AMÉLIORATION DE LA PROMOTION DE L’INVESTISSEMENT AU TOGO : Baisse de la création de richesses pour la grande majorité de la population ?
21 janvier 2020 05:30 0 messages
Selon les statistiques d’octobre 2019 du Fonds monétaire international, le Togo a réussi entre 2010 et 2020 à maintenir une croissance économique moyenne de 5,6 %, bien au-delà de la moyenne de l’Afrique subsaharienne avec 3,3 % 1.
1. Le Rapport Doing Business occulte les coûts des externalités causées par les investisseurs
Le Togo a fait des progrès notables dans l’amélioration de son environnement des affaires pour les investisseurs étrangers, mais attention de ne pas avancer des statistiques qui ne donnent pas une image fidèle de la réalité togolaise pour les investisseurs 2.
Le Rapport Doing Business de 2020 du groupe Banque mondiale (sorti en octobre 2019) met en valeur ce qui arrange la Banque mondiale et les investisseurs et pas nécessairement ce qui va dans l’intérêt des populations africaines. Il s’agit de mesurer la facilité pour faire des affaires dans 190 pays dans le monde, même si les investissements qui sont réalisés peuvent s’avérer être contre-productifs au niveau environnemental et même social. Mais ce rapport évacue totalement ces coûts négatifs qui sont des externalités que l’Etat africain et les populations doivent supporter en silence.
Il faut donc faire attention de ne considérer les statistiques offertes par le rapport Doing Business comme le livre sacré de la Bible ou du Coran. Il s’agit d’abord d’information pour attirer les grands et puissants investisseurs étrangers dont le chiffre d’affaire annuel comparé au budget de certains Etats africains témoignent d’un rapport de force en faveur des entreprises multinationales. Lorsqu’alors les dirigeants africains optent pour participer au capital de ces sociétés, la question se pose de savoir si l’investissement est pour les populations africaines ou pour une certaine oligarchie financière au pouvoir.
Cela étant dit, si vous vous intéressez aux petites et moyennes et entreprises, là où se crée l’essentiel des emplois décents et stables, les performances proposées par le rapport Doing Business peuvent être trompeuses. Cela a conduit de nombreux chefs de PME/PMI à réaliser des investissements en Afrique alors que la rentabilité s’est avérée problématique du fait justement de considérations locales et un système judiciaire peu performant pour régler les conflits commerciaux avec l’Etat africain.
2. Doing Business 2020 : Le Togo se classe 9e parmi les 10 premiers pays africains
A côté de la Nouvelle-Zélande qui caracole en tête comme le pays où le climat des affaires est le plus propice pour les investisseurs, rappelons tout de même que les pays africains sont ceux qui sont les plus lents à améliorer leur environnement des affaires. Sur les 50 pays qui ont le plus progressé en 2019, deux proviennent d’Afrique le Togo et le Nigéria.
Pour mesurer le climat des affaires, 12 thèmes affectant la vie de entreprises sont mis en avant. Le temps nécessaire pour obtenir les pièces justificatrices ou les certifications sont pris en compte pour les 12 thèmes à savoir : la création d’entreprise, l’obtention du permis de construire, l’accès à l’électricité, l’obtention d’un titre de propriété, l’obtention d’un crédit, la protection des actionnaires minoritaires, le paiement des impôts, les obstacles au commerce transfrontalier, le respect des contrats, traitement de l’insolvabilité, les emplois potentiels créés, les difficultés ou pas dans l’obtention et l’exécution de contrats avec l’État.
Le Togo se classe 9e parmi les 10 pays africains les mieux classés, loin derrière Maurice (13e sur 190), le Rwanda (38e), le Maroc (53e), le Kenya (56e), la Tunisie (78e), l’Afrique du Sud (84e), la Zambie (85e), le Botswana (87e), le Togo (97e) et les Seychelles (100e) 3.
Le Togo n’est ni Maurice, ni le Rwanda, ni le Maroc respectivement 1er, 2e et 3e meilleur classement en Afrique.
3. Un investissement non efficient peut devenir une ressource génératrice d’endettement
Favoriser uniquement les très grandes entreprises multinationales qui souvent ne payent pas d’impôt pendant parfois 10 ans apparaît de plus en plus comme un problème qui bloque le développement des petites et moyennes entreprises, et paradoxalement ne favorise pas la création d’emplois décents et stables.
Les investissements récents au Togo du 1er milliardaire africain le Nigérian M. Aliko Dangote pour une usine de traitement du phosphate (2 milliards de $EU) et de la cimenterie (60 million de $EU) ou encore ceux du Groupe Emirati Amea Power dans la construction d’une centrale solaire dans le centre du pays (Blitta) pour 33,5 millions de $EU 4) ne doivent pas faire oublier les nombreux disfonctionnements et notamment la corruption et les échecs des investissements passés entre 2005 et 2019, et dont la dette intérieure et extérieure continue à peser sur le Togo, surtout que le Togo a réussi à bénéficier de délais de grâce et donc de report dans le temps et sur les générations futures de ses remboursements. Faut-il rappeler que les habitants d’Aného attendent toujours que M. Dangote vienne payer sa part de la « réparation » du vieux pont de cette ville qui s’est écroulé suite au passage régulier des camions « Dangote » bourrés de ciments ? Qui est responsable du coût cette externalité négative, effet indirect des investissements au Togo ? Le Togo ou l’investisseur ! Sûrement pas les populations d’Aného !
En période électorale, il ne faut pas tomber dans le piège des annonces des potentiels investisseurs. Un investissement non efficient peut devenir une ressource génératrice d’endettement et devenir un poids pour l’endettement du pays. Le bilan des investissements au Togo depuis 10 ans s’impose, notamment pour l’aéroport international ou la centrale énergétique Contour Global 5…
Pour conclure et c’est un paradoxe qu’entre 2010 et 2020, le Togo sous Faure Gnassingbé a fait chuter la croissance de la richesse par habitant (produit intérieur brut) du citoyen togolais de -0,6 %, passant de 3,3 % de la richesse produite par habitant en 2010 à 2,7 % en 2020. En comparaison, les pays voisins ont fait mieux que le Togo, respectivement 3,8 % pour le Bénin, 3,5 % pour le Ghana et 3,5 % pour la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africain) 6.
4. Doing Business au Togo : Uniquement pour les « en-haut-d’en-haut » ?
Aussi, la performance des deux dernières années du Togo en matière de promotion de l’investissement étranger ne doit pas faire oublier le bilan global des années précédentes notamment avec les conséquences sur l’environnement, la progression de l’impunité et une justice peu fiable en matière commerciale 7.
Tout ceci constitue des entorses importantes au respect de l’état de droit des investisseurs, notamment au niveau national. La dette nationale envers les entrepreneurs togolais peine à être payée. Donc le Togo est bien classé dans un rapport destiné aux investisseurs, mais ce n’est pas le cas pour la grande majorité de la population togolaise, qui perd en pouvoir d’achat et en création de richesses depuis plusieurs années.
Du coup, faire des affaires au Togo, est-ce réservé uniquement à ceux qu’il faut bien classer parmi les « en-haut-d’en-haut » ?
13 janvier 2020.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO.
Directeur Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank.
Source : https://cvu-togo-diaspora.org
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