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L’extraction du sable menace les habitations et l’économie en Sierra Leone

D 3 mars 2013     H 05:22     A IRIN     C 0 messages


FREETOWN - L’extraction effrénée du sable sur les plages situées à quelques kilomètres de la capitale de Sierra Leone, Freetown, a un effet dévastateur sur le littoral, détruisant les habitations et réduisant à néant les espoirs d’un retour du tourisme.

Kolleh Bangura, directeur de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) de Sierra Leone, s’inquiète de la vitesse à laquelle les plages sont vidées de leur sable. « Cela empire », a-t-il déclaré à IRIN, expliquant qu’avant l’extraction du sable, l’érosion du littoral était d’un mètre par an. « Maintenant, cela va jusqu’à six mètres [dans certaines zones] ».

« Lorsque l’on enlève du sable sur une partie de la plage, cela perturbe l’équilibre et a un impact direct sur le littoral », a-t-il déclaré.

Dans le village de Lakka, des pans entiers du littoral sont encombrés de restes de construction dont les fondations se sont effondrées à cause de l’extraction du sable. Beaucoup d’habitants de la côte voient impuissants le littoral se rapprocher leurs habitations.

Balu Kargbo vit à quelques mètres seulement d’une falaise de sable meuble au bord de Hamilton Beach, à 8 km de Freetown. Elle est très inquiète pour sa maison mais, comme ses voisins, elle n’a pas les moyens de déménager. « La plage se réduit sans cesse », affirme-t-elle.

Plus loin sur la plage, un orphelinat dirigé par l’ONG (organisation non gouvernementale) OrphFund est obligé de se déménager ailleurs. « Nous sommes partis pendant un mois en mai 2011 », a déclaré Kat Cacavas, bénévole à l’orphelinat, « et lorsque nous sommes rentrés, notre clôture avait disparu ».

Depuis, la falaise a reculé de cinq mètres supplémentaires. Si l’érosion continue au même rythme, le bâtiment ne devrait pas tenir plus de deux ans.

Tourisme

« L’extraction du sable est une catastrophe pour l’industrie du tourisme », a déclaré M. Bangura de l’EPA. « Partout dans le monde, le sable est une ressource pour le tourisme, mais aujourd’hui, nos plages se dégradent ».

Eimer Peters est coordonnatrice du développement communautaire de Tribewanted, un projet d’écotourisme sur la plage voisine de John Obay. En plus d’employer plus de 20 personnes, Tribewanted a permis la construction de toilettes et d’un puits, et a distribué de l’argent ’de bonne volonté’ à la communauté, qui est utilisé, par exemple, pour payer le salaire des professeurs à l’école locale.

Mais il est à craindre que l’extraction du sable ne compromette les espoirs du village d’attirer les touristes. Le grondement sourd des camions s’entend distinctement la nuit et de nouveaux rochers apparaissent sur la plage à mesure que le sable est enlevé.

Le village voisin de Bureh a longtemps attiré les habitants de Freetown qui cherchaient à s’évader de la ville. Par conséquent, la décision avait été prise de ne pas extraire le sable dans le village. Mais l’extraction du sable près de John Obey a des conséquences dramatiques sur la plage de Bureh, il y a déjà moins de visiteurs qui viennent de Freetown, a affirmé Mme Peters. « Les tortues de mer ne sont pas venues non plus cette année », a-t-elle ajouté.

Pas d’autres emplois

Même les extracteurs de sable reconnaissent que l’extraction du sable n’est pas une entreprise durable. « Un jour, il faudra l’interdire, si nous voulons amener le tourisme ici », a déclaré Abu Bakarr qui entasse du sable dans l’un des 40 camions garés sur Hamilton Beach. « Mais nous avons besoin de l’extraction du sable pour gagner nos vies. Le gouvernement doit nous donner des emplois. S’il n’y a pas d’emploi, les jeunes travailleront dans l’extraction du sable ».

Selon un récent rapport de la Commission nationale de la jeunesse du pays, plus de 60 pour cent des jeunes sierra-léonais sont au chômage.

Les extracteurs indiquent que de nombreux projets de construction ayant contribué à la récente réélection du président Ernest Bai Koroma nécessitent du sable. « Sans l’extraction du sable, il n’y a pas de construction », a déclaré Samba Jalloh, conducteur de camion.

M. Bangura a souligné le lien entre le développement et l’extraction du sable. « Dès le début du développement, nous avons commencé à perdre notre sable », a-t-il déclaré à IRIN. Dix ans après la fin de la guerre civile, le bâtiment est en plein essor en Sierra Leone.

Selon l’EPA, aujourd’hui, l’extraction du sable est en principe interdite sur toutes les plages à l’exception de John Obey. Mais l’interdiction n’est pas du tout respectée et l’extraction s’opère à grande échelle. Même si une interdiction locale est appliquée, l’extraction se fait après la tombée de la nuit. « La police travaille de 9 heures à 17 heures, donc l’extraction a lieu principalement la nuit », a déclaré M. Bangura.

Obstacles

Les intérêts particuliers nuisent aux efforts entrepris pour résoudre le problème : les extracteurs ont besoin de ce travail, les chefs locaux s’enrichiraient en taxant le sable et les entreprises de construction ont besoin d’un apport régulier pour continuer leur travail.

Le problème est encore plus complexe, car on ne sait pas clairement qui détient l’autorité définitive en matière de réglementation de l’extraction du sable. Une loi, introduite par le gouvernement local en 2004, a décentralisé le contrôle des ressources naturelles aux conseils locaux, donc l’EPA se sent démuni. « Nous voulons une interdiction formelle », a déclaré M. Bangura, « mais le conseil affirme qu’une interdiction provoquerait une guerre ».

Il pense que la création d’autres emplois est la solution pour mettre fin à l’extraction du sable. Des projets sont déjà en cours pour créer des emplois durables pour les jeunes de la péninsule, mais l’extraction du sable est bien rémunérée et les progrès sont lents.

Cependant, M. Bangura a bon espoir qu’avec le temps, les communautés du littoral réalisent l’importance de préserver leurs plages et affirme qu’il constate déjà un changement des mentalités à mesure que les preuves des effets destructeurs deviennent palpables. « Maintenant que les gens voient les conséquences, la pression commence à venir des communautés locales, et non plus uniquement des organisations », a-t-il déclaré.

Source : http://www.irinnews.org/