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Série Sénégal (3), les religieux arbitres de la présidentielle de 2024

D 5 juillet 2021     H 15:15     A Francis Sahel     C 0 messages


Artisans de la désescalade la crise consécutive à l’arrestation en mars dernier d’Ousmane Sonko, principal opposant du président Macky Sall, les chefs religieux sénégalais devraient rester les véritables arbitres du jeu politique jusqu’à la présidentielle 2024 qui s’annonce comme celle de tous les dangers.

Ton modéré, posture de « père de la nation rassembleur », bienveillante attention envers la jeunesse : les Sénégalais ont été surpris par la prestation du président Macky Sall lors de son adresse à la nation du 8 mars 2021, en plein crise socio-politique consécutive à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. La surprise était d’autant plus grande qu’Antoine Félix Abdoulaye Diome, ministre de l’Intérieur de Macky Sall, promettait 48 heures plus tôt l’enfer aux soutiens du président du parti des patriotes du Sénégal pour l’éthique, le travail et la fraternité (PASTEF).

Derrière le revirement spectaculaire de Macky Sall dans la gestion de cette crise, apparait l’action des chefs religieux, notamment celle du khalife général des Mourides Serigne Mountakha Bassirou Mbacké. Plusieurs émissaires du grand guide religieux ont été dépêchés depuis Touba, capitale du Mouridisme, pour porter au président Sall un message l’exhortant à l’apaisement. Ce qu’il fit aussitôt pour ne pas se mettre à dos les puissantes confréries religieuses du pays.

Dans le camp d’en face, les partisans d’Ousmane Sonko ont eux aussi immédiatement accédé à la demande des guides religieux de surseoir aux manifestations nationales qu’ils avaient annoncées pour le 13 mars. Signe de leur empressement à obtempérer à l’injonction des religieux, les dirigeants du Mouvement de défense de la démocratie (M2D) avaient ajourné les manifestations la veille sans explications, ni nouvelles dates. Sonko et ses soutiens savent qu’il n’est pas de bon ton au Sénégal de tergiverser face à la demande des guides religieux. Ni pour le présent, ni pour l’avenir.

Un nouveau bras de fer
Les deux camps ont donc finalement accepté la sortie de crise proposée par la médiation des guides religieux. Ils n’ont pas pour autant renoncé à fourbir leurs armes pour la prochaine confrontation. Sans s’y méprendre, la tournée dite « économique » de Macky Sall dans les régions est une pré-campagne à visées électorales. En promettant ici des infrastructures routières ; là l’accès aux services essentiels comme l’eau et l’électricité ; ailleurs une rémunération mensuelle de 50.000 FCFA à tous les chefs traditionnels du Sénégal, le président sénégalais espère en échange réussir le moment venu à faire accepter sa volonté de briguer un troisième mandat. Ce que la Constitution du Sénégal ne permet pas actuellement. En dépit des appels pressants, le président Sall n’a jamais clairement laissé entendre qu’il ne forcerait pas les portes d’un troisième mandat. Ceux de ses partisans qui se sont livrés à cet exercice, ont d’ailleurs été très brutalement recadrés. Loin de regarder Macky Sall prendre la moindre longueur d’avance, Sonko prépare lui aussi ses troupes. Après un rassemblement-test le 12 juin, Place de la nation à Dakar, ses partisans projettent des manifestations dans tout le pays. L’enjeu pour le leadership du PASTEF est d’éviter une disqualification à la présidentielle de 2024 par la voie judiciaire. Poursuivi pour « viols présumés » sur une employée d’un salon de massage de Dakar, Sonko n’entend pas subir le même sort que Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, écarté de la présidentielle de 2019 pour « détournement des fonds publics » puis gracié après la réélection de Macky Sall.

La présidentielle de tous les dangers
Macky Sall a donc besoin des religieux pour faire passer sa modification constitutionnelle permettant de briguer un troisième mandat. Sonko aura lui aussi besoin des religieux pour éviter son élimination de la course à la présidentielle par l’emprisonnement et le casier judiciaire. Lorsqu’ils auront franchi chacun l’obstacle qui se dresse devant eux, le président Sall et son principal challenger auront à nouveau besoin du soutien des grands chefs religieux pour gagner la présidentielle. En effet, les deux grandes confréries religieuses (Tidianes et Mourides) représentent environ 80% de la population du Sénégal ; ce qui leur donne un poids électoral indiscutable.

On est certes très loin de la période où les guides religieux édictaient des décrets pour appeler à voter pour tel ou tel autre candidat, il reste cependant clair que le soutien, même non officiel, du khalife général de Mourides Serigne Mountakha Bassirou Mbacké et celui du khalife général des Tidianes Serigne Babacar Sy Mansour ont une importance. Même sans consigne, « les talibés » regardent avant de voter vers quel courant politique penche le cœur du khalife général. Ni Ousmane Sonko ni Macky Sall n’envisagent donc de se mettre à dos les guides religieux. Surtout pas dans le contexte de la présidentielle de 2024 qui s’annonce comme celle de tous les dangers pour le Sénégal.


Voir en ligne : Mondafrique

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