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Sénégal : Analyse de la situation politique du PIT

D 13 avril 2014     H 05:29     A PIT     C 0 messages


Rapport du Secrétariat au Bureau politique du 29 Mars 2014

Le rapport du Secrétariat à cette réunion du Bureau politique se livre à une analyse du contexte et des perspectives qui en découlent pour le pays, notamment en direction des élections locales, prévues le 29 juin 2014.

Concernant l’analyse du contexte, l’accent est mis sur les évolutions récentes au plan international, africain et sous régional, Vient ensuite et à grands traits à un bilan d’étape des deux ans de l’Alternance du 25 Mars 2012, permettant de mettre l’accent sur des éléments de perspectives.

• 1. Contexte

Le contexte est marqué, au plan international, par l’accentuation de la nature agressive de l’impérialisme, dont les principaux tenants ont encore de la peine à sortir de leur crise financière de 2008. Une crise devenue tentaculaire qui les rend incapables de maîtriser leurs déficits et leur endettement public, entraînant panne de croissance et incapacité à faire face au chômage qui a atteint en Espagne par exemple 26% de la population active !

La financiarisation des Economies des grandes puissances occidentales a atteint un niveau tel, que même si la part des exportations des Etats Unis et celle de l’Union Européenne dans les exportations mondiales ne sont que de 25%, contre 31% des importations, ils n’en fournissent pas moins 57% des Investissements directs étrangers !
De sorte qu’ils dépendent du monde pour le commerce des marchandises, mais le domine par la puissance du capital financier qu’ils y investissent.

Une domination accentuée par l’usage du dollar comme monnaie des transactions internationales, ce qui permet aux USA d’user de leur taux de change pour tirer profit du reste du monde et briser nombre de tentatives de développement, notamment dans les pays émergents.
Du reste, cette spéculation sur les taux de change du dollar rend même les pays européens moins compétitifs, au point de pousser de puissants cercles industriels à exiger la dévaluation de l’Euro, pour y faire face !

Et comme à son habitude, l’Impérialisme en crise, cherche à s’en sortir soit en attisant des guerres civiles, dont la plus récente est celle qui ravage la Syrie, soit en tentant d’en provoquer, à l’image de ce qui est fait contre la Chine, opposée au Japon pour le contrôle d’un espace aérien qu’il occupe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ou contre la Russie, avec la crise en Ukraine.

La Chine et la Russie refusent que les Etats Unis occupent militairement des espaces vitaux pour leur sécurité, sous prétexte de respect des frontières issues de la deuxième guerre mondiale, pendant qu’ils étaient les premiers à les violer en Yougoslavie, et récemment en Afrique, où ils sont les seuls à violer les frontières héritées du colonialisme en provoquant la partition du Soudan en deux Etats.
Faut il le dire, la situation est quasi similaire au Vénézuela. Un pays qui, par le recouvrement de sa souveraineté économique, ses politiques publiques orientées vers la protection des travailleurs et des paysans pauvres, son aide fraternelle à Cuba et aux peuples d’Amérique Latine, est devenue la cible à abattre pour restaurer l’ordre étasunien dans le continent latino américain.

Dans notre sous région, l’épilogue militaire de la crise au Mali permet de découvrir le rôle essentiel de la France et de ses hommes liges dans l’UEMOA qui y entretiennent un foyer de guerre, sous prétexte de « chasse aux islamistes », par l’intermédiaire du MNLA, que la France utilise comme monnaie de change, pour obtenir du gouvernement malien un accord de coopération militaire lui permettant d’occuper la Base stratégique de Tessalit, dans la région de Kidal, aux fins de défendre les intérêts d’Areva au Niger, et les ressortissants français, souvent pris en otage par des groupes islamistes.

A cet égard, toute impression d’alignement du Sénégal sur les positions de la France à Kidal ( en dépit du rôle indubitable de l’intervention française dans l’arrêt des exactions commises contre les populations), peut engendrer des éléments de détérioration des rapports entre nos deux pays.

Le Sénégal risque, de ce fait, surtout avec la création de l’organisation des Etats riverains du Sahel à laquelle il n’est pas associé, d’être marginalisé dans la sous région.

Tableau auquel il faut ajouter les relations tendues entre notre Président et celui de la Gambie, et celles difficiles avec la Mauritanie du fait de problèmes liés à la gestion de notre frontière maritime.
Autant d’éléments risquant de faire retomber notre pays dans un environnement sous régional hostile, comme du temps de Wade ; Ce qui, fatalement, compliquerait davantage toute velléité de sortie de crise de la Casamance tout en viciant la stabilité légendaire de notre pays.

Ce renforcement de la coopération militaire entre le Sénégal et la France, accentué par le transfert de Paris à Dakar de « la Direction des Renseignements pour la Sécurité Intérieure », est accompagné d’un renforcement de la coopération militaire avec les Usa, qui ont même accrédité un « ambassadeur spécial » à Dakar pour négocier directement des conditions de paix en Casamance avec les groupes armés du MFDC.

En prime, nos choix de coopération militaire et sécuritaire font du Sénégal une cible potentielle des « jihadistes » ( qui n’en faisaient, jusque là, que des points de passages), tout en ouvrant la perspective que les USA se servent des factions armées du MFDC, comme le fait la France avec le MNLA, comme monnaie d’échange pour obtenir les bases maritimes de Casamance qu’ils ne cessent de convoiter, pour mieux assurer leur contrôle sur le Golf de Guinée.
Du reste, le choix des USA, qu’une des factions armées vient de faire, publiquement, pour abriter d’éventuelles négociations de paix avec le Sénégal, et même y organiser les « Assises inter MFDC », qu’elle présente comme « préalable » à ces négociations, confirme les craintes ci-dessus évoquées de voir les USA instrumentaliser le conflit.
Au total, le contexte qui structure l’environnement de notre pays nous est doublement défavorable, d’abord au plan économique à travers le rattachement du Fr CFA à l’Euro, via le Compte d’Opération au Trésor Français, ensuite, au plan sécuritaire.

C’est à la lumière de ce contexte que nous en venons au bilan d’étape, deux ans après l’Alternance du 25 Mars 2012

2. Bilan d’étape

Un bilan, par définition, se compose de deux volets, à savoir le volet « Actif » et le volet « Passif ». Mais le bilan que nous esquissons est aussi accompagné de commentaires permettant de mieux saisir les tenants et aboutissants de ces deux volets ;

a) Au plan de la « gouvernance institutionnelle »

Dans ce domaine, l’ « Actif » peut être trouvé dans les ruptures effectuées pour une plus grande transparence dans la gestion de la chose publique et les progrès enregistrés pour mettre fin à l’impunité.

En effet, l’activation de la « Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite » (CREI) , la création de l’OFNAC, le renforcement des compétences de l’ « Inspection Générale de l’Etat » (IGE), par la dotation du pouvoir d’auto -saisine et du droit de rendre directement publics ses travaux, le renforcement des compétences de la « Cour des Comptes », avec l’extension de ses compétences de contrôle à la gestion de la présidence de la République », sont des avancées significatives dans les ruptures nécessaires pour lutter contre les détournements de biens sociaux et la corruption. Et cette tendance va être renforcée avec la Loi sur la « proclamation de patrimoine » dont l’examen est en cours à l’Assemblée nationale.

En outre, le traitement judiciaire de l’ « affaire Bethio Thioune », la traduction devant les juridictions compétentes de gradés et de non gradés dans les rangs des forces de sécurité, pour des délits de droits communs, de maltraitance de suspects, ou de tortures, et même « l’ouverture d’informations judiciaires » dans des affaires de violence dans lesquelles des proches du Chef de l’État sont impliqués, constituent aussi des signaux forts, de la volonté politique de mettre fin à l’impunité, pour l’égalité des citoyens devant la LOI.
Du côté du « Passif », l’on peut noter, les rapports institutionnels déséquilibrés en faveur du Chef de l’Etat, qui peut, à tout instant, et selon sa volonté, influer sur « l’opportunité des poursuites », et même sur les « décisions du Juge », en vertu des pouvoirs qu’il détient directement sur la carrière des Magistrats.

Un déséquilibre institutionnel qui risque de s’aggraver, dès le lendemain des élections locales du 29 juin, puisque le Chef de l’Etat prendra le contrôle total de l’Assemblée nationale, dès la fin de juillet, en vertu de son pouvoir de dissolution de cette Institution, de façon unilatérale, à volonté, après les deux premières années du mandat de cinq ans des Députés...

Dans le cadre d’ une telle architecture institutionnelle, de graves suspicions continuent de peser sur la volonté de rupture du Chef de l’Etat, et sur les risques de dérives d’exploitations politiciennes des organes de contrôle mis en place.
C’est la raison pour laquelle, il est urgent de mettre en œuvre les propositions de réformes institutionnelles de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) pour instaurer un réel équilibre entre les pouvoirs, et mettre en place de réels mécanismes de contrôle citoyen.

D’autant plus que les attentes des collectivités et des citoyens, en matière d’approfondissement de la décentralisation, n’ont pas été prises en compte dans l’Acte III, qui a porté la réforme du Code des Collectivités Locales.

En effet, la suppression des régions comme collectivité locale, a enlevé aux citoyens concernés, le droit acquis depuis 1996 d’élire ceux qui doivent prendre en charge le développement local dans les régions. L’Etat central confisque ce Droit et va nommer des agents, sous sa tutelle, pour diriger les « territoires » et exécuter les politiques de « territorialisation des projets et programmes du gouvernement ». Le destin des collectivités régionales échappe ainsi aux citoyens.
De même, les Villes sont soit vidées de toute compétence, au profit de la Commune Départementale, comme c’est le cas à Thiès et Rufisque, ou bien, elles échappent aux citoyens n’élisant plus directement leur conseil !

C’est donc à une véritable régression de la Décentralisation à laquelle nos assistons, doublée d’un affaiblissement en moyens de financement, puisque au nombre de 600, les collectivités locales vont devoir se partager 5,5% de la TVA, alors que ce montant était déjà jugé dérisoire pour les 572 collectivités locales qui existaient avant !
Cet affaiblissement des pouvoirs locaux, devenus matériellement plus dépendants du pouvoir central, ne présage rien de bon quant à leur aptitude à mieux faire face aux pressions du gouvernement désireux d’ obtenir 240.000 hectares de terres promis aux investisseurs dans le cadre du « Plan SENEGAL EMERGENT » (PSE), compte non tenu des 650.000 hectares que Wade a attribués à 17 promoteurs dont 10 Sénégalais, au moment où , dans le monde rural, 57% des exploitations agricoles familiales vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que 56% des exploitations agricoles familiales n’ont pas les 3 hectares requis pour accéder à la première phase de la modernisation de l’agriculture, sous forme de culture attelée à traction animale ( semoir, houe).

Ainsi, au plan institutionnel, les véritables ruptures sont encore à l’ordre du jour de l’agenda politique, après deux années d’Alternance démocratique, et nécessitent incontestablement une vigilance et une mobilisation accrues.

b) Les politiques économiques et sociales publiques.

En termes de croissance économique, le Sénégal est passé d’un taux de croissance du PIB de 2,5% en 2011 pour atteindre 3,5% en 2012. Il s’attendait à 4% en 2013, alors qu’il n’est, en définitive, que de 2,4%, donc en dessous des 2,5% de 2011 sous Wade.
Il est à noter, que ces taux de croissance sont en dessous des objectifs visés par la « Stratégie Nationale de Développement Economique et Social » (SNDES), qui prévoyait 5,6% en 2012 et 6,5% en 2013.

Ainsi, le Sénégal reste encore en dessous du taux moyen de croissance du PIB de l’UEMOA, qui est de 6% en 2013 et projeté à 7% en 2014 !
Le Sénégal n’aspire atteindre ce taux de 7% qu’en 2018, grâce au « Programme du Sénégal Emargent » (PSE), dont le scénario de croissance part d’un taux de 4% en 2013 ( alors qu’il est de 2,4%), et un taux de 4,5% en 2014.

Ces taux de croissance attendus par le PSE s’obtiendront en contrepartie de l’ ccroissement des recettes fiscales, de la baisse des dépenses courantes, notamment pour les secteurs sociaux, et celle des subventions de l’Agriculture, de l’octroi de 240.000 hectares aux investisseurs, et d’une plus grande flexibilité du travail !

En fait, les problèmes de croissance de notre économie peuvent être illustrés par ce qui se passe dans son secteur privé moderne. En effet, le taux de croissance de la production industrielle qui avait baissé de 0,6% en 2012 par rapport à 2011, s’est littéralement effondré en 2013, avec une baisse de 4,7% par rapport à 2012 ! De même, l’emploi du secteur moderne en 2013 s’est fortement dégradé par rapport à 2012, avec une perte de 1,4% des emplois salariés, dont 1,6% dans le secteur secondaire et 1,2% dans le tertiaire. En 2013, l’économie du secteur privé formel a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a crées !
Pour les entrepreneurs du secteur moderne, les obstacles au développement de leurs activités sont liés, d’une part, au marché intérieur que leur disputent âprement la contrebande des marchandises et la contre façon et, d’autre part, l’ampleur des créances non honorées par l’Etat.

Pour les agriculteurs, c’est l’insuffisance de terre pour 56% des exploitations agricoles familles , la cherté des intrants et le manque de financement des campagnes de commercialisation de leurs produits qui bloquent et empêchent de produire pour s’auto-suffire, nourrir le reste de la population des villes , ravitailler correctement les entreprises industrielles de transformation.

Le PSE qui est essentiellement axé sur le financement pour les infrastructures, l’énergie et l’agro- business, ne répond ni directement, ni indirectement, aux problèmes auxquels fait face le secteur moderne de notre économie, en terme de croissance et de création d’emplois.
Mais l’autre critère de mesure de l’efficacité des politiques publiques, c’est le Déficit budgétaire, et l’ampleur des charges budgétaires de la Dette publique.

Le Déficit budgétaire demeure élevé car atteignant 5,4% en 2013, même s’il est en baisse par rapport aux au 5,6% de 2012. Les charges de la dette publique se sont alourdies de 358, 5 milliards en 2011 à 4012, 97 milliards en 2013, et atteignent 523,4 milliards à payer dans la Loi des Finances de 2014 !

L’ampleur de ces charges est à mesurer par rapport aux emprunts de l’Etat pour financer son déficit. Ils ont été respectivement de 373,25 milliards en 2013 et 544,1 milliards en 2014 !
Le Sénégal est ainsi atteint par le « syndrome de l’endettement », où un Etat emprunte pour payer sa dette, et non plus pour financer son économie. !

L’état des finances publiques peu reluisantes héritées de Wade imposait comme défi aux nouvelles autorités de l’Alternance du 25 Mars de les sortir de l’ornière. D’où l’engagement « pour une gouvernance sobre, transparente et efficiente », compte tenu du niveau élevé du train de vie de l’Etat, mesuré en « termes de dépenses de fournitures et d’entretien » qui était partout décrié.

Au résultat, ces dépenses qui étaient de 355,9 milliards en 2011, ont effectivement chuté en 2012 à 320,5 milliards, (soit une réduction de 35,4milliards), avant de remonter à 381,3 milliards en 2013, (soit une augmentation de 60,8 milliards) et d’être programmés à 388 milliards pour 2014, dépassant ainsi largement le niveau décrié de 2011 sous Wade !

La réduction de « l’Impôt sur les Revenus » en 2013 a été compensée par la hausse de « l’Impôt sur les Bénéfices » (IS) qui est passé de 25% à30%, et par celle des prélèvements sur les produits pétroliers, qui sont passés de 187,2 milliards à 193,8 milliards entre 2012 et 2013 !

Cet appui au pouvoir d’achat a été conforté par la mise en œuvre des mécanismes d’homologation des prix de certaines denrées de première nécessité.

C’est pour cela que le coup de pouce au pouvoir d’achat par la baisse de « l’Impôt sur les Revenus » n’a pas empêché la hausse des recettes fiscales qui sont passées de 1326,9 milliards en 2012 à 1344 milliards en 2013 , soit une augmentation de 27, 1 milliards contre une augmentation de Dépenses de « Train de vie » de 60,8 milliard !

Et cela est d’autant plus inexplicable que l’aggravation de la tension sociale au niveau de l’Université de Dakar est le résultat des coupes sombres des budgets alloués à l’UCAD et au COUD entre 2012 et 2013.
En effet, celui de l’UCAD est passé 24,95 milliards à 20,38 milliards, tandis que celui du COUD est passé de 19,9 milliards à 16,6 milliards, en dépit de l’augmentation drastique du nombre d’étudiants dans la période.

Dans le secteur rural, la baisse des subventions pour l’engrais et les semences en 2013, a sevré bon nombre de producteurs à faible revenu de ces facteurs de production, au point de générer un stock invendu d’engrais que l’Etat a offert généreusement à la Guinée Bissau, plutôt que de les mettre à la portée des bourses des petits producteurs !
Un paradoxe qui n’est que le résultat de l’engagement pris au près des Institutions de Breton Woods de baisser les subventions des intrants agricoles !

C’est cela qui est à la base de la chute 15, 5% du taux de croissance de l’Agriculture en 2013 par rapport à 2012 !
Par ailleurs, en 2012, l’Etat avait mobilisé d’importantes ressources pour venir en aide aux paysans sinistrés, ce qu’il tarde à faire pour ceux issus de la campagne de 2013, malgré l’alarme sonné de longue date par les ruraux (le CNCR), et par différents organismes indépendants (FAO)...

Précisons que la campagne agricole de cette année est rendue doublement difficile par la baisse des productions, notamment en mil, et la mauvaise campagne de commercialisation des arachides.

Globalement l’année 2013 s’est terminée sur un accroissement des difficultés économiques et sociales, devenues insoutenables pour les populations, du fait du niveau « exorbitant » des Dépenses de train de vie de l’Etat, du retrait de cet Etat dans le soutien des productions agricoles, même si des avancées certaines sont à noter dans l’élevage, illustrées par son taux de croissance de 3,7%.

c) Au plan de la « gestion de la crise casamançaise ».

L’espoir né dès les premiers pas des nouvelles Autorités, qui a permis de renouer avec la Gambie et de déclarer la disposition d’ aller négocier partout où l’aurait souhaité le MFDC, s’amenuise au fur et à mesure que le temps passe, sans l’ouverture de véritables négociations.
Mieux ou pire, la détérioration de nos rapports avec la Gambie risque de renvoyer au statut quo ante.

Les factions armées du MFDC interdisent toujours à nos forces de sécurité de s’approcher de leurs sanctuaires, au point d’empêcher le travail des humanitaires (déminage), et même, pendant longtemps, la reconstruction de routes dégradées pour mettre fin à l’enclavement des populations et de leurs productions, dans certains axes qu’ils jugent stratégiques.

C’est à partir de ces positions de force, que les factions armées maintiennent une situation de « ni paix, ni guerre », favorable aux développements d’activités criminelles parallèles de tous genres.
Les nouvelles autorités semblent quelque part avoir reconduit la « démarche d’inter-médiation », héritée de Wade, dont les principaux acteurs tournent au tour du cercle restreint des cadres originaires de la Casamance.

Cette politique résulte d’une vision étriquée de la crise en Casamance, réduite un problème entre l’Etat du Sénégal et une partie des populations de la Casamance qui a pris les armes, impliquant le recours à l’autre partie dans la recherche des solutions de paix. Comme si ce n’était pas un problème national devant impliquer toutes les forces vives de la Nation pour y mettre un terme !

Pis encore, les nouvelles Autorités permettent à la France d’entretenir sur son sol, les éléments les plus radicaux du MFDC qui n’ont de cesse d’attiser publiquement le feu, sans qu’ils ne soient nullement inquiétés par les Autorités Françaises de l’Intérieur !

Cette attitude bienveillante à l’endroit de la France, se double de l’autorisation donnée au Département d’Etat américain, de « traiter directement avec les factions armées » en vue de la paix !

La crise en Casamance revêt ainsi un caractère international, alors que les prédécesseurs du Président Maky Sall, quoique ne prenant pas en compte le caractère national de cette crise, reconnaissaient à peine son caractère sous régional qu’ils limitaient à la recherche de facilitations du côté de la Gambie et de la Guinée Bissau...

Les nouvelles Autorités de l’Alternance du 25 mars 2012 n’ont donc pas pris en compte le fait que l’attitude bienveillante de la France et des USA vis-à-vis des factions armées du MFDC constitue une lourde menace pesant réellement sur l’intégrité du territoire sénégalais.
La France a besoin de renforcer son dispositif sécuritaire à partir de Dakar, tandis que les USA ont besoin de bases navales en Casamance pour leur dispositif de contrôle stratégique du Golfe de Guinée. Tous les deux peuvent, aujourd’hui, utiliser les factions armées du MFDC, pour obtenir gain de cause, comme la France est entrain de le faire avec le MNLA pour obtenir la base aérienne stratégique de Tessalit, dans la région de Kidal, au Nord du Mali.

Or, depuis 1996 avec l’Acte II de la Décentralisation qui a donné naissance aux régions comme collectivité locale, le Sénégal s’était doté des moyens politiques en complément de ses moyens militaires et diplomatiques pour trouver une paix définitive à la crise en Casamance.
En effet, le principe de libre Administration des Collectivités locales par les élus des populations concernées et leur autonomie de gestion, consacrée par le Code des Collectivités locales et reprise en 2001 dans la nouvelle Constitution du Sénégal, pouvaient être une réponse aux frustrations des populations de Casamance qui servent de terreau aux factions armées du MFDC, de même quelle est une réponse aux préoccupations des populations des autres régions périphériques du Sénégal.

Mais les réflexes de notre Etat Jacobin ont dénaturé en pratique ce principe de libre administration des collectivités locales et de leur autonomie de gestion par le biais d’exception au contrôle de légalité, qui soumettent les délibérations des conseils des collectivités locales à l’approbation préalable de l’Autorité Administrative de tutelle, pour ce qui est, entre autres, du budget, du foncier, de l’aménagement du territoire et de la coopération décentralisée.

Pour dire que cette exception dans le contrôle de légalité revient en fait à conserver le contrôle à priori pourtant légalement supprimé !
C’est ce reflexe Jacobin qui a empêché les régions de prendre sous leur tutelle les projets et programmes que l’Etat Central initie dans leur territoire. C’est, par exemple, le cas de l’ « Agence Nationale de Reconstruction de la Casamance » (ANRAC), dont le rattachement au Conseil régional a été parmi les dernières revendications du MFDC.
De même, les réticences à décentraliser, au profit des régions, l’exécution du « Budget Consolidé d’Investissement (BCI), participe de ce reflexe Jacobin qui ramène tout à la tutelle du pouvoir central.
Le Sénégal peut donc enlever tous les artifices bureaucratiques qui plombent la libre administration des collectivités locales et leur autonomie de gestion, pour user de ces principes, comme base à la refondation de l’Etat. C’est en cela que la crise en Casamance revêt un caractère éminemment national, dont la solution implique l’intervention de toutes les forces vives de la Nation.

C’est à partir de cette vision nationale de la crise en Casamance que le gouvernement du Sénégal pourrait aborder, confiant du soutien de son peuple, le caractère sous régional de cette crise qui induit aussi des problèmes de sécurité pour la Guinée Bissau et pour la Gambie.
En effet, l’utilisation de leurs territoires comme sanctuaires à des groupes armés pour attaquer le Sénégal et y commettre exactions et braquages sur les populations, pose à nos forces de sécurité des « problèmes de droit de poursuite ». Une problématique que notre Diplomatie devrait prendre en charge, au niveau d’abord de la Gambie et de la Guinée Bissau, et si nécessaire, au près de la CEDEAO, de l’UA, et pour quoi pas, au près du Conseil de Sécurité.

Le Sénégal devrait pouvoir obtenir diplomatiquement, l’expulsion de ces deux pays de tous les groupes armés pour établir le long de nos frontières communes une « zone de paix sans arme », ou bien, la reconnaissance de son « droit légitime de poursuite » contre les agresseurs venus de pays limitrophes.

La Gambie et la Guinée Bissau devraient sentir, autant que le Sénégal, le « même besoin de paix et de sécurité le long de nos frontières ». Leur implication dans le processus de paix en Casamance ne devrait plus être une conséquence de leur bonne volonté et de leurs bonnes dispositions envers le Sénégal, mais bien le fruit de leur prise de conscience, qu’il y va surtout aussi de la « paix et de la sécurité dans leurs pays ».

Sans « paix , stabilité, et sécurité au Sud du Sénégal », il ne peut ou ne doit y avoir « paix , stabilité, et sécurité » dans des pays limitrophes qui servent de sanctuaires à des groupes armés qui violent nos frontières, s’attaquent à nos concitoyens civils et à nos forces de sécurité, sèment la désolation au sein des populations par le recours aux mines anti personnelles.

C’est pour créer les ruptures nécessaires dans la voie résolue vers la paix en Casamance que les Assises nationales de 2008 avaient campé les grands axes de gestion d’une paix durable en Casamance dans le cadre du respect de l’intégrité territoriale de notre pays, et un groupe de travail, à cet effet, était chargé de piloter le dossier en attendant l’avènement de l’Alternance en 2012.

Il est donc temps, à la place de ces nombreux groupes d’intermédiaires qui s’activent et s’épuisent dans des rivalités à caractère personnel, de confier à ce « Groupe de Travail », mis en place par les Assises nationales, le soin de mettre sur pied un « Comité National Préparatoire » à la tenue d’une véritable Concertation nationale sur la crise en Casamance, ouverte aux représentants des gouvernements et organisations de la Société civile de la Gambie et de la Guinée Bissau.

Et cela, conformément à la Motion sur la Crise en Casamance adoptée par notre Vème Congrès à Thiès en ces termes : le Congrès « Lance un appel à toutes les forces républicaines et démocratiques, dans les Partis et dans la Société Civile, pour la création d’une Commission Nationale de Concertation, afin d’ « élaborer une feuille de route consensuelle », sur la base de laquelle, les négociations de paix devront être organisées ».

Cette Concertation nationale devrait baliser la voie à des futures négociations en adoptant un « projet de « feuille de route » sur des bases les plus consensuelles possibles, destiné au gouvernement du Sénégal et à toutes les factions armées ou non du MFDC, pour ouvrir de véritables négociations de paix en Casamance qui consacre l’intégrité territoriale du Sénégal, la paix et la sécurité à la frontière de nos trois pays, transformée en « Zone de paix et de sécurité sans arme ».
C’est stratégie nationale et sous régionale de solution à la crise en Casamance risque évidemment de se heurter à celles des USA et de la France au nom de leur propre sécurité nationale.

Les « loups sont déjà dans la bergerie », par l’attitude bienveillante de nos différents Chefs d’Etat, à leurs égards. C’est aux « bergers » que nous sommes, nous républicains, démocrates et patriotes, de savoir comment les en sortir « sans trop de dégâts pour le troupeau », et sans trop « irriter les loups ». Car « Un loup irrité » est peu prévisible dans ses réactions !

3) Perspectives électorales

Du point de vue de l’intérêt national, les élections à venir constituent, après la Présidentielle de Février –Mars 2012, et les Législatives de Juillet 2012, la dernière étape du processus électoral qui a ouvert l’Alternance du 25 Mars.

Il est donc de l’intérêt de la Nation, que BBY y aille ensemble pour conquérir les 56 Communes et 237 Communautés rurales, devenues Communes de plein exercice, encore entre les mains du PDS, et les 43 nouvelles Communes Départementales.
Il se trouve que l’APR, piqué par le « virus de l’hégémonisme », veut aussi conquérir les 26 Communes et 91 communautés rurales entre les mains de BSS depuis 2009.

Une circonstance qui risque de sonner la fin de la stabilité du pays, dans un contexte et avec un bilan d’étape pas totalement favorables à la coalition BBY, que les compétitions électorales fratricides risquent d’ailleurs de disloquer.

Aussi, est-il il est du devoir du parti de situer clairement les responsabilités dans cette affaire, et le cas échéant, d’appeler massivement à un vote utile pour éviter qu’une seule formation politique ait une main mise exclusive sur toutes les collectivités locales, même si c’est en perspective d’un second mandat pour le Président Macky Sall...
Bien entendu il ne faudrait pas que les enjeux politiques ci-dessus évoqués masquent les enjeux institutionnels, économiques, et fonciers des prochaines locales.

En effet, c’est le sort de la région comme collectivité locale, la libre administration, l’autonomie de gestion des collectivités locale, et la privatisation des terres du Domaine National, qui risque d’être scellé, si l’APR contrôle l’essentiel de celles-ci.

D’où l’importance, dans notre stratégie d’alliance électorale, de mettre en avant les objectifs suivant comme base de toute alliance électorale :

a) Eriger les futurs territoires régionaux en Collectivités locales, assurant la tutelle des pôles et ou/ agences territoriales de développement, pour mettre en œuvre la « territorialisation » des politiques et programmes de développement.

b) Restituer aux collectivités locales, la totalité de leur droit constitutionnel à la libre administration et à l’autonomie de gestion, par la suppression de l’article 245 du Code des Collectivités Locales, qui soumet à approbation préalable de l’autorité administrative det utelle, toutes délibérations des Conseils sur le budget, le foncier, l’aménagement du territoire et la coopération décentralisée.

c) Restituer l’exécution de 50% du Budget Consolidé d’investissement (BCI) aux collectivités locales.

d) Restituer 25% de la TVA aux collectivités locales.

e) Restituer les 650.000 ha de terres spoliées aux collectivités locales qui en sont victimes.

f) Exiger un moratoire sur de nouvelles distributions de terre jusqu’à l’adoption d’une Réforme foncière consensuelle.
Les populations devraient connaître les véritables enjeux politiques, institutionnels, économiques et financiers des Locales prochaines, afin qu’elles puissent choisir leurs élus en toute connaissance de cause.
A cet effet, notre Parti devrait tout faire pour partager cette ligne avec ses amis de BSS de 2009, et, à défaut, avec BSS de 2011.