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Sénégal : Macky sall face à l’équation de la rupture du contrat de confiance

D 1er juillet 2020     H 18:42     A Madièye MBODJ     C 0 messages


Tout véritable leadership repose sur la crédibilité, autrement dit la capacité à faire vivre l’espoir et à inspirer la confiance en termes de compétence, d’engagement sincère et de probité. « N’intronisez qu’un méritant » et veillez à « rechercher, pour assumer la fonction d’Almamy, un homme désintéressé, qui ne mobilise les biens de ce monde ni pour sa personne ni pour ses proches », et le cas échéant, « remplacez-le par un homme compétent quelle que soit sa lignée » : d’une brûlante actualité, ces quelques recommandations, entre autres, formulées déjà en 1776, ici au Fouta, par l’Almamy Cerno Suleymaan Baal. Sur le même registre, dans toutes les cultures et toutes les civilisations, la parole donnée est sacrée. La parole donnée, c’est une promesse, et comme le dit l’adage wolof, « la promesse est une dette ». Quand le président Wade, acculé et dépité, s’était réfugié derrière son tristement célèbre « maa waxoon waxet », pour tenter de forcer le passage vers le 3e mandat et le ticket de la dévolution monarchique du pouvoir, le peuple souverain lui avait alors asséné une chiquenaude décisive le 23 juin 2011, avant de lui infliger un carton jaune le 26 février 2012 et le coup de grâce du carton rouge le 25 mars. Karl Marx a eu à écrire : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide. » Que ne nous a pas promis monsieur Macky Sall, du « mandat de cinq ans des Assises nationales » à la « gestion sobre et vertueuse », sans compter « la patrie avant le parti » ? De la « traque des biens mal acquis » avec la CREI pour les déchus du régime Wade issu de l’alternance du 19 mars 2 000, jusqu’à « l’OFNAC pour les tenants du régime du Macky » ? Au bout de ces beaux slogans, ces aveux tragi-comiques : ‘’ni oui ni non’’ concernant le 3e mandat, le coude du prince ‘’sur des dossiers sensibles qui risqueraient de brûler le pays’’, et patati et patata ! Mais les résistants sont encore là pour dire NON et, soit dit en passant, la nouvelle explosion de créativité artistique et littéraire de la jeunesse combattante aux talents multiples est un signe des temps ; et elle ne se laisse guère désarçonner par le nouveau ‘’spectre du terrorisme’’ agité par les faussaires et que la bourgeoisie internationale tente cyniquement de substituer au ‘’spectre du communisme’’ d’antan. La jeunesse debout monte la garde et, tel cet arbitre de foot, elle n’hésite pas à prendre la VAR à témoin (Assistance vidéo à l’arbitrage) pour démasquer les faussaires et leurs chefs. Combien de malversations et de scandales à la taille XXL étouffés ? Combien de trafiquants de drogue et de faux billets pris la main dans le sac, de ministres et autres DG épinglés, dont les dossiers ont fini par être engloutis en pertes et profits dans les profondeurs de la mer de Ndayaan, tel un simple conte pour enfants ?

« Je vous ai compris », avait lancé le Général de Gaulle le 4 juin 1958 à Alger aux masses mobilisées et assoiffées d’indépendance. Si pour les Algériens « je vous ai compris » n’avait qu’une seule signification : l’indépendance, De Gaule lui à ce moment-là ne faisait que ruser : il a donc fallu au FLN poursuivre la lutte jusqu’en juillet 1962 pour arracher l’indépendance. « Je vous ai entendus, je vous ai compris » : quand Macky Sall lâche ces mêmes mots à la jeunesse sénégalaise en révolte contre la dictature des prédateurs de la Françafrique, contre l’injustice de leur justice, contre leur Parlement transformé en chambre d’applaudisseurs, contre la mainmise des multinationales impérialistes sur notre économie, contre le chômage et la pauvreté des desperados du « Barsa ou Barsaq », la jeunesse résistante aux mains nues ne peut en toute bonne foi se satisfaire des promesses de monsieur Macky Sall. Où sont passés en effet les 500 000 puis le million d’emplois, les 100 000 logements, les fonds de l’ANPEJ, le fast track de la DER, les DAC du PRODAC, et j’en passe ? Son message conciliant du 9 mars 2021 peut-il faire oublier le discours va-t-en-guerre de son magistrat de ministre de l’Intérieur, faisant suite à la résistance citoyenne des journées des 3,4 et 5 mars, consécutives à l’étincelle de l’enlèvement en direct du leader de Pastef, Ousmane Sonko, par les forces spéciales du président Sall ? Discours d’un autre âge s’il en est, arrogant et haineux de la part d’un ministre aux abois, renvoyant à l’époque sombre de la dictature du parti unique, des répressions barbares et des anathèmes des années de braise : « conspiration, actes terroristes, forces occultes identifiées et certainement ‘‘téléguidées de l’extérieur’’, grand banditisme, insurrection organisée… » ; et les hâbleurs intarissables, fatigués de la révolution, devenus les plumitifs porteurs d’eau pour la défense et la justification des pires turpitudes du Macky, de surenchérir à grand renfort de coups de gueule contre d’imaginaires « talibans, djihadistes et salafistes, agents des lobbies LGBT, pétroliers et gaziers à l‘agenda caché » et autres balivernes (waxi ku daanu ci sareet dëggëntaan).

Là où il y a oppression naît la résistance, c’est une loi universelle dans l’histoire des luttes des peuples. Les fatigués de la révolution et leurs nouveaux rois, qui injurient les masses en lutte, défendent « la stabilité » de leur gros fromage, mais certainement pas les intérêts du peuple souffrant, des jeunesses dans le désarroi en particulier, le présent et l’avenir pourtant du Sénégal, comme de l’Afrique. À ceux qui ont encore des yeux pour voir, il n’échappe pas cette vérité crue : les casses des émeutes de l’injustice et de la faim ne sont ni suscitées ni encouragées par de prétendus « cagoulards experts en déstabilisation », elles ne sont que le reflet, grandeur nature, de l’extrême de pauvreté, de misère sociale et de désespoir extrême qui est le lot de la majorité des populations de nos villes et de nos campagnes, face à l’opulence insolente, à la gouvernance des injustices et des inégalités si caractéristiques de ces élites de parvenus et de corrompus qui obstruent tout horizon de progrès pour nos pays. Et ces gens-là ne reculent jamais sincèrement, pour paraphraser F. Fanon, ils peuvent capituler, mais ils ne se convertissent jamais. C’est pourquoi il serait périlleux de crier victoire et de baisser la garde : résistance populaire non violente et combat démocratique de masse, organisation, discipline, vigilance et persévérance, tel doit rester le viatique. Une leçon de chose politique s’impose à nouveau clairement : l’État, l’appareil d’État, ses organes de répression et ses institutions ne sont jamais neutres. L’unicité fondamentale des intérêts de classe de l’État néocolonial au service de l’impérialisme et de ses sous-préfets qui occupent « le Palais du Gouverneur Général », ne saurait être gommée par la séparation fonctionnelle des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : toute l’expérience et la pratique de la lutte en cours le démontrent amplement, même s’il existe nombre de magistrats, de parlementaires, de gendarmes, policiers et soldats, ou de décideurs de l’administration publique qui, par engagement et éthique personnelle, entendent rester des patriotes et des citoyens honnêtes. La refondation des institutions et de la société sur la voie tracée par les Assises nationales du Sénégal, la refondation du modèle démocratique et de gouvernance de notre pays constituent aujourd’hui plus que jamais des enjeux et des défis incontournables. À titre d’illustration, la haute trahison doit cesser d’être un bout de phrase ornant nos constitutions, et l’instauration du referendum citoyen révocatoire devrait permettre au peuple souverain de démettre le cas échéant tout dirigeant se prenant pour Dieu le Père et n’en faisant qu’à sa tête (au point de vouloir nous offrir nous-mêmes, notre pétrole et gaz et même nos vaccins à qui il voudrait). Sur le même registre, la manifestation pacifique encadrée en toute responsabilité par les forces de l’ordre de la République est un droit constitutionnel qui ne doit être objet ni de négociation ni de chantage ; et la nomination d’un juge des libertés devrait contribuer à restreindre les abus de certains procureurs abonnés à la délivrance de mandats de dépôt à tout-va.

Le peuple est debout et mobilisé, les yeux ouverts. Venu le temps de la promotion en actes d’une nouvelle façon de faire la politique au service prioritaire des peuples du Sénégal et de l’Afrique, loin de toute approche de corruption, de concussion, de recherche de privilèges personnels, de reniement ou de trahison de la parole donnée, mais au seul nom de la vérité vraie et de la vraie justice. « Ni Messie ni Sauveur. Révolue l’époque des prophètes, désuète l’ère du JE, du MOI ou de l’EGO de la suffisance et de l’arrogance, finis la roublardise, le spectacle et l’artifice érigés en stratégie politique, finie la tyrannie du bavardage et de la politique politicienne. Il est venu le temps de l’effort collectif, le temps de l’engagement solidaire au service de l’intérêt général et de l’épanouissement individuel, le temps de l’obligation de rendre compte, le temps de la participation et du contrôle citoyens vigilants, le temps d’un leadership nouveau fondé sur la capacité d’anticipation, la compétence, l’humilité, la proximité et le terrain, la pédagogie de l’exemple et le respect dû au citoyen en tant que nawle, conformément au principe selon lequel le dirigeant n’est que le primus inter pares, choisi comme premier responsable parmi des hommes libres et égaux, pour piloter le navire de leurs espérances communes » (Madieye Mbodj,Contribution/ Article de presse, Dakar, 5 octobre 2006). À ces propos, font écho ces mots d’Ousmane Sonko : « Le Sénégal n’a pas besoin de messie ni de héros, mais d’une masse critique de citoyens conscients des enjeux et qui ont le courage d’agir » (Programme Jotna de la Coalition Sonko président– Février 2019). Tâchons tout simplement d’être du contingent de ces ‘’citoyens conscients des enjeux et qui ont le courage d’agir’’, afin d’incarner, de mériter et de ne point décevoir le nouvel espoir en train de germer sur notre terre d’Afrique. Le contrat de confiance est bel et bien rompu entre le président Sall et le peuple sénégalais, sa jeunesse en tête. Et sans le capital confiance, sans la flamme de l’espoir, point de leadership qui porte en avant : le roi est nu, vive la République !

Madieye Mbodj est délégué général de Yoonu Askan Wi/ Mouvement pour l’Autonomie Populaire.


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