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AFRICA 60 : L’heure de la deuxième Indépendance a-t-elle sonnée portée par la jeunesse ?

Par Moulaye Aïdara

D 15 août 2020     H 09:00     A Moulay     C 0 messages


« Nous refusons désormais de mourir d’ignorance, de faim et de soif, tout en arrivant pas à vivre véritablement depuis un quart de siècle d’existence comme Etat souverain, siégeant à l’ONU ». Ces paroles en lien direct avec le discours de Thomas Sankara à l’ONU le 4 octobre 1984 sont reprises en chœur par une grande partie de la jeunesse africaine plus de 30 ans après. Déjà, lors des cinquantenaires des Indépendances des pays africains colonisés par les pays Européens au nom du Capitalisme et de l’impérialisme qui « est un monstre qui a des griffes, des cornes, des crocs, qui mord, qui a du venin et qui est sans pitié. Il est déterminé, il n’a pas de cœur », beaucoup de voix s’étaient élevées pour dénoncer cet état de fait, cette monstrueuse situation qui fait que le continent le plus riche de la planète en soit réduit à quémander jusqu’à sa propre nourriture. 10 ans après AFRICA 50, l’Afrique en est toujours à quémander sa nourriture, à s’endetter pour construire routes et aéroports pendant que le peuple meure de faim, d’ignorance et de soif. Mais une nouvelle donne apparait petit à petit, une prise de conscience portée par la jeunesse africaine qui sait à présent que tout son malheur est dû à l’exploitation capitaliste et qui est aujourd’hui prête à faire front pour lutter contre le venin de l’impérialisme.

Une jeunesse consciente que son malheur est lié à l’exploitation capitaliste

La misère, cette grande sœur de la pauvreté qui se voile la face pour ne pas voir son malheur est certainement le venin le plus terrible de l’exploitation capitaliste. Parce qu’elle tue l’espoir. Mais, « La misère des uns, c’est l’envers de la prospérité des autres, c’est le résultat non d’une fatalité mais de résultats économiques analysables qui s’appellent l’exploitation, exploitation qui se perpétue par la domination des grandes puissances capitalistes sur les pays sous-développés. Dans le jargon international, l’exploitation est masquée sous le nom de développement, la domination sous le nom d’aide ».
Depuis plusieurs années, les mouvements portés par la jeunesse africaine ont fait tomber des dictateurs que ce soit en Egypte, en Tunisie ou au Burkina Faso ou fait reculer les hommes politiques qui comptaient se maintenir au pouvoir en modifiant la Constitution par exemple au Sénégal et depuis peu en Guinée. Cette jeunesse née bien après les Indépendances a compris que le malheur de son continent est en étroit lien avec l’exploitation de ses ressources par le Capitalisme international et ses valets africains qui, bien qu’ayant la même couleur de peau qu’eux, bien qu’originaires du même pays ont décidé consciemment de se détourner de leur Peuple en vendant à vil prix ressources et dignité. Des mouvements comme Y’en a marre ou balai citoyen ont empêché au Sénégal comme au Burkina Faso, le maintien au pouvoir d’Abdoulaye Wade et Blaise Compaoré grâce à une mobilisation exploitant les réseaux sociaux mais également une grande motivation. Et même si certains aspects de ces mouvements citoyens appellent à questionnement , il faut reconnaitre qu’ils ont permis un changement de paradigme et ouvert la voie à une prise de conscience de la grande force de frappe d’une jeunesse unie.
C’est ainsi qu’au Sénégal, Guy Marius Sagna, qui se revendique ouvertement Marxiste-Léniniste est de tous les combats. Depuis le mouvement M23 (qui empêcha Abdoulaye Wade de modifier la Constitution pour une dévolution monarchique en faveur de son fils) dont il était un des leaders à Tambacounda(une région au sud-ouest du Sénégal), Guy Marius Sagna se bat aujourd’hui contre les APE (Non aux APE) , contre l’installation des grandes surfaces comme Auchan au Sénégal à travers le mouvement Auchan dégage puis contre le néocolonialisme avec un autre mouvement FRAPP -France dégage mais également contre l’accaparement des ressources du pays par le clan présidentiel avec le mouvement Aar Li Nu Bokk . Arrêtés plusieurs fois (une quarantaine de fois), Guy Marius Sagna est train de battre le record de mandats de dépôt au Sénégal. Son seul tort, manifester son mécontentement. La dernière arrestation de Guy Marius ainsi que huit de ses camarades remonte au 29 novembre 2019 alors qu’ils dénonçaient la hausse des prix de l’électricité. Les idées portées par le Che africain Thomas Sankara sont donc vivaces et sont reprises aujourd’hui par des hommes et des femmes comme Guy Marius Sagna . Car on peut tuer les hommes mais on ne peut pas tuer les idées ! Les graines plantées par Thomas Sankara mais également Patrice Lumumba, Cheikh Anta Diop, Kwamé Nkrumah ont aujourd’hui données des plantes puis des fruits et la jeunesse africaine a compris qu’il faut planter d’autres arbres de la Révolution afin de libérer tout le continent du joug de l’impérialisme.

Demain nous appartient !

Le 2 aout 1999, deux jeunes guinéens Yaguina Koita et Fodé Tounkara meurent dans la soute d’un avion de ligne reliant Conakry à Bruxelles. Recroquevillés l’un à côté de l’autre, serrant sur le cœur une lettre en forme d’appel au secours, les deux enfants de 14 et 15 ans ont ému toute la Belgique . La lettre qu’ils portaient étaient adressées aux « Excellences, Messieurs les membres et responsables d’Europe ». Yaguina et Fodé sont les martyrs d’un nouveau genre, les martyrs du désespoir car ces deux garçons ne se sont pas adressés aux Membres et responsables d’Afrique mais à l’Europe traduisant ainsi l’échec manifeste des dirigeants africains. Le 4 décembre 2019 soit 20 ans après la tentative de Yaguina et Fodé de rejoindre l’Europe, 60 personnes dont surtout des jeunes mais également des femmes meurent au large de la Mauritanie lorsque leur embarcation chavire. Ils tentaient de rejoindre l’Espagne par la mer. La méditerranée mais également l’océan atlantique ont englouti beaucoup d’espoirs de jeunes africains désespérés par leur situation dans leur riche continent. Les Sénégalais candidats à l’émigration crient « Barsa Mba Barsak (Barcelone ou la mort) », quel terrible aveux de désespoir !
Mais de nouvelles voix s’élèvent, au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et ailleurs pour revendiquer une nouvelle Indépendance. Au Sénégal, elle est portée par la voix d’Ousmane Sonko, député de la coalition Ndawi Askan Wi qui l’a porté à l’Assemblée natonale et qui est arrivé 3ème aux dernières élections présidentielles de 2019 avec un peu moins de 16% des voix et pour une première participation. Ousmane Sonko est le porte-voix d’une nouvelle voie au Sénégal qui rejette le système actuel de coalitions hétéroclites et dénonce l’accaparement des ressources du Sénégal par le clan présidentiel et par l’impérialisme international. Il en est d’ailleurs de même au Mali mais également en Côte d’Ivoire où de toute façon une génération, celle de la première Indépendance dévouée, est arrivée à bout de souffle (au sens propre et au sens figuré).

Aujourd’hui, il semble évident que la présence française au Mali soit plus un problème pour les maliens que la solution. La sortie de Macron, convoquant manu militari les Présidents du G5 Sahel a montré le manque de respect et le peu de considération que le Président français a de ses homologues africains. Un minimum de dignité serait de refuser de s’y rendre mais comme tous les Africains s’y attendent, ils vont courir répondre au jeune Président Macron qui pourrait être leur fils ou petit-fils et lui réitérer leur demande de la présence de l’armée française au Sahel. Les manœuvres de l’impérialisme au sahel sont de plus en plus manifestes et aujourd’hui la jeunesse et les Peuples du Sahel refusent cette présence néocoloniale. Les chefs d’Etat africain, en rupture totale avec le Peuple soutiendront bien évidemment la soumission à la France et à Macron. A moins que la dignité ancestrale de nos aïeux prenne le dessus grâce à la mobilisation des peuples africains.
Il y’a donc de l’espoir mais cet espoir est fragile car l’impérialisme est un monstre qui ne recule devant rien pour ses intérêts. Il faut consolider le camp de la contestation à travers la jeunesse et partout en Afrique de l’ouest et ailleurs se lèveront les jeunes et répondront à l’Appel du bon sens et de la nouvelle libération de l’Afrique.

Moulaye Aïdara


Voir en ligne : Revue Aujourd’hui l’Afrique numéro spécial