée nationale, mise en place d’un organisme indépendant et consensuel chargé d’organiser les élections, adoption du bulletin unique, promotion de la discrimination positive et de la parité de qualité dans les partis et mouvements citoyens, afin de l’instaurer sans encombre dans les institutions : voilà, entre autres, autant de propositions de réformes formulées et portées depuis longtemps déjà par pratiquement l’ensemble des acteurs, mais auxquelles les régimes successifs jusqu’ici n’ont pas hésité à tourner le dos dès leur accession aux leviers de commande du pays : il faut donc que cessent cette hypocrisie et ce jeu de dupes, pour le plus grand bien de la culture démocratique et de la paix civile dans notre pays comme sur notre continent !
La barbarie du capitalisme néolibéral mondialisé accentue partout ses ravages, accroît la déshumanisation, favorise la montée du racisme et du fascisme ainsi que des risques de guerre. Ne voilà -t-il pas qu’aux USA, dans l’Etat du Texas, une fusillade meurtrière vient de faucher la vie à 19 jeunes élèves innocents du cycle primaire et à deux de leurs enseignants ? A Tivaouane au Sénégal, 11 bébés meurent calcinés à la suite d’un incendie au Service de néonatologie de l’hôpital public Mame Abdou Aziz SY, rappelant tristement la mort affreuse, pratiquement dans les mêmes conditions, des 04 nourrissons de l‘hôpital de Linguère il y a tout juste un an !
Inévitablement, pour la survie de l’humanité, le monde doit changer de base, au Sénégal, en Afrique et sur la planète terre, condition d’une nouvelle civilisation humaine de liberté, de dignité, d’épanouissement, d’interactivité, de diversité assumée dans le respect et l’égalité la plus complète, pour paraphraser le professeur Amadou Mahtar Mbow ! Car, comme le souligne opportunément Abdoulaye LY, « le triomphe éclatant du système de domination et d’exploitation ne commande pas la capitulation ni une quelconque perte de foi. Il appelle au contraire l’organisation d’un puissant contre- pouvoir, animé par les consciences nouvelles mobilisées dans un ordre de bataille nouveau », une nouvelle politique de gauche « complètement dégagée de l’activisme électoraliste, sinon démagogique, et de la ‘’real politik quotataire’’ qui s’installe » (A. LY : « Faire vivre la Nouvelle Gauche », contribution diffusée en janvier 1997). Notre viatique : gëm sunu askan, tegu ci yoonu askan wi, yewwi askan wi ngir askan wi tekki, autrement dit notre confiance en notre peuple, en sa jeunesse en particulier, en la capacité du peuple africain à défaire le nœud gordien de l’ignorance et de la pauvreté, pour assurer sa propre émancipation et son épanouissement (CF Manifeste de Yoonu Askan Wi- mai 2008 ). Mobilisation maximale pour les législatives et, quels qu’en soient du reste les résultats, cap sur 2024, la mère des batailles dans un système autocratique de présidentialisme néocolonial comme celui en vigueur au Sénégal et qu’il urge réellement de refonder sur la voie tracée par les Conclusions des Assises nationales et l’Avant-projet de Constitution de la CNRI.

Fait à Dakar le 28 mai 2022

Le Secrétariat Permanent Elargi de Yoonu Askan Wi
Contact : Madieye Mbodj, Délégué Général / 76 645 90 93